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mercredi 14 mai 2025
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Shes Perfect, le rêve classique d’un drôle de turfiste

Shes Perfect, le rêve classique d’un drôle de turfiste

En douze mois, Basher Watts [en costume blanc sur notre photo] est passé de simple parieur à créateur d’un syndicat qui aligne une pouliche dans la Poule d’Essai. Avec sincérité et humour, il a réuni une communauté de passionnés autour des courses et des réseaux sociaux. Une histoire moderne, vraie et inspirante, qui montre qu’avec un peu d’audace, les rêves les plus fous peuvent mener jusqu’aux classiques. Adrien Cugnasse vous raconte son histoire et celle de sa pouliche Shes Perfect (Sioux Nation).

Une Cendrillon dans la Poule

Cette pouliche, acquise il y a 12 mois à la breeze up Arqana, a décroché son ticket pour la Poule en se classant deuxième du Prix de la Grotte (Gr3). Sa réussite, c’est celle de Basher Watts, un Anglais qui vient de créer un nouveau type d’influenceur hippique.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

C’est l’histoire d’un turfiste, James Watts, dont le surnom est Basher Watts. Après ses études, il veut vivre de sa passion et cela passe par un poste au service communication de l’hippodrome d’Huntingdon. Mais dans sa famille, tout le monde est son propre patron et il décide donc de lancer sa propre entreprise. Pendant sept ans, il sera donc traiteur, fournissant notamment plusieurs champs de courses anglais, mais aussi des festivals de musique et des mariages. En parallèle, Basher Watts continue à se rendre aux courses en tant que parieur. Et il s’aperçoit qu’il y a un manque en termes de communication. D’un côté, on retrouve des influenceurs qui affichent un style de vie ostentatoire et qui veulent faire croire qu’ils sont des parieurs professionnels (alors que dans les faits ils travaillent souvent pour des bookmakers). De l’autre, la communication officielle, très encadrée et très désincarnée des hippodromes anglais. Il y a 24 mois, Watts a alors une idée : raconter sa vie de parieur « normal », avec bonne humeur mais aussi avec honnêteté. C’est-à-dire se filmer aux courses en montrant ce qu’il joue vraiment, avec ses gains mais aussi souvent ses pertes. Ce côté réaliste et honnête, couplé à une grande aisance devant l’objectif et beaucoup de bonne humeur, va lui permettre de constituer assez rapidement une communauté de passionnés de courses sur les réseaux sociaux. La rencontre avec ses abonnés le pousse à franchir un nouveau cap en créant un syndicat qui le fait désormais vivre : Basher Watts Racing. Il explique : « Je suis le genre de parieur qui joue ses 15 £ par course. Ce réalisme a fait naître un sentiment de confiance et de proximité avec un certain nombre de personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux. Nous avons commencé à aller aux courses ensemble, car il est souvent difficile de motiver famille et amis. Et finalement, de passionnés un peu isolés d’un sport minoritaire, nous sommes devenus un groupe qui a six chevaux à l’entraînement. » Dimanche, ils seront au départ de la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1) avec Shes Perfect (Sioux Nation) !

« Nous avons commencé à aller aux courses ensemble, car il est souvent difficile de motiver famille et amis. Et finalement, de passionnés un peu isolés d’un sport minoritaire, nous sommes devenus un groupe qui a six chevaux à l’entraînement. »

Une rentrée audacieuse

Shes Perfect a coûté 50.000 € l’année dernière chez Arqana lors de la breeze up de Deauville. Chaque part de 1 % a été vendue 600 £, avec 40 £ de frais mensuels ensuite. Au départ, c’est peu de dire qu’elle n’était pas programmée pour la voie classique. Lauréate d’un maiden anonyme à Haydock au mois d’août dernier, elle a bouclé son année de 2ans par une troisième place dans une bonne course à conditions devant Glamis Road (Kodiac), lauréate du Prix Herod (L). Mais de là à effectuer directement sa rentrée 2025 dans le Prix de la Grotte (Gr3), surtout face à Zarigana (RS) (Siyouni)… il y avait un pas énorme à franchir ! Basher Watts confie : « Lorsqu’elle s’est classée troisième à Goodwood… c’était en terrain très lourd. Elle a toujours aimé le souple, et nous sommes venus en France pour trouver ce type de terrain. Mais à Longchamp, lors de sa rentrée, il n’était probablement pas aussi lourd qu’à Haydock. Charlie Fellowes l’a toujours beaucoup aimée car la pouliche travaillait très bien. Mais pour savoir si un cheval est vraiment bon, il n’y a qu’une seule solution, le courir dans une bonne course. Or, à cette date, le programme offre peu de possibilités sur le mile. D’où l’idée de venir courir le Prix de la Grotte (Gr3). Tout le crédit de ce bon engagement revient à Charlie. Quelle que soit la suite, nous avons une pouliche black type. Car après tout, elle n’était que gagnante de maiden et troisième de course à conditions. À ce stade, elle aurait tout aussi bien pu être simplement gagnante d’un gros handicap. Cela nous a placés sur les rails pour les Guinées françaises, une très bonne course mais qui reste moins inaccessible que son pendant anglais. »

Comment il a percé

Très avenant, Basher Watts n’est pas un influenceur « bling-bling » : « À mon sens, les courses sont le meilleur sport au monde. Mais en Angleterre, cela reste un sport avec une image vieillissante. En d’autres termes, les courses, c’est pour les « vieux » qui ont de l’argent. Je ne partage pas cet avis. Et j’adore produire du contenu pour les réseaux sociaux. Alors quitte à le faire, autant faire preuve de sincérité. D’une certaine manière, cette sincérité a fait mouche. » Lorsque le monde des courses a compris qu’il allait rater le train des réseaux sociaux, tout le monde s’est mis à poster des photos sépia sur Instagram. Probablement avec une réussite limitée en termes d’impact sur le public ! À l’inverse, Basher Watts a fait le choix d’incarner son sujet, face caméra : « Les gens veulent ressentir les choses, comme s’ils étaient à votre place. Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on est propriétaire ? Qu’est-ce qui vous traverse quand vous poussez votre cheval ? Voilà ce que j’essaye de partager. C’est la raison pour laquelle une personne me filme au cÅ“ur de l’action. Les courses, c’est beaucoup de désillusions mais aussi de très grands moments dont il faut tirer le maximum. Vous franchissez le pas en devenant copropriétaire le jour où vous touchez du doigt cette adrénaline, cette passion… En fait, 80 % des personnes qui ont pris une part chez nous n’avaient jamais été copropriétaires auparavant. C’est vraiment une fierté. Mieux encore, certains ont pris des parts alors même qu’ils n’étaient pas vraiment impliqués dans le sport hippique jusqu’à présent. Ce sont des gens qui ne suivaient pas les courses de manière régulière mais qui sont venus sur les conseils d’amis. »

Ayant été des deux côtés de la barrière, en tant qu’influenceur aujourd’hui et responsable de la communication hier, Basher Watts analyse : « On peut faire venir les gens sur un hippodrome. À Newmarket, avec un concert, vous aurez certainement des milliers de gens aux courses. La question est la suivante : comment connectez-vous ce public avec le sport hippique ? Assurément, vu le nombre colossal de courses à suivre en Angleterre, il y a un phénomène de dilution de l’intérêt qui complique l’adhésion du public. Vous pouvez promouvoir un grand match de boxe des mois à l’avance. Mais dans les courses, c’est rarement le cas. Les champions s’évitent avant les grands rendez-vous. La tradition a été d’essayer de toucher le public avec des campagnes publicitaires, de l’affichage glamour en ville… Je pense que nous devrions plutôt miser sur le contenu en ligne pour mettre en avant le sport, les chevaux, les acteurs… Faire de la pédagogie en somme. Tout cela pour que les personnes qui viennent faire la fête aux courses aient vu en amont une vidéo qui explique comment lire le programme, placer un pari, comprendre une valeur handicap… Faire venir les gens est une chose. Mais il faut travailler à les convertir. Et c’est un flux quotidien, un travail constant avant, pendant et après les courses. »

Il n’a jamais été aussi bien accueilli… qu’à Longchamp !

« J’ai arrêté la restauration l’année dernière au mois de juin. Désormais, les courses et plus précisément l’animation de syndicat sont mon métier. Au printemps dernier, j’avais un cheval et il n’avait pas encore couru. Douze mois plus tard, nous avons six chevaux et 300 copropriétaires. Et qui sait, peut-être bientôt un gagnant classique en France ! Assurément, la deuxième place dans le Prix de la Grotte (Gr3) a été un grand jour pour nous tous. C’est une expérience addictive. Honnêtement, nous avons été très bien reçus. Marie Rohaut, de France Galop, a été formidable. Dès que nous avons posé un pied à Longchamp, elle a tout fait pour faciliter notre journée. En fait, nous avons vécu une meilleure expérience, en tant que syndicat et en tant que groupe de 22 personnes, que dans n’importe quel hippodrome anglais. Par exemple, en Angleterre, le plus souvent, nous ne pouvons pas être plus de huit dans le rond. Alors nous avons décidé de voir les choses en grand pour la Poule… Et 58 personnes vont faire le déplacement ! C’est peut-être un peu trop (rires). »

On ne peut pas dissocier le sport et le jeu

Au-delà de la syndication de chevaux de course et de l’animation de syndicats, Basher Watts anime un service payant de conseil de jeu sur WhatsApp. C’est en quelque sorte la version moderne et augmentée de l’audio-tel que les parieurs français connaissaient : « Je ne me considère pas comme un pronostiqueur. Cela va au-delà. Pour 17,5 £, les membres reçoivent des conseils de jeu quotidiens, mais ils sont aussi conviés à des événements aux courses et à l’entraînement tous les mois. Sans oublier que le prix des entrées aux courses est inclus dedans [ce qui est un élément important car le billet est cher en Angleterre pour entrer sur l’hippodrome, ndlr]. Typiquement, le matin d’une belle réunion de courses, les membres viennent rencontrer un entraîneur, voir des chevaux à l’entraînement et l’après-midi, nous mettons notre cravate pour aller aux courses. En fait, j’ai créé tout cela car en Angleterre les courses sont un loisir de niche. Et beaucoup de gens, qui aiment le sport hippique, se retrouvent à aller en solitaires à l’hippodrome. Ils sont donc à la recherche d’un groupe de gens avec qui partager leur passion. Je crois beaucoup à l’effet de groupe. D’ailleurs, on voit des clubs d’étudiants qui font la même chose : matin à l’entraînement, après-midi aux courses. Et je pense que c’est la bonne manière de procéder si vous voulez convertir quelqu’un. Je suis convaincu qu’il y a quelque chose à faire du côté des étudiants en multipliant les journées de ce type pour cette tranche d’âge. Mais quoi qu’il en soit, je pense qu’on ne peut pas dissocier le pari hippique et la passion du sport hippique. Dans l’intérêt du public et dans la conversion de nouvelles personnes, ces deux aspects marchent main dans la main. Une autre chose étonnante, c’est que la majorité des gens qui travaillent avec les chevaux sont des femmes. Mais l’immense majorité des parieurs sont des hommes. De la même manière, sur 300 porteurs de parts sur nos chevaux, il n’y a que quatre femmes. Or, dans le même temps, le football a réussi la féminisation partielle de son public. Peut-être que Rachael Blackmore et d’autres professionnelles vont nous aider à changer les choses en Angleterre. Le problème, c’est que toute la communication spécifique qui est faite à destination du public féminin tourne autour de la mode et de la fête. La femme n’est pas mise en scène comme parieuse, comme experte ou comme propriétaire par exemple. »

Ils ont récupéré Shoemark !

Il y a 15 jours, Basher Watts et Charlie Fellowes étaient dépités de voir Kieran Shoemark leur échapper pour monter les Gosden. Mercredi matin, l’interview de Thady Gosden chez Nick Luck a fait l’effet d’une bombe. Les Gosden ne voulant plus de Shoemark suite à sa monte dans les 2 000 Guinées (Gr1) sur Field of Gold (Kingman), le pilote se retrouve libre. Et il va donc pouvoir monter les Fellowes ce week-end… Le jeune entraîneur britannique analyse : « Dans le Prix de la Grotte, Shes Perfect faisait sa rentrée et nous a vraiment ravis avec sa performance. Nous savions qu’elle allait monter en condition après la course et ses derniers galops nous l’ont confirmé, elle a progressé et arrive à son test classique au bon moment. Le lot est de tout premier niveau mais on a une pouliche régulière, maniable et qui fait toujours de son mieux. On peut dire qu’elle fait honneur à son nom ! C’est un rêve de courir un classique, pour moi et aussi pour les propriétaires. Je pense que dimanche, elle aura environ 60 supporters. Avant la course, je signerais pour une place dans un classique, c’est très important pour sa valeur mais aussi pour le plaisir sportif… » Fellowes présente par ailleurs Luther (Frankel) dans la Poule des Poulains. À l’image de la pouliche, il sera lui aussi monté par Kieran Shoemark, qui vient de perdre son rôle de premier jockey de l’écurie Gosden. Et Charlie Fellowes conclut : « Comme on dit : une porte se ferme et une autre s’ouvre. Kieran a très bien monté lorsqu’il a gagné avec Shes Perfect et Luther. Je pense qu’il veut montrer à tout le monde ce qu’il vaut vraiment. Et il sera encore plus motivé dimanche ! »

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