Un week-end qui redonne la pêche !
Par Christopher Galmiche
cgalmiche@jdg.com
D’ordinaire, pour redonner le moral à un journaliste passionné d’obstacle, il faut attendre mars et Cheltenham ! Mais, lors du week-end du Grand Steeple, l’hippodrome d’Auteuil a retrouvé non seulement une joie palpable mais également une superbe ambiance. Sur la piste comme en dehors, découvrez quels sont nos coups de cÅ“ur de ces deux jours mémorables.
Diamond Carl, un très bon vainqueur de Grand Steeple
Diamond Carl (Diamond Boy) a offert un premier Grand Steeple à son mentor François Nicolle. Rien que pour cela, il restera dans l’histoire. Mais le cheval de la famille Papot n’en reste pas moins un authentique champion. Il avait débuté dans une épreuve que l’on pourrait surnommer le « Finot » de Compiègne : le Prix de Saint-Raphaël. En 2020, Sel Jem (Masked Marvel) et Rosario Baron (Zambezi Sun) avaient respectivement conclu deuxième et troisième de cette course avant de remporter le Grand Steeple plus tard. Et en 2021, Diamond Carl s’était imposé de six longueurs dans cette épreuve avant de s’offrir le Grand Steeple lui aussi. Triple lauréat de Groupe en steeple à 4ans, Diamond Carl s’était classé deuxième d’un Prix Maurice Gillois (Gr1) dont il était le favori. Absent pendant deux ans, il est revenu au sommet : la marque des grands en obstacle. Son succès dans le Prix Georges Courtois (Gr2), après un Prix La Haye Jousselin (Gr1) dans lequel il était rapidement tombé, avait annoncé la couleur pour cette année. Sa musique est celle d’un cheval d’exception : neuf succès et quatre places en quatorze sorties. Il va dans tous les terrains, et sa force est sa pointe de vitesse qui, sur les longues distances, se révèle être un atout majeur. Si sa santé le laisse tranquille, il peut espérer poursuivre sur sa lancée au cours des prochaines saisons.
Kolokico, héroïque à 5ans
James Reveley nous a prédit, il y a une semaine, le déroulement du Grand Steeple pour Kolokico (Cokoriko)… tel qu’il s’est bel et bien passé. Ce gagnant du Prix Ferdinand Dufaure (Gr1) a parfaitement tenu la distance, alors qu’on pouvait craindre que son allant ne lui joue des tours. Il a été très loin dans son entreprise et, sans la pointe de vitesse de Diamond Carl, il aurait gagné. Réaliser ce qu’il a fait, à 5ans, est exceptionnel et prometteur pour la suite. Kolokico a le profil d’un sauteur qui pourrait également s’illustrer outre-Manche, au regard de sa vitesse naturelle. Profiter de lui à Auteuil est un beau privilège.
Un chrono très proche de celui de l’an dernier
Certains observateurs ont relevé l’allure faible pour justifier les performances de quelques concurrents dans le Grand Steeple. Pourtant, le chrono est similaire à celui de l’année dernière (7’27 »3 en 2025 et 7’26 »2 en 2024). Idem pour la réduction kilométrique (1’14 »50 cette année contre 1’14 »33 en 2024). Ce sont des chronos plus rapides aussi qu’en 2022, mais plus lents qu’en 2023 où Rosario Baron (Zambezi Sun) était aller chercher Gex (RS) (Khalkevi) pour faire afficher 7’18 »47 soit 1’13 »7 de réduction. Ce n’est donc pas vers le rythme qu’il faut chercher un coupable pour certaines contre-performances.
La performance peu commune d’El Clavel (RS)
Depuis ses débuts, son entourage parle de lui comme d’un crack. El Clavel (RS) (Spanish Moon) a donné raison à ses entraîneurs, Noel George et Amanda Zetterholm, en s’imposant dans la Grande Course de Haies d’Auteuil (Gr1) pour sa sixième sortie seulement. Cette édition 2025 a été une vraie course (réduction kilométrique 1’10’’97). Ce grand cheval n’a que 5ans, et la ligne droite qu’il nous a offerte avec Losange Bleu (Martaline) est exceptionnelle. Le meilleur est à venir pour lui. Quoi que choisisse son entourage – les haies, le Grand Steeple ou la Gold Cup –, tout semble possible pour El Clavel !
Et il n’est pas commun de faire les haies et le steeple à haut niveau. Peut-être suivra-t-il les traces de Mid Dancer, à même de remporter la Grande Course de Haies mais aussi les plus grandes courses de steeple. El Clavel nous fait aussi penser à Gex (RS) (Khalkevi), de par la taille mais aussi la classe. Pour sa troisième sortie seulement, après avoir enlevé la Grande Course de Haies de Printemps (Gr3), Gex avait terminé troisième de la Grande Course de Haies d’Auteuil. Puis il a conclu deux fois deuxième du Grand Steeple…
En scrutant les données du tracking, il est intéressant de noter qu’El Clavel a parcouru les 5.100m de la Grande Course de Haies avec un total de 706 foulées, contre 730 pour Losange Bleu. Moins de foulées peuvent parfois signifier moins d’efforts, mais il faut aussi souligner le parcours en or dont il a bénéficié. Dans tous les cas, cette Grande Course de Haies était une belle édition, avec un jumelé d’exception.
Le « Berlais » en force
Les grands noms sont souvent présents lors des grands rendez-vous. Dans tous les sports ! Le haras du Berlais fait partie des plus grands élevages d’obstacle et il a brillé dimanche en enlevant deux des quatre Groupes au programme. Dans le Prix Alain du Breil (Gr1), Kivala du Berlais (Saint des Saints) a confirmé qu’il est encore meilleur à 4ans qu’à 3ans. Lors de sa rentrée, il était apparu plus fort physiquement et il se bonifie en vieillissant.
Mention spéciale à Felix de Giles, qui remplaçait Bertrand Lestrade sur Kivala du Berlais. Le joker de luxe a monté une belle course et il a gagné à la lutte, malgré des côtes cassées… Les jockeys d’obstacle sont vraiment hors normes et ils n’ont peur de rien ! Si Kivala du Berlais passe en steeple dans le futur, il pourrait être encore meilleur.
L’autre Berlais à l’honneur, c’est évidemment Léopard du Berlais (Ectot), vainqueur du Prix Aguado (Gr3), devant un Matin Midi et Soir (RS) (Doctor Dino) qu’il faudra revoir, car il est allé très vite en faisant toute la course en tête. Gagner un Groupe en débutant, comme l’a fait le représentant de la casaque Pilarski, est rarissime. Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé trace d’un cheval ayant signé cet exploit. Toute la course, Léopard du Berlais a suivi facilement et, sur le plat, sans prendre dur, il s’est imposé aisément. Autant dire qu’il a de la marge… Une nouvelle fois, Léopard du Berlais a mis en valeur le sang de Montjeu via Ectot. Un courant de sang qui s’est également distingué dans le pendant du Prix Aguado, le Prix Sagan (Gr3), avec Olga de Kiev, fille de Latrobe (Camelot) et donc arrière-petite-fille de Montjeu. Reste maintenant à prendre la direction de la Lybie pour partir à la recherche d’Ectot… Olga de Kiev a elle aussi laissé une belle impression. Elle avait réalisé de bonnes premières sorties, où elle avait terminé plaisamment, sans avoir de combats trop durs contrairement à ses principales rivales. À l’automne, avec l’aide du terrain lourd et grâce aux bonnes leçons reçues, elle devrait confirmer.
Lanivtsi (RS), un cheval de Grand Steeple
L’AQPS Lanivtsi (RS) (Great Pretender) a enlevé le Prix Ferdinand Dufaure (Gr1), et c’est tout sauf une surprise. Vainqueur en plat, puis en haies à Auteuil à 3ans, il avait gagné son steeple AQPS facilement, avec beaucoup de marge, devant Levoilà tiep (Karaktar), qui a répété en gagnant le Prix Djarvis ce week-end. C’est un poulain à l’écoute, qui se préserve une fois devant. C’est souvent une qualité qui permet aux chevaux de durer, et Lanivtsi a l’étoffe d’un cheval de Grand Steeple. De par son comportement en course et son origine, il devrait progresser en vieillissant. C’est un neveu de Baie des Îles (RS) (Barastraight), qui était, comme lui, très bonne à 3ans. Elle est montée en puissance avec l’âge, remportant notamment le Prix des Drags (Gr2).
Lancier (RS), un futur grand
Parmi les coups de cœur du week-end figure aussi Lancier (RS) (Karaktar). Ce poulain estimé avait notamment fini troisième du futur lauréat de Gr1 Lulamba (RS) (Nirvana du Berlais), lors de ses débuts sur les haies. Sa rentrée dans le Prix Ex Voto s’est soldée par un succès acquis de six longueurs. Il a pris de la force et semble appelé à devenir un cheval de Groupe dans le futur.
Nectaris, pour Nicolas
Bien sûr, ce week-end a été riche en émotions et il est difficile d’en sélectionner une plus qu’une autre. Reste que la victoire de Nectaris (Zarak) dans le Prix Le Gualès de Mézaubran (L) a fait apparaître des larmes dans les yeux de son coentraîneur, Noel George. C’est Nicolas Gauffenic, actuellement sur la touche, qui avait recommandé à ce dernier d’acheter Nectaris afin de l’aligner dans les gros handicaps. Depuis, le poulain a gagné deux fois dans cette catégorie… Parmi les copropriétaires du poulain figure notamment Manon Louche, compagne de Nicolas Gauffenic.
Une ambiance géniale
Nous savons être critiques, mais il faut aussi savoir reconnaître quand c’est bien ! Et le week-end du Grand Steeple a été vraiment très bien organisé. Nous ne sommes pas encore revenus aux 25.000 spectateurs d’il y a vingt ans, c’est sûr. Mais le grand week-end d’Auteuil faisait triste mine ces dernières années, avec entre 6.000 et 8.000 spectateurs en moyenne le dimanche, et moitié moins le samedi. France Galop et ses partenaires ont réussi à doubler l’affluence du week-end, notamment celle de la réunion du Grand Steeple, qui a atteint les 12.000 personnes.
La stratégie consistant notamment à prospecter dans le XVIe arrondissement de Paris a fonctionné. Les tribunes d’Auteuil étaient remplies comme elles ne l’avaient plus été depuis bien longtemps. Les animations étaient nombreuses et il y avait de quoi occuper les familles entre les courses. Côté restauration, là encore, il y avait du choix, même si les files d’attente ont été très — voire trop — importantes. Des huîtres à la côte de bœuf en passant par toutes les viandes possibles : l’offre était variée.
Les soirées festives de l’agence Bouledogue, les « Vendredis Teuf », ont très bien fonctionné dans le restaurant panoramique d’Auteuil. Côté professionnels, la soirée du samedi dans le jardin du Karly Flight a été très appréciée, comme me l’ont confié nombre d’acteurs sur la butte Mortemart. Auteuil tient peut-être là la bonne formule pour faire venir du monde. Il faudra sans doute varier les thématiques à l’avenir et composer, parfois, avec le lundi de Pentecôte durant lequel Paris se vide. Mais nous sommes sur la bonne voie !