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lundi 7 juillet 2025
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À Cercy-la-Tour, le pragmatisme en action

À Cercy-la-Tour, le pragmatisme en action

Mercredi matin, les éleveurs de Cercy organisaient une vente amiable avec foals et 2ans. Alors que le monde de l’obstacle retient son souffle — face à la baisse des allocations/primes et autres suppressions de courses — le marché semble en passe de repartir.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Si l’un de nous se téléportait à Cercy-la-Tour dans les années 1950, il y trouverait des chevaux. Mais en beaucoup moins grande quantité, avec seulement une poignée d’éleveurs, tous clients de la station des Haras Nationaux (alors) installée en ville. Et à cette époque, on retrouvait des profils de localité similaires un peu partout sur le territoire français. Mais à bien des endroits, l’élevage a stagné ou périclité au fil des décennies. À Cercy, l’hippodrome pour les courses de pays a disparu, mais l’élevage s’est développé à grande échelle, la réussite des uns faisant naître des vocations chez les autres. Alors pourquoi ici et pas ailleurs ? Certes, le terroir s’y prête et il y avait plusieurs bonnes souches locales. Mais j’ai tendance à croire qu’il y a quelque chose d’encore plus décisif. Car le facteur humain est très important dans l’élevage des chevaux : c’est une activité collective pratiquée par des individualistes.

Nombreux et motivés

Un bon éleveur isolé aura toutes les difficultés du monde à pérenniser son activité. Mais s’ils sont un groupe avec de la réussite, alors tout est possible. On peut dire que c’est propre à l’ensemble du genre équin. Dans les brumes nord de l’Allemagne, à la frontière du Danemark, les éleveurs du Schleswig-Holstein ont révolutionné l’élevage du cheval de selle grâce à des syndicats d’éleveurs puissants et bien organisés. Et c’est un peu ce sentiment que l’on retrouve à Cercy-la-Tour : ici plus qu’ailleurs, les éleveurs de chevaux d’obstacle ont pris le taureau par les cornes et cela a fonctionné. Cela ne veut pas dire que l’histoire a été linéaire, facile et sans encombre. Mais le résultat est là. Les éleveurs locaux ont la station de monte qui réalise le plus de saillies tous les ans en France, un nom connu partout en Europe, et lorsqu’ils organisent leur présentation/vente amiable — le Cercy Tour 2025 — les entraîneurs cantiliens prennent le train (oui, c’est possible !), les pinhookers irlandais montent dans l’avion, et les professionnels de l’Ouest font des heures de voiture. L’entraîneur Christian Williams est même venu depuis le Pays de Galles !

Le lobbying à la nivernaise

Pour que les projets collectifs aboutissent, l’appui des élus locaux est important. Et ça, c’est un travail de longue haleine. Dans la région, le haras de Cercy est connu au-delà du cercle des initiés. Et mardi soir, Émilie Acquistapace, sous-préfète et athlète de haut niveau, avait fait le déplacement avec sa médaille de bronze des JO de Paris (barreuse dans les épreuves d’aviron handisport). Celle qui a récemment découvert Auteuil avec quelques-uns de ses administrés nous a confié : « La forme coopérative, comme ici à Cercy-la-Tour, a prouvé sa capacité pour partager les compétences, conserver les savoir-faire locaux et valoriser le secteur. C’est important pour la transmission aux jeunes générations. » Et Jacques Cyprès de réagir : « Madame la sous-préfète était à Auteuil pour l’ensemble de la réunion du Prix Murat (Gr2) ! Après la visite du haras, nous lui avions proposé de voir la finalité du travail des éleveurs. » C’est ce que l’on appelle du lobbying en faveur des éleveurs locaux ! Cette édition 2025 du Cercy Tour était aussi un peu le baptême du feu pour Sandrine Kicka, la nouvelle directrice de la Société Coopérative Agricole des Éleveurs de Chevaux de Course (SCAECC). Elle sera en fonction à partir du 1er juillet.

Une formule qui fonctionne

Lorsque la France a eu besoin d’industrialiser la production des chevaux pour la remonte des armées, la solution trouvée par l’État fut l’organisation de concours de modèle et allures. Il est intéressant de lire les comptes rendus des années 1920. Les chroniqueurs de l’époque évoquent à quel point les acheteurs de l’armée veulent pousser les éleveurs du cru à « élever au grain et manipuler leurs élèves », quitte à mieux payer les poulains. Un siècle plus tard, autour d’un café avant le passage du premier foal, on parle toujours de manipulation des poulains et d’alimentation ! Les chevaux sont restés des chevaux, mais entre-temps le monde équin a beaucoup changé. Il y a quelques années, dans un grand élan de pragmatisme, les éleveurs locaux ont fait un choix radical : aller à l’essentiel en transformant le concours d’élevage en présentation/vente à Cercy. Pas de chichi et pas mal d’efficacité, voilà la recette d’un événement intelligemment conçu. Et tout va très vite. Les Irlandais ont vu une quarantaine de foals avant le milieu de la matinée. Avant le déjeuner de clôture, ils avaient déjà pris la route pour aller visiter des élevages. On les attend le lendemain au concours de Paray-le-Monial. À Cercy, un bon tiers était vendu à la moitié de la matinée, et les quelques éleveurs interrogés étaient visiblement satisfaits des prix de vente. De manière encore une fois assez pragmatique, un autocollant « vendu » est apposé sur les portes de box des chevaux qui ont trouvé preneurs. Pour les autres foals au catalogue, des contacts ont été pris, idem pour les 2ans. Et tout cela avec un minimum de frais. Les prix de saillies accessibles de Cercy permettent de vendre à des tarifs réalistes. Cette présentation-vente est aussi l’occasion de voir les produits des jeunes étalons locaux. Et cela donne des idées de croisement à certains.

Du mieux sur le marché

Jusqu’à une période récente, le marché de l’obstacle avait connu une véritable embellie. Et lorsque la demande anglo-irlandaise a déraillé l’an dernier, une inquiétude légitime s’est propagée dans les campagnes de France et d’Irlande. Dans les deux pays, beaucoup d’éleveurs n’ont pas les moyens de faire courir. Il faut donc vendre. Et pour le coup, avec beaucoup de foals encore sur les bras, il y avait de quoi s’inquiéter. Comme toujours, le haut de gamme se vend, mais c’est la base qui avait légitimement des raisons de s’inquiéter. En France comme en Irlande, la conséquence fut immédiate : le nombre de juments saillies a nettement diminué. Cependant, le pire n’est jamais certain, et après un début d’année très douloureux, le marché anglo-irlandais est récemment sorti de sa torpeur. J. P. McManus s’est déplacé en personne à l’Arkle Sale. Les pinhookers ont pinhooké. Et les stores se sont bien vendus. Comme par miracle, dans les jours suivants, les élevages français les plus connus ont commencé à recevoir (à nouveau) des coups de téléphone d’Irlande. Quand on a bien vendu, on peut racheter. Lors du Cercy Tour 2025, il y avait de la demande, y compris venant de France, et certains propriétaires majeurs de notre pays ont fait leurs emplettes. Tous espèrent que cette tendance positive va se poursuivre à Paray-le-Monial, chez Arqana lors de la vente d’été, et chez Tattersalls Ireland pour la Derby Sale. Mais ce qui s’annonce comme un retour du « mieux » sur le marché ne saurait éclipser la grande inquiétude du microcosme de l’obstacle. Le spectre des baisses d’allocations, la suppression de courses, et la fin du remboursement des frais de transport en PMH sèment le doute sur la viabilité du système à la française. Un système qui a tenu le coup jusqu’alors grâce à la complémentarité entre acheteurs étrangers et exploitation locale des chevaux. En attendant un plan de relance et des signes de vie du PMU, au fond, tout le monde se pose les mêmes questions. Où est le point de rupture ? Jusqu’à quelle mesure notre microcosme est-il capable d’encaisser le choc ? Ce n’est pas la première crise que le galop — et l’obstacle en particulier — traverse, mais celle-ci questionne les fondamentaux mêmes du sport hippique français. Il n’y avait aucun parieur autour du ring de Cercy-la-Tour… mais il n’a jamais été autant question d’eux.

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