0,00 EUR

Votre panier est vide.

0,00 EUR

Votre panier est vide.

dimanche 15 juin 2025
AccueilÉlevageAliette Forien : « À aucun moment, nous n’avions osé imaginer, ni...

Aliette Forien : « À aucun moment, nous n’avions osé imaginer, ni même rêvé, gagner une telle course. » 

Aliette Forien : « À aucun moment, nous n’avions osé imaginer, ni même rêvé, gagner une telle course. » 

L’édition 2025 du Derby, samedi à Epsom, s’annonce palpitante avec deux chevaux entraînés à Chantilly au départ. Une participation française qui réveille le souvenir de Wings of Eagles, vainqueur surprise en 2017 sous entraînement irlandais mais élevé au haras de Montaigu. Aliette Forien et sa fille Sybille Gibson, à la tête du haras, sont revenues sur cet instant hors du temps.

par Albane Vilella Segui

albane@jourdegalop.com 

À quelques heures de vol d’Epsom, Wings of Eagles (Pour Moi) a bouleversé le calme de la maison familiale, laissant une empreinte indélébile dans l’histoire d’un élevage. Huit ans après cet exploit, Aliette Forien n’a rien oublié de la victoire de son champion, qui avait mis fin à un demi-siècle d’attente pour l’élevage français (après Seabird en 1965) : « Ce n’était vraiment pas un coup sûr. Le cheval avait gagné un maiden en début d’année et bien couru dans la préparatoire, mais rien de plus. À ce moment-là, nous avions énormément de travail au haras. La nuit précédente, nous avions eu un poulinage compliqué, et sincèrement, j’étais fatiguée. C’était déjà formidable d’avoir un cheval au départ du Derby, mais honnêtement, nous n’y croyions pas. Cela faisait plus de cinquante ans qu’un cheval élevé en France n’avait pas remporté cette course. C’était un samedi. Heureusement, nous étions tous réunis en famille. Quand la course a commencé, on avait du mal à repérer notre cheval parmi tous les partants, d’autant que plusieurs portaient la même casaque. À la sortie du dernier tournant, il était encore très loin. Et là, il a enclenché. Une fusée ! Il a dépassé tout le monde. On était dans un état d’excitation indescriptible. Et puis miracle – enfin, peut-être pas si miraculeux que ça, parce qu’il est quand même bon –, il passe le poteau en tête. Tous mes petits-enfants ont cru que j’allais faire un malaise ! Heureusement, il y avait une chaise haute juste à côté de la télé pour que je m’y assoie. Je n’arrêtais pas de répéter : « Mais c’est pas possible, c’est pas possible ! » Nous avions élevé le gagnant du Derby d’Epsom… C’était un moment grandiose. À aucun moment nous n’avions osé imaginer, ni même rêvé, gagner une telle course. Le lendemain, c’était le Prix du Jockey Club. Nous avions prévu d’y aller. Dès notre arrivée à Chantilly, les gens venaient nous féliciter. Tout le monde nous sautait dessus. C’était incroyable. Nous avons passé la journée sur un nuage. »

Une scène que Sybille Gibson n’oubliera jamais non plus : « Le jour du Derby, il était monté par un jockey que nous ne connaissions pas. Nous nous sommes dit que l’entraîneur n’y croyait pas, et nous avons décidé de ne pas y aller. Nous avions beaucoup de travail, et nous commencions à préparer les ventes. Heureusement, nous avons regardé la course tous ensemble, dans le salon de ma maman… et il a gagné. Nous avons évidemment beaucoup pleuré, mais de joie. Quel bonheur ! Avant la course, nous n’étions pas stressés. Mais quand nous l’avons vu sortir du tournant, nous nous sommes dit : « Mais attends, il arrive là ! » Nous avons hurlé dans tous les sens. Nous avons démonté la maison ! Pendant une heure, nous ne savions plus où nous habitions. Nous étions sur une autre planète. »

Le Derby d’hier et d’aujourd’hui

Les années ont passé, mais l’intensité du souvenir reste vive. Et dans le regard d’Aliette Forien, cette victoire symbolise aussi un temps où le Derby avait encore le pouvoir de faire rêver toute une génération d’éleveurs : « Notre joie est encore d’actualité. Des moments comme ceux-là, ça ne s’efface pas. J’espère que les deux français au départ cette année pourront réitérer l’exploit ! À travers mes fenêtres, j’aperçois la mère de Wings of Eagles ainsi que sa sœur. Sa mère est à la retraite, et nous la soignons comme une perle. La sœur est pleine de Kingman, donc c’est impossible d’oublier ! À l’époque, le Derby d’Epsom était très populaire. C’était le graal. N’importe quel propriétaire rêvait de remporter cette course. Je pense que ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui. Cela reste prestigieux, bien sûr, mais la victoire ne donne plus la même valeur exceptionnelle au cheval gagnant qu’autrefois. C’est une course sur 2.400m, et malheureusement, ce n’est plus vraiment la mode. Aujourd’hui, on privilégie davantage la vitesse. Un cheval qui gagne les Guinées ou la Poule d’Essai sera plus populaire. Pour une carrière d’étalon, ce n’est plus forcément le profil recherché. » 

Entre Newmarket et Epsom, le poids du cœur

Si la victoire de Wings of Eagles reste inégalée sur le plan personnel, Aliette Forien garde aussi un souvenir ému d’un autre grand moment de son parcours d’éleveuse, partagé cette fois avec Jean-Claude Rouget et un certain Literato (Kendor) : « Lors de sa victoire dans les Champion Stakes (Gr1) à Newmarket, j’étais sur place avec Jean-Claude Rouget. Nous l’avions élevé pour un propriétaire, pas pour nous. C’était un cheval tout petit. Dans le rond de présentation, il était ridicule face aux autres. Et pourtant, il a gagné. C’était un super moment. Nous avions fêté ça à Londres avec Jean-Claude. C’était son premier grand gagnant à l’étranger. Je sais que ce succès l’a beaucoup marqué parce que quand il évoque ses premiers bons chevaux, il parle toujours de Literato. Gagner les Champion Stakes pour les Français, ce n’est pas évident. À Newmarket, j’étais toute seule avec l’entourage du cheval. Pour l’entraînement et l’élevage français, c’était un grand moment, même s’il y avait déjà eu des vainqueurs tricolores avant. Mais la victoire de Wings of Eagles, c’était spécial. Le fait d’être en famille, dans cette ambiance très émouvante… C’était un moment encore plus fort, parce qu’il était partagé. Et surtout, parce que c’était complètement inattendu. Mon mari avait acheté la grand-mère de Wings of Eagles il y a très longtemps. C’est une famille que nous suivons depuis des générations. Sentimentalement, le Derby m’a plus touchée. La victoire de Literato, c’était aussi quelque chose … mais simplement différent. »

Une reconnaissance durable

Pour Sybille Gibson, cette victoire s’inscrit dans la réputation du haras, renforçant le regard de la clientèle et la confiance accordée à un savoir-faire familial transmis avec exigence : « C’est une immense fierté d’avoir porté la France aussi haut dans le monde des courses. Quand nous rencontrons des clients, ils sont souvent assez flattés d’apprendre que nous avons élevé un gagnant du Derby d’Epsom. Il n’y avait pas eu de victoire française depuis 1965… Quand nous le mentionnons, cela nous donne une certaine légitimité. Nous nous inscrivons dans la longévité. Nous sommes là depuis longtemps, nous faisons les choses avec soin. Nous avons de bonnes familles, et nous travaillons avec de très bons clients aux ventes. Nous avons le dernier fils d’Ysoldina [la mère de Wings of Eagles, ndlr] qui va bientôt passer aux ventes. C’est un cheval qui compte pour nous. Il est magnifique. Il ressemble un peu à son frère, d’ailleurs… »

VOUS AIMEREZ AUSSI

Les plus populaires