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lundi 7 juillet 2025

Boom !

Boom !

Par Mayeul Caire

mc@jourdegalop.com

On ne peut pas dire que ça boome aux guichets PMU. La faute aux boomers ? Vivement le grand boom de la relance.

Quand la mer s’élève et que le navire se met à tanguer, la panique fait fleurir les idées à bord. Certains proposent de jeter à l’eau les passagers de troisième classe ; d’autres les passagers de première classe. Certains veulent foncer vers la terre la plus proche ; d’autres rebrousser chemin vers le port. Et certains regrettent le temps de la marine à voile… quand d’autres rêvent d’une embarcation futuriste insubmersible.

Ainsi en est-il du paquebot PMU, qui fait face à une crise importante – mais pas sans précédent* – depuis quelques années**. L’immense majorité de ceux qui critiquent attribuent la responsabilité de cette crise aux dirigeants et aux salariés du PMU. On cite des éléments de preuve, comme la stupide et regrettable affaire des cacahuètes. Si vous n’en avez pas encore entendu parler, sachez que le PMU offre un paquet de cacahuètes aux parieurs qui misent 1€ au Tiercé le vendredi, samedi et dimanche de juin, juillet et août. Au figuré, on dit « gagner des cacahuètes » pour « gagner très peu » ; le PMU a réussi le coup de génie de réconcilier le sens figuré et le sens propre : au Tiercé, dont les rapports sont déjà modestes, on gagne désormais vraiment des cacahuètes.

Au cours des dernières années, le PMU a commis beaucoup de petites erreurs, dues peut-être à un déficit – au sein des équipes de l’opérateur – de culture hippique, de passion pour les courses et de mécompréhension des parieurs (interprétée par ces derniers, à tort ou à raison, comme du mépris).

La somme de ces maladresses n’a pas arrangé les choses mais pour autant, ce n’est pas, selon moi, la cause de la crise que nous traversons. La cause principale est démographique. La génération des babyboomers s’est en large part construite contre les valeurs et les us de ses parents, parmi lesquels les courses. Pour la génération de mai 68, le Tiercé est devenu l’opium du peuple et les propriétaires de chevaux des richards.

Et par voie de conséquence, au lieu de toucher 100% de la population française, comme à la génération précédente (ceux qui ont fait le succès du Tiercé à partir de 1954 étaient nés avant la guerre), les courses n’ont plus été suivies que par une moitié ou un quart de la nouvelle génération… qui elle-même a, logiquement et mathématiquement, moins transmis la passion des courses ou du pari hippique à ses propres enfants, nés à partir du début des années 1970. Aujourd’hui, les petits-enfants des babyboomers (nés à partir de 2000) sont en âge de jouer – mais ils viennent après deux générations creuses, donc il est normal que peu d’entre eux sachent ce que sont les courses et que peu d’entre eux connaissent le PMU. Voilà la vraie crise : une absence criante de clients, qui n’a été que partiellement compensée par l’apport de clients immigrés, venus en France pour travailler pendant les Trente Glorieuses et qui ont, pour beaucoup d’entre eux, pris le goût de parier. Eux ont mécaniquement (le ruissellement naturel est important dans les habitudes sociales) un peu transmis le goût du pari hippique à leurs enfants et petits-enfants, si bien qu’il ne faut pas s’étonner de voir régulièrement (et souvent positivement) voir apparaître le PMU dans des couplets de rap (comme dans Good Times).

À cette lumière, on peut écrire et dire n’importe quoi dans notre époque qui est celle de la post-vérité (post-vérité = banalisation du mensonge et celui qui parle le premier ou le plus fort à raison. Cf. Donald Trump). Quelle est la plus énorme de ces post-vérités souvent entendues ? « Il faut revenir au Tiercé du dimanche. » Ceux qui avancent cette idée sont les mêmes qui veulent que le chiffre d’affaires du PMU reparte à la hausse… Drôle d’idée de diviser l’activité par sept pour la développer ! Le monde change et va continuer à changer encore beaucoup dans les années à venir. Vouloir revenir au Tiercé du dimanche, c’est comme vouloir relancer l’industrie automobile française en ne produisant plus que la DS. J’ai beau révérer les DS, la voiture du Général de Gaulle aurait du mal à inonder le marché à l’heure des hybrides. Et pour en revenir au Tiercé du dimanche, rappelons que nous vivons dans un monde de consommation permanente, celui d’Amazon et d’Uber Eats, qui tourne 7/7 et 24/24. Nous avons plus que jamais besoin de courses sur lesquelles parier tout le temps et partout.

Mais revenons à notre sujet, celui de la démographie : le PMU a perdu la moitié de ses clients (passant de 6 millions à 3 millions) en une dizaine d’années. Le fait que le chiffre d’affaires ait baissé « seulement » de quelques pourcents est donc un peu miraculeux. Cela montre que le PMU, depuis que Bertrand Bélinguier a révolutionné le mammouth en 1997 et jusqu’à la présidence actuelle, a globalement bien travaillé sur le produit lui-même, compensant la dégringolade démographique ; mais il est tout aussi vrai qu’il n’a pas su enrayer l’effet démographique, en net, puisque le nombre de clients a été divisé par deux. En réalité, aujourd’hui, de moins en moins de joueurs jouent de plus en plus et de plus en plus souvent. Et meurent, laissant un vide difficile à combler sans un retour positif du pari hippique dans l’inconscient collectif des Français.

Le chiffre d’affaires du PMU ne cessera donc de baisser et nous ne se redressera que lorsque la nouvelle génération se sera mise à jouer. La mauvaise nouvelle, c’est que cela va prendre quelques années. La bonne, c’est que cela a commencé : la jeunesse (qui aime beaucoup plus les jeux d’argent que ses grands-parents boomers, car le verrou moral gauchisant a sauté !) se réintéresse aux courses partout où on la stimule. Tous les psychologues le confirment : la post-adolescence est l’une des périodes les plus propices à la naissance d’un centre d’intérêt ou d’une passion (à l’inverse, plus un public avance en âge, plus il est difficile de le convertir à quelque chose de nouveau). Donc si ce bon mouvement continue, cette jeunesse « réinitialisée aux courses » sera suivie par toutes les jeunesses de France ; et ces jeunes feront des enfants auxquels ils transmettront leur passion. Parce que notre crise est démographique (culturelle, sociétale) ; le salut sera démographique (culturel, sociétal). En ce sens, Guillaume de Saint-Seine a bien ciblé l’essentiel, en parlant de « remettre les courses dans le cœur des Français ». Car c’est ce qui sauvera les courses : en créant de nouveaux parieurs autant que de nouveaux propriétaires. C’est notre seul combat.

France Galop a bien lancé la balle avec les Jeuxdis, les Vendredis Teuf, les partenariats de type Cygames, les associations avec des instagrameurs… Si bien qu’aujourd’hui, on peut dire que les choses vont dans le bon sens.

Mais la partie est tout de même loin d’être gagnée… car la filière part de loin ! Et il faut maintenant que le PMU embraye très fort, ce qui n’a rien d’évident et va demander des changements à tous les niveaux. Bien sûr, il faudra d’abord arrêter les cacahuètes (meurtre du parieur par étranglement – une cacahuète bloquée dans l’œsophage – et par humiliation !). Mais surtout, il faudra continuer à aller chercher les jeunes là où ils sont, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux. Et à ce sujet, parmi les choses les plus incohérentes que j’ai lues récemment, un responsable associatif félicitait Cyril Linette d’avoir coupé tous les budgets de communication pour économiser plusieurs dizaines de millions d’euros. Quelle erreur ! C’est quand la crise est là qu’il faut le plus communiquer !!! Aujourd’hui, ces millions, le PMU en a besoin pour aller chercher des jeunes sur les réseaux. Mais pour cela, il faudra aussi que les salariés du PMU en charge du marketing (ou les entreprises extérieures mandatées par le PMU pour gagner des clients sur les réseaux) fassent les bons choix. Ce que j’ai vu pour l’instant ne me rassure pas du tout, car on est dans le beaufisme et le kikoulolisme intégral. Si l’on veut gagner des jeunes sur les réseaux, il ne faut pas leur parler comme aux lecteurs des vieilles gazettes de Tiercé sur papier ! En ouvrant un compte en ligne pour tester le produit, je n’ai pas été rassuré par le site web du PMU. Ni par son application (ou plutôt ses applications). Ni par sa « relation clients » via le mail, que j’ai trouvée inefficace et infantilisante.

Donner des millions au PMU pour conquérir des clients oui. Mais pas pour faire n’importe quoi avec l’argent. Ce qui nous amène à la conclusion de cet éditorial : il sera vital de choisir le bon profil de président/directeur général du PMU. Et pour moi, ce tandem ne pourra correspondre qu’à un seul et unique profil : deux personnes ayant fait leurs preuves en conquête et gestion de clients sur les réseaux (je dis bien sur les réseaux ; pas sur Internet). Tout le reste n’est que littérature.

* Le pari hippique s’est notamment effondré dans l’Entre-deux-guerres, avant de se relever spectaculairement à partir du milieu des années 1950.

** Depuis quand précisément ? Rappelez-vous Victor Hugo à l’Assemblée. Un député conservateur finit sa longue diatribe par ces mots :

Ce à quoi Hugo répond, déclenchant l’hilarité générale :

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