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jeudi 17 juillet 2025
AccueilCoursesHakim Tabet : « J’ai tout tenté afin de prouver que j’étais encore capable… »

Hakim Tabet : « J’ai tout tenté afin de prouver que j’étais encore capable… »

Hakim Tabet : « J’ai tout tenté afin de prouver que j’étais encore capable… »

Albane Vilella-Segui

albane@jourdegalop.com

À 37 ans, Hakim Tabet a signé, le 8 juin à Merano, la plus belle victoire de sa carrière dans la Gran Corsa Siepi d’Italia (Gr1). Freelance, passé par les plus grandes maisons, jockey passionné mais longtemps oublié, il est revenu au sommet grâce à un cheval venu d’Allemagne : Cabot Cliffs (Gleneagles).

Une trajectoire brisée trop tôt

Alors que de sa carrière de jockey évoluait sereinement, Hakim Tabet a vu sa vie basculer brutalement un matin d’entraînement, en 2018 : « Malheureusement, ce jour-là chez François Nicolle, j’ai été victime d’un grave accident. La faute à « pas de chance » comme on dit. On sautait quand mon leader est tombé devant moi. Je l’ai percuté, je suis tombé aussi. En chutant, mon casque s’est légèrement déplacé vers l’avant, et j’ai reçu un violent coup de pied à l’arrière du crâne, là où le casque ne me protégeait plus. À cette vitesse-là avec un cheval de 500 kilos, cela ne pardonne pas ». Les conséquences sont dramatiques. Héliporté en urgence, Hakim est plongé dans un coma artificiel dès son arrivée : « J’ai été mis dans le coma sur place… et j’y suis resté neuf jours. J’ai eu « la totale » : fracture du crâne, Å“dème cérébral, hémorragie autour du cerveau, crise d’épilepsie… ».

Se relever à tout prix

Sorti du coma, Hakim Tabet n’a qu’une obsession : remonter à cheval. Ignorant les alertes physiques et mentales, il retourne très vite aux écuries, déterminé à reprendre sa place. « Quand je me suis réveillé, j’étais un légume. Marcher, parler… tout m’était difficile. Je n’avais plus ma licence, mais je ne pensais qu’à remonter, même si je n’avais pas encore les idées claires. Trois semaines après être sorti de l’hôpital, j’étais déjà de retour à l’écurie. J’ai fait ma propre rééducation. Avec la cortisone, j’avais toutefois pris dix kilos. Je traversais vraiment une sale période. Mon cerveau avait été touché et mes réactions émotionnelles étaient perturbées. J’étais irritable pour un rien. Je pouvais pleurer pour des pâtes trop salées. Avec du recul, j’ai repris trop tôt l’entraînement. J’ai récupéré ma licence un mois et demi après mon retour, et j’ai regagné pour François Nicolle. Mais j’avais changé. J’étais dur avec les gens, manquant de correction. J’ai perdu des clients à cause de cela. Pour moi, j’étais toujours le même mais les autres ne me reconnaissaient plus. Alors j’ai tout tenté pour prouver que j’étais encore capable : le cross, puis le Grand National de Pardubice. »

Prendre le large pour se reconstruire

Après plusieurs mois à tourner en rond, à ne plus se reconnaître, Hakim Tabet décide de prendre ses distances avec le monde hippique : « Je n’arrivais pas à me retrouver, à trouver ma place. J’étais dans une période extrêmement délicate personnellement. J’en ai eu marre. Il fallait que je parte. » Hakim choisit alors l’Irlande, et trouve refuge chez Willie Mullins : « Cela m’a fait un bien fou. Un véritable traitement salvateur. Changer d’air, me retrouver… Je suis resté près d’un an là-bas et j’ai pu retrouver mes repères tranquillement. »

Mais c’est en Allemagne que la vie du jockey va vraiment changer : « J’y suis parti pour travailler, mais j’y ai aussi construit une partie de ma vie. C’est aussi là-bas que j’ai rencontré ma compagne. » À partir de 2021, Hakim recommence à monter en plat chez Carmen Bocskai, et travaille aussi pour Christian von der Recke : « Je montais pas mal à l’entraînement, et Christian m’a fait confiance. Grâce à lui, j’ai été nommé champion d’Allemagne d’obstacle. C’est un peu l’équivalent d’une Cravache d’or… sauf que j’étais presque le seul à monter dans cette discipline ! (rires) Mais symboliquement, c’était fort. » Deux mois avant sa victoire à Merano, Hakim Tabet pose ses valises à Chantilly. Une nouvelle étape, tournée vers l’avenir : « Je suis en formation afin de passer ma licence d’entraîneur. C’est quelque chose que j’ai toujours eu en tête. L’envie a toujours été là, même si ce n’est pas forcément ce que l’on me conseille… ce que je comprends. »

Cabot Cliffs, le cheval d’une vie

Son retour en lumière porte un nom : Cabot Cliffs. Un cheval à part, à la fois talentueux, compliqué mais attachant ; « Cabot Cliffs, c’est une véritable révélation. C’est un cheval très bien né, avec une belle classe de plat mais un peu délicat dans son comportement. » Tout commence à Baden-Baden, quand Hakim termine surprenant deuxième dans une course plate : « Après l’arrivée, Christian von der Recke est venu me voir et m’a dit : « J’ai un cheval pour toi. » Et c’était Cabot Cliffs. Je l’ai monté en obstacle à Bad Harzburg et j’ai gagné… en roue libre. Il y avait au moins 40 longueurs à l’arrivée. Là, j’ai tout de suite dit à l’entraîneur : « Ce cheval-là, il faut l’amener en France. » » Aussitôt dit, aussitôt fait, et le cheval confirme rapidement, enchaînant les succès et les belles performances, dont une remarquable deuxième place le 14 mai dernier, où il devance le champion Il Est Français (RS) (Karaktar). Le 8 juin, à Merano, il signe son plus bel exploit. Malgré la chaleur, la nervosité et un départ tendu, Cabot Cliffs s’impose, offrant à Hakim Tabet la première victoire de Gr1 de sa carrière : « J’ai perdu un peu confiance derrière les élastiques. Le cheval était extrêmement tendu, il transpirait énormément. Et en plus de cela, il faisait 30 degrés. Ensuite, il a tiré pendant la course… Je me suis dit : « Avec tout l’influx et l’énergie qu’il vient de perdre avant la course, ça s’annonce compliqué ». Mais cela n’a pas été le cas et il a gagné tout seul. Il est incroyable. » Ce jour-là, Cabot Cliffs et Hakim Tabet battent Mauricius (Kapgarde), le roi de Merano, qui restait sur douze victoires d’affilée : « J’ai rarement monté un cheval comme lui. Et gagner un Gr1, pour moi, était inespéré. Je me suis fait oublier durant ces dernières années. Aujourd’hui, je fais attention. Je monte uniquement si je sens que j’ai une véritable chance. Je ne monte plus pour finir neuvième. Cette victoire m’a vraiment touché. Gagner avec ce cheval-là, pour les Allemands, fait énormément plaisir. J’apprécie vraiment cet entourage, et surtout le propriétaire, quelqu’un de passionné, qui reste le même dans la défaite comme dans la victoire. Il connaît le sport et sait que tout peut très vite basculer. » Cette victoire en terre italienne résonne d’autant plus fort qu’elle a été obtenue pour une équipe et un pays qu’Hakim Tabet respecte profondément : « Ce cheval représente l’Allemagne. Là-bas, l’obstacle est en train de disparaître [le trot n’est guère en meilleure posture et seul le plat survit en Allemagne, ndlr]. Quand un cheval comme lui surgit, on se met à rêver de nouveau. C’est une perle, sorte de cheval du peuple. Quand je suis assis sur lui, je sens que j’ai tout un pays derrière moi. C’est réellement gratifiant ».

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