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vendredi 23 mai 2025
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ÉTIENNE LEENDERS : « J’AI TOUJOURS DIT QUE LE CROSS, C’ÉTAIT MA DANSEUSE ! »

ÉTIENNE LEENDERS : « J’AI TOUJOURS DIT QUE LE CROSS, C’ÉTAIT MA DANSEUSE ! »

Par Christopher Galmiche

cg@jourdegalop.com

Avec plus de 2.500 succès en poche, l’entraîneur Étienne Leenders, associé à son fils Grégoire depuis une dizaine d’années, va prendre sa retraite dans quelques jours. Figure des courses, plates et d’obstacle, et du cross en particulier, il nous a accordé une longue interview pour revenir sur sa riche carrière.

Jour de Galop. – Pourquoi avoir décidé d’arrêter votre carrière d’entraîneur maintenant ?

Étienne Leenders. – C’est une décision que j’ai prise il y a dix ans déjà. En 2014, nous avons acheté le haras des Landes qui appartenait à l’époque à monsieur Laisis, car nos deux fils, Grégoire et Gabriel, voulaient s’installer entraîneurs. Ils souhaitaient acquérir le centre d’entraînement et je leur ai dit que j’assurerais jusqu’à mes 70 ans et qu’ensuite, j’arrêterais. C’était une décision longuement mûrie. J’ai d’autres plaisirs dans la vie, je vais m’occuper d’autres choses.

Allez-vous quand même garder un œil sur l’entraînement ?

J’aurai un œil sur les pistes d’autant plus que c’est moi qui les entretiens avec mon tracteur ! Je serai toujours là, mais je ne serai plus décisionnaire sur les engagements et les évolutions.

Allez-vous aussi continuer l’élevage ? Ou allez-vous passer la main ?

Nous avons six poulinières. J’ai passé la main à Grégoire qui les a récupérées.

Si nous revenons à vos débuts, comment êtes-vous « tombé » dans le monde du cheval et des courses ?

C’est une passion familiale. Mon père a quitté les Pays-Bas en 1949 pour venir en France. Aux Pays-Bas, il n’y avait pas beaucoup de courses. Mon père a commencé par l’élevage et ensuite, il a entraîné pendant longtemps en Normandie. De mon côté, j’ai monté en concours complet, mais à cause d’un problème de santé, je n’ai pas pu passer ma licence de gentleman-rider. Norbert, mon frère, est aussi entraîneur, et Grégoire et Gabriel sont donc la troisième génération d’entraîneurs.

Vous avez travaillé à Lambourn, ce qui n’était pas si fréquent à l’époque. Chez quel entraîneur êtes-vous allé ?

J’ai travaillé pour Peter Nelson qui était assez âgé à l’époque. Il m’avait fait apprendre quelque chose qui m’a servi par la suite. Il avait un cheval de Groupe qui ne voulait pas travailler avec les autres chevaux. Nous le travaillions séparément et Peter Nelson suivait ce cheval avec sa voiture, sur le côté de la piste. Ce cheval ne travaillait que comme ça, avec la voiture à côté de la piste. C’est amusant car cette expérience, je l’ai vécue avec l’un de mes pensionnaires, De Bon Aloi. C’était un bon cheval de Quinté. Il était pareil, il ne voulait pas travailler avec les autres chevaux et je l’ai donc entraîné en le suivant avec la voiture !

Lors de votre période d’apprentissage, vous avez aussi travaillé au haras de Ravensberg en Allemagne. Ce n’est pas courant non plus…

J’avais 16 ans à l’époque. Mon père avait une connaissance en commun avec le directeur du haras de Ravensberg. J’y avais passé deux mois durant l’été. C’était pour avoir une approche de l’élevage et un peu de l’entraînement. Par la même occasion, ça m’a permis d’apprendre l’allemand.

Ensuite, après être passé chez l’entraîneur Jean Couétil et par le haras de Sai, vous vous êtes installé à Tiercé…

Au départ, j’étais en Normandie. Mais lorsque j’ai voulu m’installer, j’ai regardé la carte des hippodromes existants et puis en Anjou, j’avais la possibilité de faire une piste en sable. J’ai fait la connaissance de monsieur de La Motte Saint-Pierre. Et le premier bon cheval que j’ai eu, All Ready, défendait ses couleurs. Il avait une particularité : il était claustrophobe ! C’est pour cela qu’il n’avait pas de bonnes performances avant car il maigrissait et devenait raide en restant au box. Nous l’avons mis au pré jour et nuit et ça a fait un très bon cheval. Il a gagné le Grand Cross de Craon, de Lyon-Parilly, du Lion d’Angers, du Pertre…

À Jarzé justement, vous vous servez beaucoup de vos paddocks comme nous pouvons le voir sur les différents réseaux sociaux de vos fils…

Effectivement ! Ce n’est pas forcément commun. Les trotteurs le font, mais au galop, ça ne se fait pas. Pourtant, on sauve quelques chevaux grâce à cela !

All Ready était un champion en cross. C’est une discipline qui a été importante pour vous, vos fils, et qui l’est pour la province et les spectateurs. Quel regard portez-vous sur le cross ?

Le cross est une passion. J’ai dû gagner sept fois le Grand Cross de Craon, trois fois l’Anjou-Loire… Nous avons eu Chriseti qui a gagné les deux. C’est rare de faire ce qu’il a fait sur des parcours complètement différents. Il faut une aptitude au parcours et à la course.

Comment se travaille le cheval de cross ?

Ce sont des chevaux qui sont à la limite des bons chevaux d’obstacle. Ils n’ont pas l’acceptation au travail difficile pour monter les degrés. Ce sont des chevaux auxquels on donne beaucoup de moral. Il faut qu’ils aient plaisir à sauter, courir. Nous travaillons plus le moral que le physique. Il leur manque juste le petit plus pour Auteuil, pour passer le cap au-dessus.

Étant donné la passion familiale pour le cross, on imagine que la victoire de Début de Printemps dans l’Anjou-Loire, associé en tant qu’entraîneur avec Grégoire, a été très marquante. Quel sentiment aviez-vous lorsque vos fils montaient en cross et plus généralement en course ?

Effectivement, la victoire de Début de Printemps a été très plaisante. Grégoire et Gabriel ont consacré cinq ans de leur vie à monter en course et à tenir des régimes impossibles… Alors, lorsque je vois un jockey d’1,65m qui me dit qu’il est un peu trop lourd, ça me fait drôle (rires) ! C’était une belle époque, même si leur mère avait peur, mais pour moi c’était un plaisir de les voir monter en course. C’est quelque chose que je n’ai pas pu faire.

Vous avez su développer au fil des années un noyau dur de propriétaires assez fidèles…

Nous avions monsieur Gondouin qui avait notamment Chriseti. C’était mon beau-père. Mais j’ai eu plusieurs propriétaires fidèles comme la famille de la Motte Saint-Pierre, monsieur Levesque avec Bacarello, la famille Cyprès pour laquelle j’ai eu notamment la bonne Urbaine, monsieur Marchal avec lequel nous avons eu Joseille, Pickland, Amirant… J’ai toujours essayé d’avoir de bons chevaux pour monsieur Marchal. Le premier cheval que je lui ai vendu s’est cassé la jambe lors d’un canter. Nous ne pouvions pas déceler le moindre problème avant. Il n’avait jamais couru. Je l’ai appelé pour lui dire. Il m’a répondu : « Je vous fais confiance. Retrouvez tout de suite un autre cheval et ne le dites pas à mon épouse ! » Depuis, j’ai toujours voulu lui rendre cette confiance. Durant ma première période d’entraîneur à Jarzé, j’entraînais pour monsieur Bellamy et nous avons eu de la réussite. Ensuite, j’ai rencontré la famille de la Guillonnière avec laquelle nous avons eu notamment Sirta.

L’Ouest, avec le Centre-Est, fait partie du gratin en matière d’AQPS. Vous en avez eu beaucoup, aussi bien en plat qu’en obstacle…

Effectivement, j’en ai eu beaucoup. Nous avons gagné beaucoup de Groupes AQPS, mais comme il n’y a pas de primes propriétaires, j’ai un peu ralenti les AQPS en plat ces dernières années. Cela nous permet, avec les femelles, de leur donner de la valeur en tant que poulinière. C’est vrai que les AQPS sont un peu une tradition dans l’Ouest. Dans la région, c’est important ! C’est la lutte avec le Centre (rires) ! Mais désormais, il y a de plus en plus d’AQPS qui passent directement à l’obstacle. Je dis souvent que je suis tombé entraîneur entre deux mondes, celui de Claude Rouget et celui de Guillaume Macaire. Il y a eu de plus en plus de courses de 3ans, au fil des saisons, nous les avons travaillés très jeunes et la nouvelle génération accentue ce point.

Au fur et à mesure des saisons, vous avez vu la précocité des sauteurs s’accélérer…

Tout change ! Les pedigrees notamment. Auparavant, pour bien faire, il suffisait d’avoir un bon sauteur avec du fond. Désormais, il faut surtout une certaine vitesse, d’autant plus qu’Auteuil est beaucoup plus drainé qu’à l’époque, donc les terrains sont moins lourds. Il y a une remise en question régulière. Sans oublier que les générations de propriétaires ont changé dans leurs attentes.

De quelle façon l’achat de Jarzé s’est-il produit ?

C’était un peu le hasard. Lorsque j’avais entraîné à Jarzé pour monsieur Bellamy, je m’étais dit qu’un jour j’achèterais le site. Je trouvais le lieu magnifique, il y avait tout pour bien faire. Ensuite, je suis parti à Durtal où j’ai entraîné pendant quinze ans. Lorsque monsieur Bellamy nous a quittés, c’est monsieur Laisis qui a repris Jarzé. Au départ, je lui ai loué une quinzaine de boxes pour amener mes meilleurs chevaux. Par la suite, le site a été mis en vente et je me suis positionné pour l’acheter.

Comment s’est réalisée l’association avec Grégoire ?

Nous avions la volonté de nous associer avec Grégoire. Ce dernier a un tempérament assez calme et nous nous entendons bien sur plusieurs sujets. De son côté, Gabriel a toujours eu un esprit plus indépendant. Il doit y arriver par lui-même et s’est donc installé seul.

Gabriel entraîne spécifiquement en obstacle, alors que Grégoire et vous entraînez en plat aussi. Pour quelles raisons ?

Lorsque je recevais les chevaux, je regardais leurs aptitudes, s’ils étaient assez bons pour aller en plat ou s’ils allaient s’orienter vers l’obstacle. Nous avons à peu près 40 % de chevaux de plat et 60 % de chevaux d’obstacle. Nous avons eu de très bons chevaux de plat comme Amirant, Mister Saint Paul qui était notre meilleur cheval, Or Gris, et d’autres chez les AQPS.

Que représente pour vous le succès de Gabriel comme celui de Grégoire ?

C’est évidemment une fierté ! Nous ne les avons pas poussés à aller vers le cheval… Gabriel est venu tardivement à cheval. Plus jeunes, ils ont fait des pony games, des concours, mais nous ne les poussions pas. Ils sont venus d’eux-mêmes vers le cheval. Ils ont ce vice-là (rires)… Mes deux petits-enfants regardent beaucoup les chevaux aussi. Il y aura peut-être une quatrième génération dans le cheval ! (rires)

Votre épouse, Christine, a joué aussi un grand rôle au sein de vos écuries, de votre élevage, et de l’association AQPS Ouest…

Nous avons toujours été main dans la main avec mon épouse. Nous avons pris toutes les décisions ensemble. Elle est passionnée et surtout, elle a un meilleur relationnel que moi (rires) ! Je suis un peu un taiseux comme on dit (rires).

Quels sont vos meilleurs souvenirs en obstacle comme en plat ?

[Silence] Mes meilleurs souvenirs ? Ce serait plus un ensemble, certaines carrières que les chevaux ont faites. Mais je ne m’arrête pas spécialement sur un cheval. Évidemment les Grands Cross ressortent. Le cross a toujours été ma passion. J’ai toujours dit que le cross, c’était ma danseuse ! C’est là que je vibrais le plus. Hormis cela, j’ai beaucoup aimé Amirant. Il représente un très bon souvenir. Nous l’avons acheté à réclamer à Deauville puis il est monté jusqu’au niveau Listed. Marceti ne ressemblait à rien lorsque je l’ai ramené. On m’a ri au nez car il n’arrivait pas à passer la tête au-dessus de la porte du box tellement il était petit… Mais il a gagné le Prix des Sablonnets et le Derby de l’Ouest (Listed à l’époque) et il s’est placé de Groupe en plat. Avec Soldouna que nous avait confié monsieur de Burgat, avocat à Rennes, nous avions gagné le Grand Prix de Toulouse (L). Évidemment, il y a eu Mister Saint Paul qui a été très bon et nous a apporté de grandes joies. Il y a eu aussi Palinodie qui a gagné une Listed puis que nous avons vendu aux États-Unis. En obstacle, mon meilleur cheval en classe pure a certainement été Master Tracy [deuxième des Prix Heros XII et Montgomery et plusieurs fois lauréat sur le steeple d’Auteuil, ndlr]. Il s’est accidenté mais il aurait pu, sans cela, devenir un très bon cheval de Groupe. J’ai eu d’autres bons chevaux comme Mérimont, Bacarello, Gondleen, Joseille ou encore Écho des Mottes. Avec ce dernier, si nous avions été hardis, nous serions allés en Angleterre car il ne tenait pas au-delà de 3.500m. Et malheureusement, le programme français ne veut pas de courses sur courtes distances, alors que les épreuves sur ce type de parcours sont dominées par les chevaux français en Angleterre… Je ne sais pas pourquoi nous n’en faisons pas en France. Je me suis battu pendant longtemps pour cela. J’étais dans les conseils de l’Obstacle, mais ça n’a jamais été retenu.

Auriez-vous aimé développer d’autres idées, hormis le programme sur courte distance ?

Je serais pour retirer les courses de 3ans à Auteuil au printemps. Parce que nous sommes en train de changer complètement la donne. Nous voyons de plus en plus de personnes garder les chevaux entiers pour courir à 3ans et s’ils arrivent à faire une belle série, ils les placent comme étalon. Il y a de plus en plus d’étalons d’obstacle et nous ne savons pas où nous allons. Nous pourrions avoir des surprises négatives dans le futur, même si ce sont généralement des chevaux qui ont de bons pedigrees et proviennent de bonnes souches maternelles. À côté de cela, les saillies augmentent de plus en plus et les petits éleveurs en pâtissent. Ils n’ont pas les fonds pour payer des saillies aussi chères. D’autant plus que les Irlandais ont des soucis, ils achètent moins de foals. Il pourrait y avoir un passage de quatre ou cinq ans où il faudra remanier tout cela.

Justement, est-ce qu’en obstacle, nous ne sommes pas en train de basculer du côté irlandais en produisant parfois des chevaux de ventes ?

C’est cela. Je pense que les éleveurs ne doivent pas forcément chercher des chevaux de vente, mais plutôt avoir une bonne mère qui produit bien et fait des chevaux de courses. C’est le seul moyen de s’en sortir si l’on n’est pas un grand haras.

« HYPOCRISIE »

À la fin de notre entretien, Étienne Leenders souhaitait nous faire part de son sentiment sur deux sujets : « Je ne comprends pas que des gens se trouvent à perdre leur licence pour des malversations sur le dopage, prennent un prête-nom à leur place, et que la personne sanctionnée reste dans la cour et fasse le même travail. Je ne suis pas d’accord. Je trouve cela un peu hypocrite. Ensuite, sur un autre thème, nous parlons de présomption d’innocence, mais qu’en est-il avec Pierre-Charles Boudot ? Normalement, il devrait bénéficier de la présomption d’innocence. Il n’a pas eu de procès et on lui a enlevé sa licence… Je ne comprends pas. »

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