Chantilly, Dimanche
Prix de Diane Longines (Gr1)
Au bonheur des pères
1re GEZORA
2e BEDTIME STORY
3e CANKOURA
« Les courses, c’est d’abord des émotions », a rappelé Francis Graffard après avoir remporté son deuxième Prix de Diane Longines avec Gezora (Almanzor), six ans après le succès de Channel (Nathaniel). Et en évoquant la présence de son père dimanche à Chantilly, l’entraîneur est redevenu, l’espace de quelques minutes, un enfant. « Nous faisons un métier difficile, fait de grandes joies mais aussi de déconvenues. Et avoir le soutien de sa famille est capital. Ma femme et mes filles me supportent au quotidien. Mon père n’est pas issu du monde des courses mais il m’a toujours accompagné. Il était avec moi quand mon premier cheval est arrivé dans mon écurie ! Il me rêvait en pilote de Formule 1 mais moi, c’étaient les chevaux de course… Il est très compétiteur dans l’âme et il aime me voir gagner. » Le père devait être fier du fils dimanche, en cette journée de fête des pères… Non seulement Francis Graffard a gagné, mais il a aussi placé ses deux autres représentantes, Cankoura (Persian King) et Mandanaba (RS) (Ghaiyyath) aux troisième et quatrième places. Seul Aidan O’Brien a réussi à contrer cette vague verte en plaçant Bedtime Story (Frankel) à la deuxième place… Christophe Soumillon remporte quant à lui son troisième Diane, après les victoires de Latice (Inchinor) en 2004 et celle de Zarkava (RS) (Zamindar) en 2008. Il y a dix-sept ans, son aînée, Charlie, était dans les bras de son père sur le podium. Dimanche, c’est avec ses trois enfants qu’il est allé récupérer son trophée. La fête des pères, vraiment.
Le déroulement de la course
À l’ouverture des stalles, Merrily (No Nay Never) a pris les commandes de la course, imposant un rythme modéré. Gezora s’est montrée assez allante dans les premiers mètres, avant de se retrouver au cœur du peloton. Progressivement, elle a réussi à se poser. Le rythme s’est nettement accéléré à la sortie du tournant final. Au début de la ligne droite, Mandanaba (RS) (Ghaiyyath), pourtant brillante en début de parcours et contrainte de voyager sans abri, a semblé prendre l’ascendant. Mais c’est à cet instant que Christophe Soumillon a réussi à se frayer un chemin, se retrouvant en pleine piste avec Gezora, qui s’est alors relancée en allongeant magnifiquement ses foulées. La pouliche a dominé la phase finale avec autorité, sans jamais être inquiétée dans les 100 derniers mètres, donnant l’impression de le faire avec beaucoup de facilité. Derrière elle, Bedtime Story (Frankel) a été l’auteure de la meilleure fin de course. Longtemps vue à l’arrière-garde, elle était encore très loin dans le tournant final, mais a comblé énormément de terrain en un rien de temps. Cankoura (Persian King) a suivi le sillage de Mandanaba et l’a accompagnée dans son effort. Contrairement à sa compagne d’écurie, elle ne s’est pas éteinte : bien au contraire, elle a trouvé un second souffle dans les 100 derniers mètres pour accrocher une méritoire troisième place, à une demi-longueur de Bedtime Story. D’Ores et Déjà (Zarak), longtemps attentiste, n’a pas connu une ligne droite des plus fluides. Mais elle a placé l’accélération qu’on lui connaît pour décrocher une bonne cinquième place.
Apprendre à se connaître
Gezora apporte un deuxième classique cette année à Francis Graffard, au sommet de son art. La pouliche élevée par le haras d’Etreham a débuté sa carrière chez Nicolas Le Roch, pour les couleurs de ses éleveurs, terminant sa saison de 2ans par un succès dans le Prix des Réservoirs (Gr3), après avoir pris la deuxième place du Prix de Condé (Gr3), seulement battu par Lazy Griff (Protectionist), futur deuxième du Derby d’Epsom sous la selle de… Christophe Soumillon. Francis Graffard a dû apprendre à connaître cette pouliche, et il rappelle : « Il a fallu à la fois qu’elle s’adapte à mon système et que j’apprenne à la connaître. C’est une pouliche facile, professionnelle, qui avait déjà pris mal d’expérience à 2ans. Je ne m’attendais pas forcément à ce qu’elle s’impose dans le Saint-Alary. Mais elle avait beaucoup progressé sur sa rentrée et elle a continué de le faire après cette victoire, si bien qu’elle était au top pour le jour J. Je ne connaissais pas réellement ses limites et ce n’est pas une surprise pour moi qu’elle s’impose aujourd’hui. J’étais confiant. Pendant la course, je suivais mes trois pouliches dans les jumelles. À 200m du poteau, j’ai vécu un moment incroyable en voyant cette vague verte arriver. Je n’étais pas sûr de gagner quand j’ai vu la pouliche d’Aidan O’Brien fondre sur nous… » Le Prix de Diane étant la deuxième étape des Arc races, Gezora a gagné sa supplémentation au Qatar Prix de l’Arc de Triomphe dans laquelle elle n’était pas engagée. Francis Graffard poursuit : « Cette initiative est très positive. On sait qu’elle adore le terrain souple. Alors nous ne nous fermons aucune porte ! »
De Waya à Gezora
Pour Peter Brant, c’est une première victoire dans le Diane. On se souvient de la deuxième place de Sistercharlie (Myboycharlie) en 2007. L’Américain était présent à Chantilly, comme il l’était quand Sottsass (Siyouni) avait remporté le Jockey Club en 2019, et l’Arc l’année suivante… Il fait aussi partie des associés autour de Camille Pissarro (Wootton Bassett), gagnant du Jockey Club il y a deux semaines sous la bannière Coolmore !
Au côté de Michel Zerolo, il se souvient : « Michel Zerolo avait répéré cette pouliche quand elle avait 2ans et il m’en a parlé. Elle descend d’une très belle famille Niarchos, elle avait de bonnes performances, aussi l’ai-je achetée. J’ai eu beaucoup de succès avec les pouliches françaises, comme Sistercharlie, qui aurait pu gagner cette course si elle avait été plus heureuse. Pour le moment, Gezora va poursuivre sa carrière en France. » Le propriétaire américain a longuement évoqué sa passion pour les courses et les pouliches françaises : « Je suis tombé amoureux des courses françaises en assistant à une édition du Prix de l’Arc de Triomphe alors que je n’étais pas impliqué dans les courses… C’était l’année de la victoire d’Ivanjica. Quand j’ai commencé à acheter des chevaux, j’ai voulu en avoir en France. J’ai acheté en France une pouliche de la famille Wildenstein nommée Waya, quand elle avait 4ans. C’était en 1978. Elle a gagné beaucoup de Grs1 pour moi et a même été introduite dans le Hall of Fame… C’est donc une très, très longue histoire… Et gagner le Diane aujourd’hui signifie beaucoup ! » Sur l’achat de Gezoza, Michel Zerolo raconte : « À 2ans, Gezora nous plaisait beaucoup. Et elle faisait partie des rares bonnes pouliches que nous pouvions acheter. C’était un peu une évidence. Il n’y a pas plus sportsman que Peter Brant. C’est très valorisant de travailler avec lui. On travaille en confiance. Gagner le Diane, c’est très dur. Nous avons essayé plusieurs fois. Cela avait fonctionné avec Stacelita… »
Quel pied !
Christophe Soumillon renoue avec le succès dans le Diane. Initialement prévu sur Audubon Park (Dubawi), accidentée lors de son dernier travail, le jockey a saisi l’opportunité Gezora, délivrant une copie parfaite : « Quel pied ! À l’entrée de la ligne droite, je suis un peu bloqué en dedans. Dès le départ, j’avais dit à Francis que je ne voulais pas trop me retrouver derrière des pouliches qui n’avaient pas de chance. Gezora ne s’est pas élancée très, très vite. En partant, dès que j’en ai eu l’opportunité, j’ai décalé ma partenaire. Je ne voulais pas laisser Clément [Lecœuvre, jockey de Cankoura, ndlr] en troisième épaisseur et je l’ai laissé rentrer. À l’entrée de la ligne droite, je voyais que Cankoura avait beaucoup de ressources et j’ai réussi à revenir dans son sillage. Ce sont des courses dans lesquelles il faut être là. Il faut aussi avoir la chance avec soi… Mardi matin, j’ai eu une mauvaise nouvelle avec le souci d’Audubon Park et j’ai eu la chance que l’entraîneur et le propriétaire de Gezora veulent de moi sur la pouliche. C’est génial ! Je savais que Gezora avait une première chance. J’avais adoré sa victoire dans le Prix Saint-Alary. Dans notre métier, il ne faut rien lâcher, se lever tous les matins et travailler dur. J’espère que ça servira d’exemple aux jeunes… Je monte un peu moins, mais j’ai de grands entraîneurs qui me font confiance, donc lorsque j’ai de la chance de monter de super chevaux dans les bonnes courses, c’est un régal ! »
Dans le clan des placées
En découvrant la distance des 2.100m, Bedtime Story, sixième de la Poule d’Essai, a nettement haussé son niveau de jeu. Aidan O’Brien a commenté : « Nous sommes ravis de la performance de Bedtime Story. Elle court magnifiquement bien. Ses progrès sont manifestes. Je n’ai pas cessé de la présenter dans de bonnes courses et elle montre son vrai visage. Aujourd’hui c’est vraiment une grande performance. Nous sommes aux anges. Cet accessit, sur cette distance, lui ouvre de nombreuses possibilités. Je ne sais pas encore ce que nous ferons pour la suite de son programme. Il faut voir comment elle rentre. Par contre Merrily n’a pas tenu. Il faudra la raccourcir. »
Cankoura (3e) et Mandanaba (4e) ont connu des fortunes diverses : la pouliche de la princesse Zahra s’est retrouvée en épaisseur, le nez au vent, et a logiquement coincé à la fin. Au contraire, Cankoura a eu un parcours en or, dans le sillage de sa compagne d’entraînement. Francis Graffard analyse : « Mandanaba s’est tendue avant la course et j’avais dit à Mickaël de la cacher. Malheureusement, avec ce numéro dans les boîtes à l’extérieur, il n’a pas pu le faire. Cankoura, elle, a pu se ranger dans un dos, celui de Mandanaba ! Elle a été très courageuse. »
Enfin, D’Ores et Déjà réalise une excellente valeur en se classant cinquième. Rupert Pritchard-Gordon, racing manager d’Al Shaqab Racing, a commenté : « Nous sommes très contents de sa performance. Il faut que nous regardions à nouveau la course, mais nous avons l’impression qu’elle n’était pas spécialement heureuse à l’entrée de la ligne droite. Elle était un peu loin, puis elle est venue, mais cela s’est un peu refermé. Elle a été reprise avant de revenir et elle a bien répondu. Les quatre premières sont sûrement meilleures qu’elle. Mais avec un parcours plus fluide, elle aurait terminé plus près. Elle a confirmé ce que nous espérions d’elle : c’est une pouliche de ce niveau. Elle aura un bon break maintenant et nous allons voir avec Fabrice Chappet comment nous allons préparer l’automne. Elle aime bien le terrain très souple et nous allons garder cela en tête pour qu’elle arrive avec de la fraîcheur sur l’automne. »
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Succès (total) pour Etreham
La dernière gagnante du Diane élevée par Etreham n’est autre que Montenica (Djebel) en 1947. Samedi soir, Nicolas de Chambure nous confiait : « Ça remonte et il est temps d ‘y remédier ! » Moins de 24 heures après, c’est donc chose faite… C’est un succès total car la pouliche est issue d’un ancien étalon maison et elle a été formée au haras du Bois, l’antenne d’entraînement d’Etreham, sous la férule de l’entraîneur maison Nicolas Le Roch ! Almanzor étant tombé en disgrâce, Gezora n’est pas passée en vente et son éleveur, le haras d’Etreham, a donc décidé de la valoriser en course !
Un premier Gr1 européen pour Almanzor
Élevée par le haras d’Etreham, Gezora est une fille d’Almanzor (Wootton Bassett), lequel fait actuellement la monte en Nouvelle-Zélande à Cambridge Stud. Mais il officiait au haras d’Etreham lorsque la pouliche a été conçue. Son fils Molveno (Almanzor) vient de gagner le Derby italien (Gr2, 2.200m), alors que Zuckerhut (Almanzor) a récemment remporté l’Union-Rennen (Gr2, 2.200m), la préparatoire de référence au Derby allemand
Gezora est son premier lauréat de Gr1 en Europe et son troisième dans le monde (il a donné deux gagnants à ce niveau dans l’hémisphère Sud).
Née pour les 2.100m de Chantilly !
Sa mère Germance (Silver Hawk) est lauréate des Prix de la Nonette, Pénélope (Grs3), et Saint-Alary (Gr1 à l’époque). Elle s’est également classée deuxième du Prix de Diane (Gr1). Étant donné qu’Almanzor a gagné le Jockey Club, les deux géniteurs de Gezora ont brillé sur les 2.100m de Chantilly !
Au haras, Germance a déjà donné de nombreux gagnants, à l’image de Galaxie Sud (El Prado), lauréate d’une course F sur 1.900m à Deauville, Éclair d’Aliénor (Bernardini), gagnant d’une course G sur 1.900m à La Teste, ou encore Garance (Teofilo), son meilleur produit. Cette dernière s’est classée deuxième des Prix Casimir Delamarre, Sorellina, et troisième du Prix Petite Étoile (Ls). Germance a ensuite donné Falcon Run (Hurricane Run), gagnant de son maiden à 3ans avant de rééditer au niveau handicap.
La deuxième mère Gaily Tiara (Caerleon) a remporté une course au Japon. Outre Germance, elle a donné Gaily Game (Montjeu), gagnant du Derby du Midi et du Prix Michel Houyvet (Ls), et Beynotown (Authorized), la mère d’Out of Town (Kentucky), deuxième du Derby du Languedoc et du Prix Rose de Mai (Ls). C’est également la souche de Mekhtaal (Sea the Stars), lauréat notamment du Prix d’Ispahan (Gr1).
Iffraaj | |||
Wootton Bassett | |||
Balladonia | |||
Almanzor | |||
Maria’s Mon | |||
Darkova | |||
Darkara | |||
GEZORA (F3) | |||
Roberto | |||
Silver Hawk | |||
Gris Vitesse | |||
Germance | |||
Caerleon | |||
Gaily Tiara | |||
Majestic Role |
LES CHRONOS
TEMPS PARTIELS
Du départ à 1.000m : 1’06’’17
De 1.000m à 600m : 25’’10
De 600m à 400m : 12’’15
De 400m à 200m : 11’’52
De 200m à l’arrive : 11’’68
Temps final : 2’06’’62