Oui, l’obstacle a encore sa place dans la France hippique
Par Christopher Galmiche
Les passionnés de l’obstacle ont dû tomber de leur chaise en découvrant cette recommandation de l’inspecteur général des finances Franck Avice : « Remplacer des courses d’obstacles par des courses de plat. » En lisant vite, on peut se dire que le souhait est de remplacer les courses d’obstacles par du plat… ce qui est mathématiquement impossible ! Pas de crainte d’une telle mesure qui amènerait définitivement le galop sous le sabre du trot. D’après nos informations, il s’agirait de passer un ou deux Quintés de l’obstacle vers le plat, même si cette mesure est loin d’être prise. Et tant mieux car ce serait encore une mesure court-termiste, comme l’augmentation du calendrier, du nombre de Quintés et tant d’autres… Les courses ont suffisamment souffert de mesures sans réelle vision d’avenir. Pas question donc de supprimer l’obstacle, même si c’est le souhait de la haute sphère du trot, il faut bien le savoir. Et qu’elle s’y emploie par tous les moyens, via la presse notamment.
Il y a des vies en jeu !
Certains pourraient penser que je prêche pour une paroisse que je ne cesse de défendre (que je défendrai toujours !). C’est le cas. Mais mon éditorial d’aujourd’hui n’est soufflé par personne. L’inspiration m’est venue car l’obstacle a fait beaucoup d’efforts sur la dernière décennie (suppression d’Enghien, chevaux conservés en France malgré des offres alléchantes, acceptation d’horaires peu favorables aux prises de paris). Il doit encore en faire, comme le plat, c’est une évidence, vu la situation dans laquelle nous sommes. Mais on ne peut pas régulièrement dire que l’obstacle est fini. Comment faire venir les joueurs, les propriétaires avec cette réflexion redondante ? Est-ce que vous pensez aux nombreux jeunes qui se sont installés entraîneurs ou éleveurs avec une orientation « obstacle » ? Si tout s’arrête, comment ça va se passer pour ces jeunes qui ont probablement des emprunts lourds ? Là, ce n’est pas des données chiffrées dont on parle, mais de vies humaines, et équines aussi. Mon édito est donc dicté par et pour ces vies, pour l’avenir de l’obstacle et son intérêt général, qui est lié à celui du galop.
Un décret favorable à l’unité
Selon nos informations, si les mesures préconisées par Franck Avice passaient, comme le fameux 50/50, cela permettrait de faire comprendre que la filière est une et unique. L’esprit de cette doctrine serait : le plat, l’obstacle et le trot, c’est la même chose ! Pour que le 50/50 soit validé, il faudra que le gouvernement Bayrou tienne jusqu’à la fin octobre, ce qui est loin d’être gagné. Et nous imaginons facilement que certaines têtes pensantes du trot (à ne pas confondre avec le trot dans son ensemble) misent sur une censure votée, un gouvernement renversé, pour probablement mettre le rapport Avice à la même place que les autres : sous le tapis ! Selon nos confrères de 24h au Trot, il y a aussi l’option d’un contrat cadre PMU 2030. Reste à savoir si ce contrat comprend bien la spécificité des courses françaises et de ses TROIS disciplines ?
Pouvoir miser sur le PMH en internet
Tuer l’obstacle, c’est tuer la province. Il n’y a qu’à voir les affluences à Pau, Craon, au Lion d’Angers, Corlay, Rostrenen, liste non exhaustive ! Le PMH a son importance car il entretient la passion en région de parieurs qui misent en premium. Les hippodromes PMH, ce sont en quelque sorte des succursales du PMU. Et il faut ouvrir certaines réunions d’obstacles provinciales en Premium, au moins sur internet. Lorsque l’on voit que plusieurs étapes du Trophée National du Cross ne sont même pas Premium… alors que le challenge est sponsorisé par le PMU… C’est assez consternant d’autant que les étapes du Trophée réussissent souvent à des spécialistes des hippodromes et sont donc simples à décoder. Plusieurs hippodromes d’obstacle provinciaux seraient aussi prêts à courir en matinale pour avoir une Premium. Des créneaux en matinale pour des réunions provinciales, ce n’est pas ce qui manque !
Un manque de visibilité
Savez-vous pourquoi en Angleterre et en Irlande, on mise plus sur l’obstacle ? L’une des raisons est que la presse spécialisée donne une visibilité énorme à la discipline. Dès la fin de l’été, Cheltenham apparait dans les sujets, tout comme le Grand National. La communication est riche. C’est très loin d’être le cas en France. L’obstacle a aussi perdu des Quintés, ce qui donne mécaniquement moins d’enjeux et de visibilité. Il ne représente que 21% du programme Premium. Difficile dès lors, malgré toute la bonne volonté, d’atteindre les 33% du 2/3-1/3. Mathématiquement, c’est impossible. Il réalise 18% de la contribution Premium, après une cascade de réunions Premium passées en matinale, des confrontations Compiègne versus une bonne réunion de plat en région parisienne, ce qui n’était pas le cas lorsqu’il y avait Enghien… Des raisons à cette baisse, il y en a.
L’excuse du bien-être animal
Certains avancent que l’obstacle est critiqué par les animalistes. Je vous rassure : pour ces gens-là, s’approcher d’un cheval est déjà un crime. Et les derniers sujets qui ont fait le buzz, via leurs communicants, portaient sur un trotteur avec plus de 100.000 € de gains, retrouvé dans le couloir de la mort d’un abattoir, et un pur-sang accidenté à Longchamp. Le moindre accident en piste, trot, plat ou obstacle, est une aubaine pour eux. D’autant qu’ils n’ont pas eu la tête de la corrida à laquelle il nous compare. Une corrida qui a vu son affluence en hausse… suite à la proposition de loi du député Caron de la supprimer ! Croire que supprimer l’obstacle les détournera des courses, c’est vivre dans un monde parallèle !
Que faire ?
La France est le seul pays du monde qui doit composer avec l’obstacle, le plat et le trot pour faire son calendrier. Probablement que si, comme en Angleterre et en Irlande, il n’y avait que du plat et l’obstacle, nous pourrions courir le programme d’Auteuil durant l’hiver. Et le chiffre d’affaires ne serait pas le même car il faut rappeler que le trot a les meilleurs créneaux. Mais l’obstacle doit constamment évoluer entre le plat, au printemps et à l’automne et le trot, à l’automne et durant l’hiver. Ecouter les parieurs pour redresser la barre me parait essentiel. Nos confrères de 24h au Trot avaient proposé un grand colloque sur le jeu, ce qui me semblait être une très bonne idée. Sans les joueurs, nous voyons où l’on en est. Les écouter, savoir ce qui pourrait les faire jouer en obstacle, via une enquête ou colloque, en ligne et en dur, ça pourrait apporter de bonnes indications. En 2021, il y avait déjà eu de bonnes idées évoquées lors du séminaire de l’obstacle. Certaines avaient été appliquées avec des premiers pas encourageants. Côté communication, peut-être aussi que c’est à certains journalistes passionnés de se lancer dans des vidéos sur Youtube, par exemple, pour mettre en avant la discipline, comme les nombreux Youtubers qui font la promotion de la Formule 1 et pour laquelle ce système fonctionne bien. Je le sais, je suis abonné à cinq chaines Youtube sur la F1… Côté communication des professionnels, nous sommes sur le bon chemin en obstacle. Nombre d’entre eux sont rompus à la communication pour parler de leurs partants, de leur quotidien… Concernant le programme, il y a aussi des éléments à revoir, même si les choses allaient dans le bon sens, ces deux dernières années, en région parisienne du moins. L’obstacle doit faire son autocritique, prendre les critiques une par une, voir ce qui peut être fait pour y répondre du mieux possible, ensemble. Si ce n’est pas le cas, on le fera pour lui, et ça ne sera pas bon.
Les intérêts de l’Etat
L’obstacle alimente les caisses de l’Etat, via ses enjeux, aussi maigre soient-ils selon certains. Mais il ne faut pas oublier qu’il les remplit aussi via les ventes de chevaux, les pensions de chevaux à l’entraînement et cette fameuse TVA à 20%… Il fait aussi vivre la province et contribue à la bonne santé de certains départements comme la Nièvre, la Saône-et-Loire, l’Allier, le Maine-et-Loire, la Mayenne, liste non exhaustive ! L’obstacle redonne également de la vie à nos campagnes profondes. L’Etat a plutôt intérêt à ce que l’obstacle marche, à l’heure où il cherche de l’argent dans les moindres recoins. N’en déplaise à ses détracteurs !