Alain Benaim : « Ce que j’aime dans les courses, c’est le partage »Â
À 67ans, Alain Benaim est un propriétaire heureux. Dimanche, il a remporté l’épreuve support d’événement lors de la réunion du Prix Ganay (Gr1). Encore un achat judicieux. Rencontre avec un passionné.
Par Thomas Guilmin
tg@jourdegalop.comÂ
« Douriann (Golden Horn) est le dernier arrivé à l’écurie. La première fois que je l’ai vu, c’est lorsqu’il avait débuté au Croisé-Laroche. Ce jour-là , je pense même que c’était le seul inédit de la course. Il avait terminé troisième, à plus de dix longueurs du gagnant. Mais, avant cela, j’avais pu remarquer qu’il était inscrit à la vente d’automne, qui allait se dérouler quelques semaines plus tard. Je pensais déjà  l’acheter. Aux ventes, j’ai dû batailler avec mes associés pour aller au-delà de notre budget prévu. Pourtant, physiquement, il ne correspond pas à la morphologie des chevaux que j’aime : il est plutôt féminin. C’est un peu une “claquette”. Mais lorsqu’il court, il met toujours son cÅ“ur sur la piste. Il a encore besoin d’apprendre son métier. D’ailleurs, dimanche dernier, lors de sa victoire, j’ai trouvé qu’il avait flotté à mi-ligne droite. J’ai fait le choix de le laisser chez son premier entraîneur, Mikel Delzangles, car je voulais trouver un nouveau mentor en vue de futurs achats. Pour moi, c’est l’entraîneur classique par excellence. À l’avenir, j’espère que Douriann pourra être black type… »
46,5 : La valeur handicap moyenne de ses 4 représentants
« Avant la vente de Go Athletico (Goken), la valeur handicap moyenne de mes chevaux était supérieure à 47. Désormais, avec notre petit nouveau, Douriann, elle dépasse 46,5. Ce sont de belles statistiques mais il faut savoir qu’il y a de gros investissements derrière. »
Ses associations
« Sur tous mes galopeurs et trotteurs, je suis associé à l’écurie Ades-Hazan, des amis. Récemment, je viens de faire rentrer un nouveau propriétaire dans l’association autour de Douriann, il s’agit de Chen Xuewei, un grand industriel chinois. Il me fait totalement confiance. Au-delà de nos frontières, il faut que l’on développe le propriétariat. J’aurais très bien pu acheter mes chevaux seul. Mais ce que j’aime dans les courses, c’est le partage. La troisième mi-temps est aussi très importante dans notre sport ! Partager un bon repas après une victoire, réfléchir sur les prochains engagements de nos chevaux, cela n’a pas de prix. Le propriétariat est en quelque sorte une affaire de famille. »
La troisième mi-temps est aussi très importante dans notre sport ! Partager un bon repas après une victoire, réfléchir sur les prochains engagements de nos chevaux, cela n’a pas de prix.
Sa volonté de conquérir de futurs propriétaires
« Pour inciter un futur propriétaire à nous rejoindre, j’essaie en premier lieu de leur faire comprendre que les courses hippiques sont un sport. Car, je le répète, elles sont un sport ! Je leur explique également qu’il s’agit d’un superbe spectacle aussi bien au trot qu’au galop. Donner le goût du challenge est également un levier important. Dans mon rôle de mini-ambassadeur, j’essaie de leur faire comprendre qu’il faut venir assister aux courses à Longchamp, tout comme se rendre à Deauville pour les ventes. Me concernant, je suis animé par la passion des courses. J’ai la volonté de redonner aux chevaux et aux courses, le plaisir qu’ils me procurent lorsque je vois un beau Gr1. Je veux vraiment partager cela. »
Sa stratégie d’achat
« Je suis pour le turn-over de l’écurie afin d’avoir en permanence de nouveaux chevaux. Le but n’est pas d’en avoir une multitude mais plutôt d’effectuer de bons achats. Cela permet également de faire venir de nouveaux propriétaires et des partenaires étrangers. Ma stratégie d’achat est vraiment liée à la volonté de se faire plaisir, tout en faisant tourner l’effectif. Le plaisir se renouvelle plus souvent grâce à cette méthode. Dernièrement, Go Athletico (Goken) en est un bel exemple. »
Pour inciter un futur propriétaire à nous rejoindre, j’essaie en premier lieu de leur faire comprendre que les courses hippiques sont un sport. Car, je le répète, elles sont un sport !Â
La vente de Go Athletico chez Auctav
« J’ai été ravi de collaborer avec Auctav pour la vente de Go Athletico. Ces nouvelles structures de vente viennent en quelque sorte mettre un coup de pied dans la fourmilière. Et cela fait du bien. Cela force les agences de vente réputées à se renouveler… Je me réjouis de ces nouveaux acteurs. Ils font venir de nouveaux propriétaires. Ils savent émettre des idées novatrices, ce qui permet de ne pas se reposer sur ses acquis. Go Athletico avait été acheté 150.000 € à la vente de l’Arc en 2021. Deux ans plus tard, et après avoir empoché plus de 130.000 € d’allocations, nous l’avons revendu 165.000 € sur Auctav. Tout cela en prenant beaucoup de plaisir, mais surtout en voyageant un peu partout en France et en Italie. Je souhaite le meilleur à ses nouveaux propriétaires. Vendre des chevaux à l’étranger nous permet de montrer leur qualité en dehors de nos frontières. »
Sa (forte) implication dans l’Institution
« Au quotidien, j’essaie de m’investir au maximum dans l’association des propriétaires de chevaux de galop d’Île-de-France puisque je suis moins à l’étranger désormais. Depuis quelque temps, j’en suis d’ailleurs l’un de ses administrateurs. Et avec mes modestes moyens, je compte faire bouger les choses. Par l’intermédiaire de cette association, mon but sera d’offrir un nouvel essor au galop. À mon sens, France Galop doit impérativement choyer ses propriétaires. Car, avec les jockeys, ce sont eux qui font le spectacle. On a constamment besoin de nouvelles casaques. La maison mère va devoir insuffler un esprit d’entreprise afin de trouver de nouveaux leviers pour que les courses françaises restent ce qu’elles ont toujours été ! Ils doivent être plus dynamiques. Et lorsque l’on voit ce qui s’est passé à l’étranger ces dernières années, je peux affirmer que nous avons un formidable outil. Actuellement, peu d’efforts sont faits pour l’accueil des propriétaires sur un hippodrome. Il y a encore beaucoup à faire sur ce sujet, notamment à Paris, en comparaison avec la province. »
La rencontre avec Andreas Schutz à Hongkong
« J’ai 67 ans. Cela fait une quarantaine d’années que je suis propriétaire. J’habite près de Chantilly, ce qui me permet d’aller voir régulièrement mes chevaux. Je trouve cela important car cela me permet de suivre les engagements ou encore d’être au courant des différents soins prodigués. Pendant de nombreuses années, j’ai travaillé à l’étranger. Grâce à mon métier [il est gérant d’une entreprise de prêt-à -porter, ndlr], j’ai énormément voyagé, principalement à Hongkong et aux États-Unis. Ainsi, j’ai pu découvrir différentes cultures mais aussi assimiler la manière dont sont gérées les courses ailleurs. J’ai rencontré Andreas Schutz à Hongkong. Et lorsque j’ai eu mes premiers chevaux chez lui, tout le monde venait me demander pourquoi ils étaient entraînés en Allemagne (rires). Paradoxalement, peu de gens savaient qu’il entraînait en France, et encore moins que c’était un grand professionnel. Le premier cheval que j’ai mis chez lui a été Monty (Motivator). Ensuite, toujours chez lui, j’ai racheté Dawn Intello (Intello). »
Le programme (complet) de ses chevaux
« Un de mes autres amis, Pascal Bary, a gentiment accepté de récupérer Harper (Al Kazeem) après sa mésaventure chez un entraîneur italien [Andréa Marcialis, ndlr]. Pascal a fait un sacré travail avec lui, d’autant plus qu’il avait attrapé la maladie de Lyme… Dans sa carrière, Harper a gagné deux courses support d’événement, mais aussi deux Listeds. Honnêtement, on n’aurait pas pu faire mieux. Son seul défaut vient peut-être du fait qu’il ne soit pas recevable aux primes. Cela étant, lorsque nous l’avions acheté yearling, c’était déjà le cas. Pour le moment, il ne peut pas courir car il a eu un petit souci lors de sa rentrée dans le Prix Montjeu (Classe 1). À mi-ligne droite, il a reçu un coup d’un autre cheval. Ces derniers temps, il semble revenir en forme à l’entraînement. Les terrains vont se raffermir, il est donc préférable que l’on attende les pistes souples en fin d’année. Monty devrait faire sa rentrée dans le 101e Grand Prix de Bordeaux – 4e Étape du Défi du Galop (L). Ensuite, il devrait aller courir La Coupe (Gr3), dont il est le tenant du titre. C’est en quelque sorte le même programme que l’année dernière. Le problème, c’est qu’il aura sûrement les mêmes objectifs que l’un de mes autres coreprésentants, Dawn Intello. Ce dernier devrait faire sa rentrée le 8 mai, à Strasbourg, dans une Classe 4 sur 2.000m, où il va bien courir d’entrée de jeu. Honnêtement, le cheval n’a jamais été aussi bien. La possibilité de voyager en fin de saison avec ces trois-là n’est pas à exclure. Douriann, lui, devrait courir prochainement une nouvelle course support d’événement. Ensuite, il n’est pas impossible qu’il coure le Prix du Pays d’Auge – 9e Étape du Défi du Galop (L) ou le Grand Prix de Vichy (Gr3), cet été. »
Au trot ou au galop ?
« Je n’ai pas de préférence. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est la victoire, les beaux chevaux et le sport ! J’aime me lever tôt pour aller voir un canter sur les Aigles à Chantilly. Il n’y a rien de plus beau. Les trotteurs ont une façon de promouvoir leurs courses dont le galop devrait s’inspirer. Leur communication est très bonne. Personnellement, je ne connais pas leur nouveau président, Jean-Pierre Barjon, mais je trouve qu’il a fait beaucoup de choses pour les courses de trot. Il a su insuffler un nouvel élan, c’est important. Étant plus jeune, j’ai eu la chance de pouvoir driver en course au trot. Au galop, étant donné que je suis bien trop lourd, c’était difficile. Mais si un jour mon ami Gérald Mossé s’installe entraîneur, j’espère que je pourrais monter sur un cheval réformé ! J’ai également un étalon trotteur, Uriel Speed. C’est un demi-frère du champion Ready Cash. En compétition, il m’a offert une victoire dans un Gr2 à Vincennes. »
Les trotteurs ont une façon de promouvoir leurs courses dont le galop devrait s’inspirer. Leur communication est très bonne.