samedi 27 juillet 2024
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Guillaume Herrnberger : « Il devient urgent de former plus d’entraîneurs »

Les entraîneurs sont les principaux employeurs et pourtant leur nombre ne cesse de baisser. L’Institution a décidé de modifier en profondeur leur formation. Guillaume Herrnberger, le boss de l’Afasec, nous a présenté une nouvelle stratégie qui vise à stopper l’hémorragie.

Par Guillaume Boutillon

gb@jourdegalop.com

Jour de Galop. – Onze stagiaires viennent de décrocher leur licence d’entraîneur. Est-ce que ce nombre vous paraît suffisant ?

Guillaume Herrnberger. – De 882 entraîneurs en 2018 nous sommes passés à 716 aujourd’hui ! Et cette baisse est structurelle, puisque la moyenne d’âge des entraîneurs en activité frise les 50 ans. Ma réponse à votre question est donc claire : c’est non. On se met des œillères en disant qu’il y a moins de personnel, car ce sont en réalité les chefs d’entreprise qui font les emplois. Quand on voit le nombre de créations d’entreprises en France, c’est dingue qu’il y en ait si peu dans les courses. Il n’est pas normal que ce métier soit si peu attirant. Posons-nous les bonnes questions. Le valorise-t-on assez, par exemple ? Aujourd’hui, la formation est séparée avec d’un côté le trot et de l’autre le galop. Pour le galop, ce sont 5 semaines de formation, 100 % en présentiel avec 14 candidats autorisés par session, sachant qu’il y a deux sessions par an. Mais nous allons rapidement faire évoluer tout cela. Dès le second semestre !

Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?

Nous avons souhaité refondre la formation d’entraîneur public de galop et de trot. Le but est de la moderniser en répondant aux enjeux de distances et de disponibilités, mais aussi de la compléter pour offrir une couverture totale du rôle de chef d’entreprise. Dans la formation que nous proposions jusque-là, ce qui m’a frappé, c’est qu’il n’y avait pas de volet managérial ni gestion de l’humain et qu’il n’existait pas de vrai module sur le positionnement de marque, la communication et le développement commercial. Cela va changer dès les prochaines sessions, où les autres évolutions concerneront la mise en place de modules sur la lutte antidopage et l’évaluation des intervenants. Nous allons aussi mieux harmoniser les formations pour offrir la même chance de réussite à tous et répondre aux attentes des organismes publics. Aujourd’hui, nous avons une formation au galop de 175 heures et une formation au trot de 70 heures. Comme nous traitons séparément les deux disciplines, nous ne pouvons proposer que deux sessions dans l’année aux galopeurs et aux trotteurs. Notre objectif est de passer de deux formations distinctes à une formation avec des modules de spécialisation car les codes des courses sont différents.

Comment allez-vous faire pour le galop ?

Il s’agit de garder le même nombre d’heures en supprimant certains modules, tout en en intégrant d’autres. Nous limiterons à trois semaines la durée en présentiel, car aujourd’hui abandonner cinq semaines son poste et son organisation de travail est extrêmement compliqué. Sur ces 175 heures, nous allons proposer trois temps successifs. La première partie sera du distanciel multimédia, où le stagiaire sera autonome. Des cours en ligne seront proposés avec un examen et un temps donné pour le passer. Il y aura l’équivalent d’une demi-journée de formation à réaliser. Le stagiaire s’organisera comme il l’entend mais, s’il ne fait pas cette formation avant la deadline, il sera exclu de la formation. Cela peut paraître sévère, mais être chef d’entreprise nécessite une certaine autonomie alors si le candidat ne parvient pas à s’organiser pour un examen… La deuxième phase de cette formation sera un distanciel en classe virtuelle : l’équivalent de neuf jours et demi de formation sera donné, échelonné sur sept semaines. Ces 19 sessions seront assurées l’après-midi et à distance, ce qui permettra aux stagiaires de travailler le matin chez leurs employeurs. Là encore, il faudra faire toutes les sessions pour passer à l’étape suivante. Le dernier bloc représente 15 sessions d’une journée, en présentiel cette fois.

Et pour ce qui est du contenu ?

Nous gardons un bloc de compta gestion, dont nous réduisons un peu le temps. Nous réduisons également beaucoup le temps sur l’hygiène et la santé du cheval car nous partons du principe que les futurs entraîneurs, qui travaillent depuis au minimum deux ans en écurie, maîtrisent déjà ces sujets. Nous réduisons également un peu le temps sur la réglementation professionnelle. Le bloc sur la gestion sociale reste quant à lui identique. Tout cela nous permet de développer deux vrais sujets : l’un sur la commercialisation, marketing et communication, qui durera 21 heures, et un autre sur les ressources humaines et le management, de 31 heures. À l’intérieur de chaque bloc, nous avons revu le contenu de ces formations avec des parties en distanciel et d’autres en présentiel. Sur la partie management, il s’agira de mieux se connaître en tant que manager, d’accompagner la pratique managériale. Je suis souvent frappé de l’absence de positionnement marketing entre les différentes écuries : si vous êtes un jeune entraîneur et que vous vous installez à Chantilly, qu’est-ce qui fait de vous un entraîneur différent d’un Christophe Ferland, d’un Christopher Head ou encore d’un Mikel Delzangles ? Un nouvel entraîneur doit savoir répondre à ce genre de question.

Cette évolution est-elle une première étape ?

Nous devons aller encore plus loin pour former nos chefs d’entreprise. En fin d’examen, je constate souvent que les motivations qui incitent les candidats à passer leur licence ne sont pas les bonnes. Je leur dis souvent : « Ce n’est pas parce que tu ne veux plus bosser pour ton patron que tu dois devenir ton propre patron ! » Certains ne mesurent pas les risques financiers qu’ils prennent en agissant ainsi. Là, concrètement, nous travaillons avec une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle, afin de créer des questionnaires pour le stage de préqualification. Ensuite, lors de l’entretien individuel, nous évaluerons leur motivation profonde. Nous allongerons enfin le cycle de formation pour donner davantage de clés pour être chef d’entreprise demain. Cela passera par des stages à l’étranger, des stages auprès d’un exploitant agricole d’un autre secteur.

L’avis des jeunes diplômés

Alors que la formation au métier d’entraîneur public va profondément évoluer ces prochains mois, nous avons demandé leur avis aux principaux intéressés : ceux qui ont suivi la dernière formation. Voici la réaction de certains d’entre eux.

Aurélie Vigreux : « La formation était de très bonne qualité. Les intervenants étaient super. Ils souhaitaient développer plus de cours en visio mais, au vu de la difficulté de certaines matières, je pense qu’être en présentiel est un avantage. »

Arnaud Leduc : « J’ai été entraîneur particulier donc j’ai déjà passé la licence d’entraîneur mais pas dans son intégralité. Tout ce qui concerne les fiches de paie et la gestion d’écurie ne me concernait pas à l’époque puisque j’étais salarié. Lors de ce dernier stage, j’ai suivi ces deux cours et ils étaient très intéressants. S’il y a un point à améliorer, ce serait certainement le cours de marketing. Aujourd’hui, il faut se servir des réseaux mais encore faut-il savoir s’en servir ! L’anglais est très important mais, lors de la formation, il y a certaines personnes qui n’ont jamais parlé cette langue… Ce serait aussi peut-être intéressant d’organiser un stage à Chantilly et un autre dans une autre région car, finalement, il y a peu d’élèves situés à Chantilly. »

Mathéo Viel : « J’ai intégré la formation en pensant que je n’allais pas apprendre énormément. J’imaginais que le contenu proposé serait assez banal. Finalement, j’ai beaucoup apprécié les différents cours. Cela a été très enrichissant, peut-être un peu court sur certains modules. On nous apportait énormément d’informations d’un seul coup, et nous n’avions pas forcément le temps de tout analyser. Cela m’a apporté beaucoup de choses, j’ai ouvert les yeux sur certains aspects du métier d’entraîneur, notamment sur le fait qu’il ne consiste pas uniquement à entraîner des chevaux. »

Nicolas Guilbert : « La formation en France est très bonne mais, selon moi, elle pourrait être mieux organisée. Les modules les plus importants se situaient au début de la formation. Par exemple, nous avons eu un cours sur les handicaps la première semaine. Tous les cours sur les fiches de paye et le projet d’installation étaient très intéressants. L’intervenante était géniale. Ils veulent supprimer l’anglais mais je trouve cela dommage. Nous avons appris pas mal de vocabulaire pouvant nous être utile. Et j’ai trouvé que toute la partie vétérinaire manquait. Par exemple, en Suisse, nous avons des cours avec des vétérinaires qui nous apprennent à faire passer un examen de boiterie, nous avons disséqué un cheval, et appris à mieux connaître le système musculaire, respiratoire et digestif ainsi que le squelette du cheval. »

Florent Gavilan : « La formation en elle-même est très bien et cela va vous sembler bête, mais nous n’avons eu aucun cours pour nous apprendre à utiliser le site de France Galop : engager les chevaux, entrer et sortir des chevaux à l’entraînement, intégrer des chevaux étrangers dans France Galop alors qu’ils ne sont pas répertoriés… »

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