samedi 27 avril 2024
AccueilÉlevageMeautry veut bâtir sur sa réussite de 2023

Meautry veut bâtir sur sa réussite de 2023

Dans les cuisines des éleveurs

Meautry veut bâtir sur sa réussite de 2023

L’année dernière, les élèves du haras de Meautry ont fait feu de tout bois, la cerise sur le gâteau étant les succès au meilleur niveau de Mqse de Sévigné. Nick Bell, le directeur du haras, nous a dévoilé une partie du plan de monte 2024…

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

L’élevage est ainsi fait que chaque entité connaît des hauts et des bas. Après plusieurs années calmes, la casaque Rothschild a vraiment brillé en 2023. Nick Bell analyse : « La saison dernière fut d’autant plus forte que nous n’avons pas eu qu’un seul bon cheval mais plusieurs sujets de talent. À partir du mois de juin, tout s’est déclenché. On pouvait espérer que Mqse de Sévigné remporte un Gr1. Mais en gagner deux et prendre la deuxième place des Sun Chariot Stakes (Gr1), c’était superbe. Et puis nous avons eu tous ces bons 2ans, dont Alcantor (K) (New Bay), le poulain français avec le meilleur rating de sa génération. La casaque a déjà vécu de belles saisons dans son histoire récente, en particulier avec les chevaux d’âge. Mais c’est vraiment la qualité des 2ans qui a fait la différence en 2023. Avant le mois d’août, nous avions déjà deux ou trois gagnants. Pour un haras avec 25 juments, c’est très positif. »

Les 2ans

« Il est difficile d’expliquer pourquoi nous avons eu plus de 2ans qu’auparavant. Les croisements n’ont pas foncièrement changé d’orientation, si ce n’est que nous avons utilisé des étalons d’une qualité supérieure aux générations précédentes. Mais nous ne sommes pas allés à des “cheap speed sires” dans le but de produire précoce. En 2023, l’écurie avait tout simplement plus de jeunes sujets capables d’appréhender les exigences de l’entraînement à cet âge, des jeunes chevaux sains physiquement. Et quand André Fabre leur a demandé l’effort à l’entraînement, la réponse fut positive. Ils sont aussi allés plus tôt chez leur entraîneur. Gagner un Gr1 a toujours été difficile en France. Mais quand je suis arrivé en France en 2004,  remporter un maiden était plus facile qu’aujourd’hui. Désormais, même sur un petit hippodrome, vous avez des chevaux très bien nés qui viennent chercher une victoire. Les allocations françaises attirent beaucoup de concurrents étrangers. On voit même des Anglais traverser la Manche pour courir des maidens. »

La patience, le luxe des éleveurs propriétaires

Mère de Mqse de Sévigné (Siyouni), Penne (Sèvres Rose) était assez bonne pour se placer deuxième des Prix de Thiberville et Occitanie (Ls). Au haras, elle a donné d’emblée Méandre (Slickly), gagnant de quatre Grs1 – Grand Prix de Paris, Grand Prix de Saint-Cloud, Grosser Preis von Berlin et Preis von Europa. Stationné dans les pays de l’Est, il est malheureusement quasi infertile. Dogma (Mount Nelson), son quatrième produit, s’est placée de Listed outre-Manche. Mais entre Dogma et Mqse de Sévigné, Penne avait donné quatre partants, dont trois clairement “pas bons”. Et la poulinière avait déjà 16ans quand elle a donné naissance à Mqse de Sévigné. Si elle était dans un élevage commercial, Penne aurait sans aucun doute été vendue rapidement après la réussite de Méandre. Ou son entourage aurait diminué la valeur des saillies (Siyouni était déjà à 75.000 € lors de la conception de Mqse de Sévigné) après sa série de produits décevants, dont une Frankel (Galileo) qui n’a pas été capable d’aller aux courses. Nick Bell réagit : « Un élevage commercial n’a d’autre choix que de vendre ses bonnes juments pour gagner de l’argent. La force d’un éleveur-propriétaire est d’avoir la capacité d’attendre qu’une poulinière donne un deuxième bon cheval de course. Cette famille a besoin de temps. Si vous leur offrez cette opportunité, ils vous le rendent vraiment en piste. Il va être intéressant de voir si Mqse de Sévigné aura encore progressé par rapport à l’année dernière. Pour un éleveur-propriétaire, je pense qu’il est plus attractif d’avoir des chevaux d’âge de qualité pour les grandes courses internationales qu’un 2ans de Royal Ascot qui disparaît ensuite. »

Deux gagnants de Gr1 sans inbreeding

Les croisements de Mqse de Sévigné et de son frère Méandre sont des cas d’école. Quasiment aucun inbreeding sur cinq générations et deux étalons (Siyouni et Slickly) physiquement très différents. Le seul point commun entre ces deux sires vient du fait que la mère de Siyouni (Pivotal) est une sœur de Slickly (Linamix). L’absence de consanguinité n’était pas forcément volontaire : « Nous aimons bien l’inbreeding… mais la question est de savoir sur quel ancêtre commun vous le pratiquez. Par exemple, dans le cas d’Armande (Sea the Stars), l’inbreeding sur Allegretta (Lombard) était intentionnel. Au final, de nos jours, il est très difficile de ne pas faire d’inbreedings, alors autant le faire sur des chevaux que vous appréciez. Il faut vraiment une jument avec un pedigree aussi original que celui de Penne pour se retrouver avec des produits ayant aussi peu ou pas de consanguinité. »

Siyouni et fils… pour Penne et ses filles !

En matière d’inbreeding, Dogma (Mount Nelson), fille de Penne, va à City Light (Siyouni). D’où un inbreeding sur l’étalon “maison” Kenmare (Kalamoun). Penne est une jument avec du physique et en 2024, elle part à la rencontre de St Mark’s Basilica (Siyouni) : « Cela fait plusieurs années que nous l’envoyons à Siyouni sans obtenir de produits. Et normalement, une jument de 21ans qui ne produit plus part à la retraite. Mais elle est magnifique. Et l’an dernier, elle était pleine de jumeaux. Malheureusement nous avons perdu les deux. Si elle n’avait pas pris l’année dernière, peut-être n’aurait-elle pas été saillie cette année. Nous avons donc choisi un jeune très fertile parmi les fils de Siyouni. En général, nous n’utilisons pas d’étalons à ce stade de leur carrière. Mais St Mark’s Basilica est un très beau cheval qui produit à son image. »

Too Darn Hot a un bel avenir

Palombe (Nathaniel) était bonne. Trois fois placée de Gr2, elle est issue d’une magnifique famille Ammerland (Grey Lilas, Golden Lilac…). Cerise sur le gâteau, on retrouve dans son pedigree maternel le sang de Kenmare (Kalamoun), un courant très cher au cœur de la famille Rothschild. Palombe a été croisée avec Wootton Bassett (Iffraaj), certainement dans l’idée de reproduire le croisement de Zellie (Wootton Bassett sur Nathaniel) : « C’est vraiment une souche de bonnes pouliches. Probablement l’un des plus beaux pedigrees du Gestüt Ammerland. Sa 2ans de l’an dernier, Mme Jourdain (Kodiac) était certainement bonne. Grande, elle n’était pas faite en 2ans. Le fait qu’elle soit néanmoins capable de gagner à cet âge est prometteur. Elle a une belle marge de progression. Palombe n’est pas une grosse jument, contrairement à sa fille par Wootton Bassett. En 2024, elle va à Too Darn Hot (Dubawi). Un étalon auquel nous croyons beaucoup, au point d’acheter un foal en décembre à Newmarket [le frère de Melo Melo pour 240.000 Gns, ndlr]. »

Père de Palombe, Nathaniel (Galileo) reçoit beaucoup de juments d’obstacle désormais et le marché est probablement assez injuste avec lui. Car au-delà des gagnants classiques qu’il a pu donner, sans être Frankel (Galileo), c’est aussi un étalon avec des statistiques très sérieuses : « Nous l’avons souvent utilisé, avec bonheur. Il est réellement sous-estimé. C’est certainement un cheval avec trop de tenue pour le marché anglais. »

L’inflation des tarifs des fils de Dubawi

On aime condamner un père de père en jugeant ses premiers fils au haras. Et Dubawi (Dubai Millennium) n’a pas brillé avec les premiers (comme Pivotal d’ailleurs). La réussite est arrivée ensuite, avec les suivants. Et elle s’est transformée en véritable raz-de-marée. En 2024, Too Darn Hot fait la monte à 65.000 £. C’est certainement mérité car il est très prometteur, mais c’est une somme importante quoi qu’on en dise. D’une manière générale, les fils de Dubawi voient leurs tarifs flamber. D’une part grâce à leur propre mérite. Et d’autre part car leur ascendance paternelle inspire (désormais) confiance : Night of Thunder est à 100.000 €, Zarak à 60.000 €… si bien que le tarif de New Bay, à 75.000 €, apparaît en comparaison tout à fait raisonnable. L’étalon de Ballylinch Stud va recevoir deux juments du haras de Meautry, lui qui a un très bon taux de black types par partant (12,5 %) et trois gagnants de Gr1 en Angleterre : « La réussite d’Alcantor, acheté en vente publique, renforce notre a priori positif sur l’étalon. Mais quand vous voyez le tarif d’un Too Darn Hot et de Blue Point, qui avaient leurs premiers 2ans l’an dernier, New Bay apparaît comme un bon rapport qualité prix. Nous lui confions Pensée Spirituelle (Invincible Spirit), une fille de Penne, et Victorine (Le Havre), lauréate de Listed. » Zarak, lui, va saillir Baba Yaga (Charm Spirit), une fille de Russian Hill (Indian Ridge). Ce croisement exploite ce qui s’annonce comme une des meilleures affinités (avec les descendantes de Montjeu) de l’étoile montante du haras de Bonneval (comme chez Purple Pay, La Parisienne, Lavello, Baiykara, Run Zarak Run…)

Galiway, Kendargent et Muhaarar

Au fil des ans, le haras de Meautry a toujours fait confiance aux étalons du haras de Colleville. Et en particulier à Galiway (Galileo) et Kendargent (Kendor) : « En France, l’offre n’est pas illimitée pour ce qui concerne les étalons en dessous de quelques chevaux les plus chers. Siyouni, Wootton Bassett et Le Havre ont fait partie de cette catégorie. Mais les deux premiers sont montés à l’étage supérieur et Le Havre est mort. Dès lors, Galiway et Kendargent sont une bonne option. Surtout pour de jeunes juments. Ils produisent de beaux foals. Et ils vous permettent de juger de la qualité de votre poulinière. Si elle ne donne pas un gagnant avec ces deux-là, le doute est possible la concernant. Toujours dans cette catégorie, en France, nous avons aussi désormais Muhaarar (Oasis Dream). Ses statistiques sont remarquables. Et il a eu un gagnant classique l’année dernière. »

En 2024, Galiway va saillir Ascagne (Siyouni), une petite-fille d’Alpine Snow (Verglas), et Mqse de Mascarille (No Nay Never), une fille de Russian Hill (Indian Ridge). Muhaarar, lui, va saillir Philaminte (Roaring Lion) : « Une pouliche qui avait certainement les capacités pour devenir black type. » Parmi les jeunes sires français, Persian King (Kingman) est prévu pour Ogidine (Le Havre).

Le cas Ésotérique

Triple lauréate de Gr1​​​​​​, ​Ésotérique (Danehill Dancer) est âgée de 14ans… et elle n’a eu qu’un seul partant. Son cas illustre bien les difficultés gynécologiques de l’élevage : « Après plusieurs produits par Kingman, elle va à Siyouni. Elle n’est pas facile à faire prendre, et dès lors, nous préférons la garder en France, en essayant de la faire saillir tous les ans. Surtout qu’elle pouline tard, au mois de mai. » L’étalon de Juddmonte, après avoir rencontré Ésotérique à plusieurs reprises, va saillir une autre jument de Meautry en 2024 avec Andalouserie (Poet’s Voice), déjà mère de la black type Avenue Niel (Helmet) : « Nous l’avions achetée aux Monceaux avant que son frère National Defence (Invincible Spirit) n’explose au grand jour. Après avoir donné un black type avec Helmet, elle a produit le bon Mr Fleurant (Invincible Spirit). En allant à Kingman, nous continuons dans la lignée Invincible Spirit… »

Armande, le grand espoir du haras

Lauréate du Prix Corrida (Gr2), Armande (Sea the Stars) a donné un gagnant de stakes avec son premier partant, Mr Molière (Kingman). Le suivant, Mlle Molière (Kingman) a gagné les Marettes (Maiden) et semble promise à un bel avenir. Leur mère aura droit à Wootton Bassett en 2024 : « Nous avons hésité avec Justify (Scat Daddy). Mais après discussion, ce sera finalement Wootton Bassett. Armande est peut-être la poulinière la plus prometteuse du haras. C’est la réussite de l’association avec la regrettée Lady O’Reilly. Mr Molière avait un testicule très haut dans le canal et nous avons dû le castrer. Psychologiquement, il a mis du temps à s’en remettre. Assurément, il a beaucoup de qualité. Physiquement, sa métamorphose au cours de l’hiver est spectaculaire. Il ressemble vraiment à un cheval de course. Il nous tarde de le revoir en course. Mlle Molière, lorsqu’elle s’est classée cinquième du Gr3, s’est révélée être malade. Il ne faut pas tenir compte de sa dernière sortie publique. Sa sœur de 2ans, par No Nay Never (Scat Daddy), est impressionnante. Les filles de Sea the Stars réussissent tellement bien au haras, même si Armande ne ressemble pas vraiment à son père. » Alpine Snow, la mère d’Armande, retourne à Ghaiyyath (Dubawi)  : « Nous voulions un étalon vraiment correct. »

Les croisements cités dans l’article

Jument Étalon 2024
Dogma City Light
Mqse de Sévigné Galiway
Ascagne Galiway
Alpine Snow Ghaiyyath
Andalouserie Kingman
Philaminte Muhaarar
Pensée Spirituelle  New Bay
Victorine New Bay
Ogidine  Persian King
Ésotérique Siyouni
Penne St Mark’s Basilica
Palombe  Too Darn Hot
Armande Wootton Baassett
Baba Yaga Zarak

VOUS AIMEREZ AUSSI

Les plus populaires