samedi 27 juillet 2024
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Un peu d’obstacle… et pas mal de Bretagne dans la Poule !

Un peu d’obstacle… et pas mal de Bretagne dans la Poule !

Chic Colombine n’a pas été gâtée par le tirage au sort des places à la corde. Mais la petite pouliche au grand cœur aura le soutien de toute la Bretagne et de la communauté de l’obstacle !

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

L’histoire commence en Irlande, chez Goffs, en février 2014. Paul Nataf signe le bon pour la 4ans Little Hippo, une fille d’Halling (un étalon qui a produit en plat et en obstacle), qui avait fait une carrière modeste en Italie. Après moult tentatives, Maurizio Guarnieri a finalement réussi à lui faire remporter une course pour amateurs. Little Hippo est la sœur de deux black types… un en plat et l’autre en obstacle ! La page est très belle sous la deuxième mère mais, en dehors de Paul Nataf, pas grand monde ne semble avoir été convaincu de son potentiel de poulinière et le marteau tombe à 5.000 €. Une fois en France, Little Hippo reproduit pour le compte d’Hugues Rousseau, un homme qui aime le trot bien sûr, mais également le plat et l’obstacle. Son premier partant, Milos (Planteur), court sept fois à 2ans, dont le Prix de Début. Et elle finit par gagner un réclamer sur 1.800m à Clairefontaine. Mathieu Pitart la récupère à 3ans et elle se classe troisième du Prix Finot (L) avant de gagner deux courses (plus modestes) sur les obstacles. La suite de l’histoire, c’est Vincent Le Roy qui la raconte : « Hugues Rousseau voulait faire du tri et sélectionner ses mères. J’ai donc repris le stock qu’il m’a proposé. Dans ce lot, il y avait Little Hippo. Je l’aimais beaucoup. Et François Mell, un bon éleveur breton, l’aimait beaucoup lui aussi. Il travaille avec Tangi Saliou [qui a ses juments en pension, ndlr], et l’étalon du haras de la Haie Neuve Seahenge (Scat Daddy) s’est imposé de lui-même pour le croisement. Le plat me paraît tellement inaccessible que, lorsque nous avons récupéré Little Hippo, je pensais bien sûr à l’obstacle. Surtout qu’elle avait déjà donné une placée du Finot. Chic Colombine a été élevée chez Tangi. Elle est passée aux ventes mais n’a pas trouvé preneur pour 6.000 € lorsqu’elle était foal, certainement à cause d’un aplomb pas parfait. Elle est donc partie yearling chez Osarus [où Marc-Antoine Berghgracht a signé le bon à 10.000 €, ndlr]. »

À cheval entre plat et obstacle

Chic Colombine sera le premier partant dans la Poule pour un cheval élevé chez le Breton Tangi Saliou, qui est connu outre-Manche grâce à Elixir de Nutz (Al Namix), lauréat de 10 courses et en particulier de deux Grs1 sur les obstacles. L’étalon du haras de la Haie Neuve Seahenge (Scat Daddy), père de Chic Colombine, est bien connu en plat et il a déjà donné un gagnant classique en Amérique du Sud, Romance Sea, qui a été acquise par Katsumi Yoshida. Mais Seahenge a aussi (déjà) donné sept lauréats sur les obstacles. Polyvalence quand tu nous tiens ! Si Chic Colombine lui permet de connaître les frissons du haut niveau en plat, Vincent Le Roy fait souvent parler de lui en tant que coéleveur de sauteurs, comme Inoui Machin (Honolulu), Jeroboam Machin (Joshua Tree), qui reste sur une victoire dans le Donohue Marquees Future Stars (C & G) I.N.H. Flat Race (Gr2), ou encore Joyeux Machin (Saddler Maker), placé de Listed sur le steeple de Wexford…

Au côté de François Mell et de Vincent Le Roy, un troisième Breton apparaît en tant que coéleveur de Chic Colombine. Il s’agit de Mathieu Gad (écurie Artsman), un homme d’une grande discrétion qui s’est tout de même récemment fait remarquer en tant que coéleveur de Lecœurdeshommes (Jeu St Eloi), lauréat du Prix Wild Monarch (L), ou encore de Sain d’Esprit (Cokoriko), gagnant du Prix Champaubert (Classe 1).

Un jeune entraîneur qui fait sensation

La réussite de Chic Colombine, c’est aussi celle d’un jeune entraîneur parmi les plus en vue en Angleterre, George Boughey. Sur les cinq dernières saisons, il compte 17 % de gagnants par partants. Ses « stats » imposent le respect, comme il l’explique : « Pour moi, l’essentiel c’est de trouver les bons chevaux et de les engager dans les bonnes courses. Je ne comprends pas l’intérêt de courir quand on n’a aucune espèce de chance. Je préfère engager au fin fond de la campagne plutôt que d’avoir un partant à Royal Ascot juste pour le prestige. Dès mon installation en tant qu’entraîneur, j’ai pris l’option de courir à l’étranger. J’essaye vraiment de choisir les bons chevaux pour venir en France, ceux qui vont s’adapter. Votre programme offre de très belles opportunités pour les pouliches et il se trouve que j’en ai acheté beaucoup aux ventes ! » Comme les acteurs précédemment cités, le parcours de George Boughey a navigué entre plat et obstacle. C’est un fils d’agriculteur anglais. Mais vu le prix de la terre outre-Manche, cela implique souvent une aisance financière bien supérieure à celle de nos cultivateurs français ! Et George Boughey a étudié dans le très chic Radley College, comme Nigel Twiston-Davies et Brough Scott, deux personnalités de l’obstacle. Les Boughey avaient quelques chevaux, dont Riverwise (Riverman), un cheval bien né mais avec une carrière sportive catastrophique.

L’entraîneur d’obstacle Richard Mitchell louait une partie des terres de la famille Boughey. Et, avec une saillie de leur (modeste) étalon, il a élevé Rooster Booster (Riverwise), lauréat du Champion Hurdle Challenge Trophy (Gr1). Et c’est là que le drame arrive car le jeune George contracte le virus du galop et il passe de plus en plus de temps à l’écurie. C’est en effet un petit drame (financier) quand on connaît le coût des études en Angleterre. Constatant qu’il n’était pas très doué à cheval, le jeune homme décide qu’il sera entraîneur. Après avoir abandonné ses études, il traîne ses guêtres chez différents courtiers et entraîneurs en Grande-Bretagne mais aussi en Australie. Installé depuis une poignée d’années seulement, le trentenaire a gagné son premier classique en 2022 avec Cachet (Aclaim), qui s’est imposée dans les 1.000 Guinées (Gr1) avant de terminer deuxième de la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1). Cachet et Chic Colombine portent la même casaque : « Toute ma jeunesse, j’ai vu de très bons chevaux faire carrière sous les célèbres couleurs du syndicat Highclere. Gagner un premier classique pour cette casaque, c’était déjà une grande fierté, un grand jour pour l’écurie. C’est vraiment formidable d’avoir un autre partant dans les classiques aussi rapidement pour eux. Je leur suis très reconnaissant de leur confiance. C’est important que ceux qui mettent de l’argent dans le système en soient récompensés. Et il faut aussi dire que c’est une excellente publicité pour mon écurie. Cela crédite le bon travail de l’équipe. » Pour le “fun” George Boughey a aussi entraîné quelques gagnants en obstacle et, quand on lui demande la course qu’il rêverait de remporter, il répond sans hésiter : l’Arc ou le Derby.

Il aime les breeze up

Comme Chic Colombine, Cachet n’était pas impressionnante physiquement, mais très dure. Et comme Chic Colombine, elle est passée par le circuit des breeze up. Depuis ses débuts dans la profession, George Boughey s’est toujours beaucoup appuyé sur ses bonnes relations avec certains consignors : « C’est John Bourke qui nous l’a envoyée. Nous avons un lien avec lui car il a élevé et vendu Cachet. C’est aussi lui qui a préparé et vendu Mystery Angel [deuxième des Oaks, ndlr]. Chic Colombine est donc arrivée chez nous sur sa recommandation après son achat, à l’amiable, alors qu’elle devait passer aux breeze up chez Osarus. Au départ, je pensais que nous allions parvenir à lui faire gagner une course ou deux. Mais à chaque sortie elle a progressé, tant physiquement que sportivement. Dimanche, vous allez découvrir une pouliche très différente de celle que vous avez pu voir au mois de mars à Saint-Cloud. Elle a beaucoup changé. »

Pas hyper-précoce, Chic Colombine a néanmoins débuté au mois de mai, elle n’a gagné que lors de sa troisième sortie, un maiden assez modeste sur la piste fibrée de Newcastle. Toujours sur 1.400m, elle a remporté au mois de septembre deux Nursery Handicap. Et son entourage a donc tenté le pari de la courir dans une auction race dotée de 100.000 £. Une course qu’elle a gagnée. En descendant de cheval, William Buick a déclaré que Chic Colombine avait un avenir dans les Groupes et, avec le recul, on s’aperçoit que les trois premières de cette auction race sont toutes black types. Son année de 2ans s’est terminée par une quatrième place dans les Oh So Sharp Stakes (Gr3) à Newmarket : « Le plus probable, c’est qu’elle n’a pas apprécié les ondulations de la piste de Newmarket. En outre, c’est une pouliche qui aime venir de l’arrière et c’est très difficile sur cet hippodrome. Elle s’est classée quatrième, ce qui n’a rien de déshonorant après une longue saison alors même qu’elle manquait encore de force. »

En pensant au Diane

Pour sa rentrée, Chic Colombine a gagné le Prix La Camargo (L) de six longueurs sur une piste exceptionnellement lourde. Or le terrain sera nettement moins souple ce week-end : « Je ne suis pas inquiet vis-à-vis du terrain. Mais c’est bien évidemment une pouliche qui a jusqu’alors fait carrière dans des terrains pénibles. Mais, à Newmarket, elle a bien travaillé en bon terrain. Aussi bien visuellement qu’au niveau des données que nous avons collectées, ces travaux dans ces conditions étaient convaincants. Nous avons donc une certaine confiance et ce d’autant plus qu’elle est très bien. Je pense qu’elle tiendra 2.000m, conformément à ce que son pedigree indique. À cet instant, je commence même à regretter qu’elle ne soit pas engagée dans le Prix de Diane. Surtout qu’elle est éligible aux primes françaises. Je pense qu’on devrait la voir sur 2.000m cet été par exemple. »

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