ALMARA, LA FORME « GRATTE PANCHE »
a fait impression en remportant le Prix de Psyché (Gr3), dimanche à Deauville. Après et , c’est le troisième black type en 2024 du haras de la Gratte Panche de Philippe Jeanneret.
Par Adrien Cugnasse
L’histoire de Philippe Jeanneret – l’éleveur – est assez originale. Il a commencé par acheter une première jument pleine à Deauville, Good Thinking (Highest Honor), qu’il a confiée au haras de la Castalie. Quelques années plus tard, après avoir vendu ses parts dans une importante société de conseil, Philippe Jeanneret a finalement racheté le haras où sa jument était en pension. Réaménagé et rebaptisé haras de la Gratte Panche -– du nom du lieudit –, il accueille depuis 25 ans les poulinières de Philippe Jeanneret, de ses associés et de ses amis : « Au fil des années, j’ai eu quelques succès avec mes achats à Deauville. Comme avec Sea Ring (Bering) qui s’est révélée être la mère de Torrestrella (Orpen), une gagnante classique élevée par son précédent propriétaire. »
Le premier vrai bon
Jukebox Jury (Montjeu) a été élevé au haras de la Gratte Panche pour Paul Nataf. À 2ans, il a gagné les Royal Lodge Stakes (Gr2) et s’est classé deuxième du Racing Post Trophy (Gr1). Le cheval a remporté six autres Groupes dont le Preis von Europa et le St Leger (Grs1). La mère, Mare aux Fées (Kenmare), avait gagné en débutant le Prix du Louvre avant d’aller très rapidement (trop rapidement ?) vers les épreuves black types (sans succès). Mais lors de ses premiers pas, elle dominait des pouliches ayant déjà couru et qui ont pour beaucoup tracé au haras, comme Muleta (mère d’un gagnant du Grand National), Rotina (la grande poulinière du haras de Montaigu), Lirica (aïeule de la célèbre mère de sauteurs Matnie)… Au final, Mare aux Fées a donné naissance à cinq chevaux black types et c’est aussi la deuxième mère de plusieurs éléments de valeur au Japon dont Admire Lead (Stay Gold), gagnant du Tokyo Victoria Mile (Gr1). Philippe Jeanneret se souvient bien de Jukebox Jury : « Un foal impressionnant, pas facile, très Montjeu. »
Bonne(s) pioche(s)
Mare aux Fées comme Sea Ring avaient des performances significatives avant d’entrer au haras, et d’une manière générale, Philippe Jeanneret a tendance à privilégier les juments qui ont gagné, quitte à ce qu’elles soient «exposées» mais sans être trop vieilles. C’est le cas de la gagnante black type Miss Marcela (Bodemeister), acquise en décembre pleine de Camelot (Montjeu). Semire (Mizoram), lauréate du Prix des Jouvenceaux (L), avait déjà donné sept produits et un black type avant d’arriver chez Philippe Jeanneret. Pour son nouvel entourage, elle produira Caravagio (American Post), lauréat du Prix Max Sicard (L). Notre éleveur a néanmoins fait preuve de souplesse pour l’inédite Delinda (Sea the Stars), déjà à l’origine d’un quatrième de Listed lors de son achat. La suite lui a donné raison car elle est la mère d’un gagnant de Groupe en obstacle et deux lauréats black types en plat, Iznik (Zarak) et L’Équilibriste (Dream Ahead), qui a couru le Diane. Avec le recul, Philippe Jeanneret analyse : « Pendant longtemps, j’ai acheté des juments pas très chères. Delinda a coûté 12.000 € pleine de Zarak. J’essaye de faire en sorte qu’elles soient pleines d’un bon étalon. Lorsque j’étais administrateur de France Galop, j’avais engagé la réforme en faveur de la surprime pour les chevaux issus de saillies effectuées en France – avant cela, et moi le premier, tout le monde partait à la saillie à l’étranger. Quand nous avons voté la réforme, nous avons été accusés de protectionnisme, alors que l’on constate que depuis, l’offre française a grandement progressé. Et personnellement, je reste désormais en France pour faire saillir. Quatre des juments du haras ont par exemple été saillies par Sealiway (Galiway) l’année dernière et les foals sont réussis. »
La stratégie de la tenue
« Sur les 70 hectares du haras, il y a neuf juments, toutes suitées, et quelques yearlings qui vont passer en vente au mois d’octobre. Parmi ces pensionnaires, il faut citer la mère d’Almara, pour Zied Ben M’rad, un ami avec qui je travaille depuis très longtemps. La jument, elle-même black type, lui a donné deux gagnants de Groupe, avec Ilanga (Penny’s Picnic), lauréate du Prix Texanita (Gr3), et Almara. Parce qu’elle s’est blessée au moment de passer en vente, Almara a été conservée par Zied Ben M’rad et mise à l’entraînement. Croisons les doigts pour qu’elle poursuive sa progression jusqu’aux Grs1… car elle a très bien gagné dimanche à Deauville. » En tant que co-éleveur et copropriétaire, Philippe Jeanneret a eu le plaisir de voir la 3ans Fedyane (Almanzor) remporter une Classe 2 sur 2.400m, le 19 juillet, à Mont-de-Marsan. « J’ai l’espoir qu’elle aille sur une Listed au mois de septembre. J’essaye de choisir des juments dotées d’une certaine tenue avec l’ambition de sortir des 3ans. Je préfère que les produits commencent tard mais durent dans le temps. S’ils peuvent débuter au second semestre [de leur année de 2ans, ndlr], cela me convient parfaitement. » Les chevaux élevés au haras de la Gratte Panche passent en vente. Ceux qui ne trouvent pas preneurs vont à l’entraînement : « Michel Dardenne a découvert les courses avec moi ces cinq dernières années et nous sommes souvent associés. Nous essayons de ne pas vendre à perte, mais le marché intermédiaire est bien sûr difficile. » Comme son associé, Philippe Jeanneret n’est pas issu du sérail : « Je montais à cheval dans ma jeunesse. Et j’ai eu un coup de foudre pour la Normandie et ce milieu [des courses et de l’élevage, ndlr].»