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mardi 17 juin 2025
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François Nicolle, du cœur à l’ouvrage

François Nicolle, du cœur à l’ouvrage

J’adore la fonctionnalité « souvenirs » de l’iPhone. Dimanche matin, elle est remontée jusqu’en 2012 pour une photo de qualité médiocre, prise à contre-jour un matin sur les pistes de François Nicolle. L’alezan s’appelle Quart Monde. Quelques jours plus tard, il allait devenir le premier partant de l’entraîneur dans le Grand Steeple-Chase de Paris. Un partant dans le Grand Steeple ! Je me souviens encore de l’effervescence à l’Îlot, cette oasis dans la forêt de la Coubre que la famille Nicolle occupe depuis plusieurs générations. Il n’était pas question de gagner face à Mid Dancer, Shannon Rock ou Rubi Ball. Juste de courir. Déjà énorme !

Quart Monde restait alors sur un succès dans le Président de la République. Après cette victoire mémorable, j’avais profité de la voiture des Nicolle pour rentrer à la maison. À Tours, soit à mi-parcours, nous avions pris le temps de sortir de l’autoroute pour dîner rapidement dans un steak house. « Tu pourras écrire que le Président 2012 sait rester simple ! » Un mois plus tard, Quart Monde éjectait Gaëtan Olivier sur le rail ditch. Premier épisode d’une série qui allait durer jusqu’à ce dimanche 18 mai. Le chemin parcouru est immense. Dans le journal, les angles des papiers sur l’entraîneur avant chaque troisième dimanche de mai n’ont plus rien à voir. Il y a 13 ans, on saluait sa première participation au Grand Steeple. Il y a cinq jours, on titrait : « Nicolle : à quand son premier ? »

Adeline Gombaud

ag@jourdegalop.com

À bout de souffle

Peut-être en souvenir de ce dîner tourangeau, la première question que j’ai posée à François Nicolle ce lundi en fin de matinée, alors qu’il faisait route vers Royan, c’est la façon dont il a fêté cette victoire. « Nous avons dîné au Murat avec les époux MacLennan. Une soirée calme. Après ces journées où la pression est énorme, c’est ce dont j’avais besoin. Et puis j’ai passé l’âge des grosses bringues ! » Volontiers grande gueule, François Nicolle n’a eu que peu de mots après la victoire de Diamond Carl. « Je n’ai pas explosé. Je sentais les larmes proches. Trop proches pour parler ! Sur le podium, face à ces tribunes combles, au son de la Marseillaise, j’ai mordu mes lèvres pour les retenir… Cette cérémonie, c’est extrêmement émouvant. »

Une émotion d’autant plus intense que cette victoire, il l’a attendue. Tant d’années qu’il n’y croyait presque plus. Il y a eu des chutes sur des haies anodines – comme avec Bipolaire –, une édition décalée en raison de la Covid alors que Figuero dominait… « Tant que l’on ne l’a pas vécu, c’est difficile à imaginer. Je me souviens de larmes de Jean-Claude (Rouget) après l’un de ses Jockey Clubs. Ce n’est pas du cinéma. Pour gagner ce genre de courses, il faut tellement de travail, d’abnégation, et de la chance aussi… La pression est énorme. Le cheval qui se fait une atteinte en embarquant, le jockey qui hésite un quart de seconde et fait le mauvais choix… Il y a tant de paramètres qui entrent en ligne de compte et sur lesquels on n’a pas forcément la main. Je commençais à ressentir à la fois de la frustration de ne jamais l’avoir gagné, et une sorte de résignation. On se souviendrait de moi comme de celui qui n’était pas parvenu à remporter le Grand Steeple. »

Objectif plaisir

Comme à son habitude, François est resté dans le rond pour suivre la course. Avec la tête des mauvais jours. La première victoire du week-end se faisait attendre. « Les chevaux ne couraient pas mal, mais sans gagner. Je commençais à me dire que parti comme c’était parti, on allait encore s’asseoir sur la belle ! » Les yeux sont d’abord braqués sur Goliath du Rheu. « Il était magnifique, il sautait remarquablement. Il était devant, donc forcément mon regard s’est porté sur lui. Au bout du dernier passage en face, j’ai eu un moment d’absence. Quand j’ai repris mes esprits, Goliath avait disparu… et Diamond Carl était là, tout près. À la double barrière, j’ai su qu’il allait gagner. Il est capable de mettre ce coup de rein que Kolokico n’a peut-être pas… Diamond Carl a toujours été très bon. On avait prévu de courir l’Ingré puis d’aller sur la belle. Le cheval est arrivé un peu tard à l’écurie, et il a fallu rattraper le temps perdu. Après les séances de saut, il avait tendance à se raidir. Et après l’Ingré, Bertrand Lestrade m’a dit qu’il ne s’était jamais allongé, qu’il était en difficulté quand il devait faire la petite… Après la course, Benoît Gabeur m’a proposé de l’amener à la clinique un jour où Marc Baudoux, vétérinaire qui s’est spécialisé en ostéopathie, était présent. Après examen, il a été décidé que la manipulation du docteur Baudoux suffirait à l’aider dans son conflit épineux au niveau du garrot. »

Soignée, la frustration. Oubliée, la résignation. François Nicolle est aujourd’hui un homme apaisé, libéré d’un poids. Et ça change (presque) tout. « J’ai eu jusqu’à 170 chevaux à l’entraînement, mais ça ne plaisait pas à tout le monde ! Alors j’ai réduit. Cent chevaux, c’est bien. On peut travailler sereinement. Rester le capitaine à bord. Prendre un peu de bon temps aussi. C’est simple : je veux travailler avec des gens que j’apprécie et prendre du plaisir. Je veux me réveiller heureux d’aller à la piste pour voir mes chevaux. 2023 a été une année compliquée avec le virus. En 2024, les répercussions étaient encore là. En 2025 et les suivantes, je veux profiter ! Maintenant que j’en ai gagné un, j’en veux d’autres ! » Toutes ces décennies de travail pour ces quelques minutes hors du temps. Un travail de Sisyphe version butte Mortemart… Le plaisir en plus !

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