Barry Mahon : « C’est ouvert, mais c’est une belle édition ! »
La dernière Juddmonte à figurer sur le podium du Diane n’est autre que Nebraska Tornado (Storm Cat), lauréate en 2003 sous l’entraînement d’André Fabre. Pour mettre fin à cette longue période de disette, Better Together (Oasis Dream) a de sérieux atouts. Dans le top 4 au betting, elle a hérité du 9 à la corde. Soit une position enviable comme en témoignent les performances de La Cressonnière (gagnante en 2016), Homérique (3e en 2018), Beauty Parlour (2e en 2012)…
Par Adrien Cugnasse
Barry Mahon directeur des haras irlandais et racing manager pour l’Europe de Juddmonte nous a confié : « Je pense que la course est ouverte, mais c’est une très belle édition. La pouliche de la princesse Zahra Aga Khan Mandanaba (Ghaiyyath) est évidemment une concurrente de haut niveau. Shes Perfect (Sioux Nation) est aussi bonne qu’une gagnante classique, pourrait-on dire. Ce sont deux références très solides, et évidemment, Bedtime Story (Frankel) est une 3ans de grande classe. Mais notre propre pouliche l’est également. Donc, je pense que c’est une très belle édition, mais qui reste assez ouverte, dans le sens où il y a cinq ou six pouliches de qualité au départ Le 9 à la corde, c’est bien. Les statistiques montrent que c’est avec ce type de numéro qu’il est préférable de prendre le départ. Il y a quelques pouliches en vue un peu plus à l’extérieur. Nous sommes satisfaits de ce tirage. »
Cette fois avec Colin Keane
La pouliche sera montée par le tout nouveau jockey de Juddmonte – Colin Keane – qui est en bonne forme actuellement avec six victoires en quarante montes lors des deux dernières semaines. Vendredi soir, il a ainsi remporté les Munster Oaks (Gr3) avec Magical Hope (Frankel). Barry Mahon explique : « Colin Keane a monté pour nous trois gagnants classiques en Irlande. Il a gagné deux Guinées irlandaises et un Derby irlandais pour nous, ainsi que de nombreux autres Grs1. Mais c’est une première pour lui sur Better Together, ce qui n’est jamais simple. Mais bon il n’avait jamais monté Field Of Gold (Kingman) avant de gagner les Guinées irlandaises il y a quelques semaines non plus. Donc au final, Colin est un jockey de tout premier plan, et si la pouliche est assez bonne le jour J, il sera capable de la mener jusqu’au poteau. »
Une question de tenue
Better Together cinquième de la Poule n’a jamais couru au-delà du mile. Mais historiquement, découvrir les 2.100m dans le Diane directement n’a pas été un handicap pour les pouliches ayant suffisamment de tenue dans leur papier. Son père Oasis Dream (Green Desert) est un vecteur de vitesse, mais croisé de manière adéquate, il est capable de sortir des sujets de distances intermédiaires, comme Sandbar (3e du Diane 2010). La mère de Better Together tenait 2.400m. Sa propre sœur Sand Share (Oasis Dream) tenait 2.100m. Et il y a beaucoup de tenue à partir de la deuxième mère (Zambezi Sun, Kalabar…) Si Better Together parvient à gagner dimanche sur 2.100m, elle aura un profil assez un peu commun car elle a aussi gagné sur 1.200 et 1.400m. Barry Mahon précise : « Vous savez, elle pourrait s’affirmer comme une pouliche vraiment spéciale. C’est une très belle pouliche avec un tempérament exceptionnel. Nous avons vu dans ses courses sur 1.200 et 1.400m qu’elle réclamait plus de distance. Évidemment, sa performance dans la Poule a représenté un nouveau cap par rapport à ce qu’elle avait montré jusque-là. Mais je pense vraiment que nous avons tous senti que sa distance optimale serait 2.000m. Nous avons hâte de la voir sur cette distance dimanche. »
Oasis Dream… l’inoxydable !
Peu d’étalons ont autant influencé le stud-book que Green Desert (Danzig), le grand-père de Better Together. Mais aussi influent soit-il, ses dernières générations avaient été très inférieures à l’ensemble de sa carrière au haras. Aussi, on le cite souvent en exemple pour décrire la baisse de performance des étalons qui prennent de l’âge. À l’inverse, Oasis Dream – à l’âge de 25ans – est encore vraiment dans le coup. Parmi ses 3ans 2025, trois ont été jugés dignes de courir les classiques : Better Together, Aomori City (3e des Craven Stakes, Gr3), et Ghoufrann (2e du Prix Imprudence, Gr3). Sans oublier Saqqara Sands (2e des Surrey Stakes, L) qui semble avoir un bon avenir sur 1.400m. Désormais proposé à seulement 15.000 £, Oasis Dream fait partie des 15 meilleurs pères de 3ans européens selon le taux de black types par partants… Barry Mahon réagit : « Oasis Dream est phénoménal. Il est aussi enthousiaste qu’il y a dix ans. Sa fertilité est encore incroyable. Il sort de bons chevaux tous les ans, ce qui est un immense résultat pour un étalon âgé. »
Il va falloir pousser les murs de la cour d’étalons
La semaine prochaine, les éleveurs français seront devant leur télévision pour Royal Ascot. Et ils y verront certains des futurs étalons de Juddmonte comme Lead Artist (Dubawi), troisième favori des Queen Anne Stakes (Gr1), Field Of Gold (Kingman), favori des St James’s Palace Stakes (Gr1), ou encore Jonquil (Lope de Vega), troisième favori de la Commonwealth Cup (Gr1). À ce rythme, il va falloir que Juddmonte pousse les murs de sa cour d’étalons ! : « Nous avons des générations de 3ans et de 4ans très prometteuses, et comme vous en avez mentionné quelques-uns, il faut aussi citer Cosmic Year (Kingman), Detain (Wootton Bassett)… Donc nous sommes très chanceux, et je suis sûr que la famille [de feu le prince Abdullah, ndlr] décidera que certains chevaux resteront à l’entraînement l’année prochaine. Espérons que d’autres partiront au haras cette année grâce à leurs performances. »
Juddmonte, une adaptation permanente
Au fil des ans, Juddmonte a fait évoluer sa stratégie. On voit désormais que l’entité achète régulièrement aux ventes – et avec succès – pour compléter l’élevage maison. Au sujet de l’évolution de la stratégie de Juddmonte, Simon Mockridge (General Manager pour la Grande-Bretagne) a accordé une interview fascinante à On the Coalface. En voici un extrait : « Par rapport à il y a quelques années, nous avons considérablement réduit notre activité. Si l’on remonte à 2005, il y a vingt ans donc, nous comptions environ 322 poulinières entre les États-Unis et l’Europe. Plus précisément, 207 étaient basées en Europe et 115 en Amérique. Avant cela, il faut dire qu’il y avait davantage de juments aux États-Unis, car c’est là que se trouvait la plupart des bons étalons. Ce qui faisait vraiment la force du prince, c’était sa capacité à anticiper. À l’époque, des Nijinsky (Northern Dancer), Northern Dancer (Nearctic), Nureyev (Northern Dancer), Mr. Prospector (Raise a Native), Blushing Groom (Red God) et consorts… pour utiliser ces étalons-là, il fallait être porteur de part, car les saillies n’étaient tout simplement pas disponibles sans cela. Alors il a acheté autant de parts qu’il le pouvait, et beaucoup de juments étaient stationnées en Amérique. Puis les choses ont progressivement évolué. Nous avons la chance, au Royaume-Uni, d’avoir eu des personnalités comme le prince Khalid ou le cheikh Mohammed. Ce sont eux qui ont ramené les étalons en Angleterre et modifié la dynamique. Et bien sûr, il faut aussi citer Coolmore en Irlande. Tous ont contribué à transformer en profondeur les courses européennes. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que désormais l’Europe et l’Amérique sont deux entités très distinctes chez Juddmonte. Garrett s’occupe de l’Amérique. Les chevaux américains [de naissance, ndlr] restent là-bas pour l’entraînement. Alors qu’auparavant, certains venaient en Europe. Nous avons entre 80 à 90 yearlings européens qui vont à l’entraînement tous les ans désormais. Juddmonte est devenu bien plus commercial avec le temps, c’est une évolution logique. Aujourd’hui, nous devons répondre à des impératifs budgétaires chaque année. Cela signifie vendre les chevaux au bon moment. Nous avons donc beaucoup moins de chevaux d’âge à l’entraînement. »