jeudi 16 mai 2024
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Soutenons l’Arc !

Soutenons l’Arc !

En passant le nombre maximal de partants dans l’Arc à 24, France Galop souhaitait notamment susciter plus d’engagements (et surtout éviter les éliminations médiatiques). Sur ce plan précis, l’augmentation du nombre de partants possibles n’a pas eu d’effet, puisque le nombre d’engagés est en baisse, à 74. Ce chiffre très bas nous a amenés à nous poser la question suivante : comment attirer plus de chevaux ? Il faut mettre en place des bonus et un circuit de courses qualificatives !

Anne-Louise Echevin

ale@jourdegalop.com

Le graphique montre bien que l’Arc, côté engagés, est dans une tendance baissière depuis 2002 et particulièrement depuis 2018, malgré un petit sursaut au-dessus de la barre des 100 en 2021 – année post-covid, 2020 étant évidemment à mettre de côté. L’engagement dans l’Arc coûte, en 2023, 8.300 € versés à la poule des propriétaires. Il faut donc souligner qu’une baisse d’engagés a, pour commencer, un impact financier non négligeable dans le financement de l’allocation.

Vous nous direz qu’il n’y a pas de raison de paniquer car un faible nombre d’engagés n’est pas synonyme d’Arc creux. Nous avons eu l’exemple l’an passé : seulement 86 inscrits mais 20 au départ avec des éliminations ou supplémentations avortées qui ont fait couler de l’encre, notamment celle de Verry Elleegant, venue depuis l’Australie en France avec l’Arc dans le viseur. Sans oublier celle de La Parisienne. Parmi les meilleurs chevaux sur la distance, il ne manquait pas forcément grand monde dans l’Arc l’an passé, si l’on enlève le cas particulier de Baaeed, du Derby winner Desert Crown sur la touche, tout comme Pyledriver, le lauréat des King George. Pas de panique donc ! La baisse (globale) des engagés doit cependant poser la question d’une éventuelle crise des vocations et ses raisons, d’autant plus qu’il y a un élément particulièrement interpellant cette année. Et il nous vient du Japon.

De la frilosité ?

Le Japon n’a engagé que trois chevaux dans l’Arc 2023 et ce ne sont pas les meilleurs. L’absence la plus marquante est celle d’Equinox, actuellement le meilleur cheval du monde et, en 2022, meilleur 3ans du monde sur le gazon. Cette absence est une petite claque, et surtout, le sentiment ressenti en lisant la presse japonaise est que l’Arc n’a jamais été franchement envisagé pour lui. Un observateur – japonais ! – nous a dit à Longchamp son étonnement de ne pas le voir dans la liste car si vous ne courez pas un tel cheval dans l’Arc, comment pouvez-vous espérer le gagner ?

Frilosité ou changement de stratégie des professionnels japonais, à la recherche d’éléments pouvant se révéler sur des pistes plus souples qu’au Japon ? Il y a probablement un mélange des deux. Il faut être réaliste ! Les propriétaires japonais ont de l’argent mais venir tenter sa chance dans l’Arc est un pari, lié notamment à une météo impossible à prévoir. Cela fait mal au portefeuille d’effectuer pareil déplacement pour potentiellement se trouver face à un terrain lourd totalement inconnu des chevaux et voir la fin de saison hypothéquée suite au long voyage et à la débauche d’efforts consentie. Sur ce point, les expériences des années récentes ont pu refroidir les Japonais… Surtout lorsque d’autres vous font les yeux doux avec des arguments à faire valoir.

Les trois chevaux japonais engagés ont probablement de la marge mais ils ont surtout beaucoup de choses à prouver pour valider leur déplacement à Longchamp. Leur présence est donc incertaine. Un Prix de l’Arc de Triomphe sans japonais n’est plus vraiment un Arc. Leur venue est capitale pour la dimension internationale de la course – au-delà de l’Europe –, pour sa médiatisation et son aura, tout simplement. Il y a une raison pour laquelle nombre de pays, y compris européens, mettent en place des moyens importants pour les convaincre de venir courir leurs plus belles courses.

The Arc is the Arc, mais…

L’Arc est une grande course internationale, la plus grande de toutes. Mais, pour qu’elle le reste dans un environnement extrêmement concurrentiel, peut-être est-il temps de faire comme d’autres juridictions hippiques et de la soutenir encore davantage. Voici quelques pistes…

– Mettre en place des bonus pour les lauréats de quelques courses sélectionnées : c’est l’une des tactiques mise en place par la JRA pour la Japan Cup. En plus des 8 millions de dollars d’allocations, il y a un bonus de 3 millions à décrocher au gagnant, plus des bonus aux placés – et 200.000 $ garantis de bonus pour la quatrième place et au-delà.

– Garantir une place au départ et inviter les gagnants de certaines grandes courses internationales – voire françaises : C’est le système Win and You’re In de la Breeders’ Cup, dont on connaît l’efficacité. Ce système peut poser un cas épineux dans l’Arc, mais ne manquant pas d’intérêt : celui des hongres. Faut-il autoriser un “super hongre” à courir s’il se qualifie ? Le Win and You’re In permet par ailleurs de créer une belle narration et pourrait, pourquoi pas, encourager Américains ou Australiens à effectuer le déplacement ? Qui sait, leurs entourages pourraient être tentés d’investir en France ensuite.

– Participer aux frais de déplacement de concurrents ayant un certain rating ? Dubaï, Hongkong, les grands meetings anglais ou encore les Irlandais – pour les Irish Champion Stakes – le font. Il en a d’ailleurs beaucoup été question lors d’un déjeuner organisé par l’Irish Thoroughbred Marketing (ITM) avec les entourages japonais le vendredi précédant la Dubai World Cup. Sur ce point, on ne peut que souligner la politique ultra-offensive de l’ITM à l’international pour faire la promotion de ses courses, ventes, et attirer des investisseurs du monde entier.

Au final, quel est le but de l’Arc : avoir un maximum de partants ? Ou rassembler le maximum des meilleurs chevaux du monde ? Et c’est là où les trois engagés japonais dans l’Arc 2023 doivent nous interpeller.

De trois engagés en France à un nombre record à Dubaï

On ne peut pas parler de frilosité des propriétaires et entraîneurs japonais par rapport aux grands voyages ! En 2023, ils ont emmené un nombre record de chevaux lors du meeting de la Dubai World Cup (vingt-sept). Dans un autre sport (le dirt), le Japon avait trois partants dans le Kentucky Derby 2023 (sur quatre prétendants, par le jeu du système de points qualificatifs et un non-partant). Quatorze chevaux japonais ont couru à Hongkong en décembre l’an passé. Et il sera intéressant de voir combien d’entre eux feront le déplacement à Santa Anita en novembre prochain pour le meeting de la Breeders’ Cup. Avec Equinox annoncé vers les belles courses japonaises de l’automne, allons-nous voir un exode vers les États-Unis ?

Quel est le point commun entre tous ces meetings ? Ils ont mis en place des “encouragements”. Que propose l’Arc de son côté ? Une allocation certes très élevée (plus qu’une Breeders’ Cup Turf mais moins qu’une Japan Cup), une course qui fait rêver, mais aucune aide pour espérer faire de ce rêve une réalité.

La concurrence est rude… et ne va pas s’arrêter

Oui, l’Arc a un nom et une aura qui parlent et dépassent nos frontières. C’est vrai, il n’a pas vraiment eu besoin, jusque-là, de système de bonus et autres invitations, et peut-être pourrait-il encore s’en passer. Mais le monde change vite et, face à lui, se dressent désormais des courses prestigieuses dans un automne international chargé, avec des juridictions hippiques offensives. Sans parler de l’élément que l’on ne contrôle pas : la météo. Dans un monde hippique où – à tort ou à raison – les pistes rapides semblent devenir une sorte de norme, l’incertitude sur la nature du terrain peut être un problème là où d’autres pays peuvent (presque) garantir une piste bonne à rapide – sauf cas de Breeders’ Cup du côté de Keeneland ou Churchill Downs. La question du terrain dans l’Arc est de plus en plus présente dans les discussions et nul doute que c’est probablement un argument pour convaincre de courir ailleurs, même si ce n’est pas très fair-play. Quatre années consécutives de “lourd” ne font pas une tendance sur un siècle de courses.

Des courses qui ont lieu beaucoup plus tôt dans l’année peuvent être considérées comme concurrentes. Déjà parce qu’être performant en mars à Dubaï et début octobre à Longchamp n’est pas chose simple et implique de faire des choix à d’autres moments de l’année. Et il convient que le choix prioritaire soit et reste Longchamp : l’Arc ne doit pas être un “bonus”. Nous revenons ici à Equinox ou, avant lui, à une Almond Eye ou autre Gentildonna. Il fallait cocher la case “victoire à l’étranger”. Les entourages japonais ont fait le choix de Dubaï : parce que probablement plus de certitude sur le terrain, un voyage plus simple et aussi, probablement, parce que le Dubai Racing Club a mis en place des encouragements financiers pour les faire venir. Il sera intéressant de voir si Equinox reste à l’entraînement à 5ans – ce qui n’est pas garanti – et si l’Arc entre alors dans la danse à ce moment-là. Mais vous pouvez compter sur Dubaï ou sur la Breeders’ Cup pour entrer dans la bataille afin de le faire venir chez eux. Que ferons-nous alors ?

Nous pouvons également nous inspirer d’autres grandes courses internationales et mettre en place des “encouragements à courir”. C’est vrai, cela a un coût et demande de débloquer des fonds pour une course qui est déjà superbement dotée, dans une période de crise économique. Mais nous ne pouvons pas prendre le risque que LA vitrine des courses de plat française perde de son aura… et que les courses françaises, par ricochet, perdent de la visibilité, ce qui impacterait fort potentiellement toutes les catégories. C’est ce que l’on appelle, en langage politique, le rayonnement de la France. Et c’est un sujet essentiel.

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