lundi 20 mai 2024

Reynier

Jour de Galop. – Quel regard jetez-vous sur la saison 2023 de l’écurie ?

Jérôme Reynier. – L’écurie est arrivée à un certain niveau et à une certaine constance. Nous sommes à 20 % de victoires par partants et 50 % à la place. C’est plutôt bien, le tout en générant beaucoup de partants avec des profils variés, puisqu’il y a aussi à l’écurie des origines et des chevaux plus modestes. Il est aussi important de satisfaire les propriétaires de ces éléments-là, qui nous font confiance, et de leur apporter du plaisir. Il faut gérer les deux écuries du mieux possible et tout le mérite en revient à mon personnel et à leur travail. Je suis le chef d’orchestre et, sans musicien, je ne pourrais pas faire grand-chose !

De façon générale, avec le programme rénové, il y a moins de marge. Il n’est plus possible d’optimiser comme à la bonne époque des courses classifiées avec lettres. Pour cette raison, il est compliqué de débuter un cheval à 100 % et nous préférons les amener au fur et à mesure des courses. C’est ce que nous avons fait avec Une Perle (Mount Nelson), par exemple, qui a débuté en janvier à Cagnes, a ouvert son palmarès pour sa troisième sortie, est passée ensuite par une Classe 2 avant de gagner son handicap et, dans la foulée, sa Listed pour finir l’année en étant placée de Gr3. À ce stade, elle fait déjà mieux que sa propre sœur Spirit of Nelson, par exemple. Elle reste à l’entraînement et nous espérons qu’elle pourra gagner son Groupe. Je pense aussi à Kynada (Toronado), qui a gagné cinq courses de suite… En espaçant les courses, en visant bien, nous obtenons de bons résultats.

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Même si vous êtes désormais bien installé et bien connu, la constance reste la clé pour un jeune entraîneur ?

Il faut aussi réussir à passer entre les gouttes, éviter tous les problèmes que l’on peut avoir avec les chevaux, comme les virus, essayer de faire attention avec les va-et-vient, respecter des quarantaines… Observer, être au plus près des chevaux pour voir ce qui est nécessaire pour leur bien-être. Je suis le premier à l’écurie pour aller leur donner le petit déjeuner, voir si tout va bien, c’est quelque chose d’essentiel. J’ai tout de même appris à déléguer, ce que j’avais eu beaucoup de mal à faire lorsque l’effectif a augmenté. Je crois que nous sommes désormais rentrés dans un système qui fonctionne bien. Je discutais, il y a quelques jours, avec Gilles Forien, qui a été l’une des premières personnes à me soutenir et avec lequel j’ai travaillé à l’élevage, et il me disait que cela lui faisait plaisir de ne plus me voir conduire le camion et traverser constamment la France entière au volant. J’ai une famille, cela n’est plus possible. Même si, l’an dernier le 31 décembre, j’avais Machito qui courait à Pau. Mon garçon de voyage était en congés, j’ai pris le volant, j’ai fait l’aller-retour Calas – Pau dans la journée. Le poulain a offert la 120e victoire de l’année à l’écurie et je suis rentré à temps le soir pour le réveillon. C’était, quelque part, une jolie façon de finir l’année !

Guillaume de Saint-Seine, nouveau président de France Galop, a parlé dans son discours mardi du sujet environnemental qui s’est invité dans la campagne. L’empreinte carbone en est un. En tant qu’entraîneur basé à Calas et amené à avoir des chevaux partout en France, quel est votre point de vue sur le sujet ? Faut-il développer les programmes régionaux ?

Nous sommes excentrés et amenés à nous déplacer toute l’année. Le programme régional s’est restreint et nous avons des chevaux qui ont la qualité pour courir en région parisienne et y être compétitifs. Avec les autres entraîneurs du centre, nous avons mis en place un groupe WhatsApp pour optimiser les déplacements. Cela s’est bien mis en place cette année, cela permet de limiter le nombre de camions, les frais et de nous entraider. Je suis père de deux jeunes enfants et je pense à leur futur, je n’ai pas envie de pourrir la planète ! Nous ne pouvons cependant pas rester uniquement dans notre région, il nous faut aller à droite et à gauche pour chercher les meilleurs engagements possible.

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Comment se porte actuellement le centre de Calas ? Y a-t-il toujours des inquiétudes autour de Borély ?

Il y a une très bonne dynamique à Calas. Nous avons Louis Baudron qui est venu ouvrir une antenne par exemple. Les courses du Sud-Est sont compétitives, il est devenu beaucoup plus dur d’y gagner un maiden. L’époque où certaines écuries venaient et faisaient une razzia est finie. Désormais, quand on gagne un maiden à Marseille, on a vite un cheval qui monte en 38 ou 40 de valeur.

Concernant Marseille-Borély, nous avons un peu plus de confiance puisque l’échéance a été repoussée. Kamel Chehboub, accompagné de Pauline, apporte un vrai dynamisme pour que Marseille ne perde rien de ses opportunités. Nous avons perdu quelques courses de 2022 à 2023 à cause du manque de partants donc nous soutenons aussi au maximum le programme du Sud-Est, en apportant des partants. Il est certain que nous avons des courses qui en manquent encore, mais nous revenons au fait que Marseille est excentré. Les Parisiens peuvent pousser jusqu’à Lyon mais, pour Marseille, c’est beaucoup plus compliqué pour eux et je les comprends. Il est donc important que nous soutenions nos courses. Je crois que certaines régions souffrent plus que le Sud-Est, finalement dynamique. Le Sud-Ouest a, cette année, vu Christophe Ferland partir à Chantilly et cela pourrait encore se compliquer et, dans le Centre-Est côté plat, il y a un certain ralentissement général.

En parlant de Marseille, d’optimiser les déplacements à la fois pour des raisons économiques et d’empreinte carbone… La France a été touchée par des conditions climatiques extrêmes cette année et le Sud-Est n’a pas fait exception, entre canicule et orages violents. La situation est-elle aussi gérable qu’avant ?

C’est un dérèglement climatique… Parfois, nous allons avoir dix jours de gel, c’est ainsi. Je me souviens que, il y a quinze ans, nous avions eu une vague de froid extrême et toutes les canalisations avaient explosé lors du dégel. Nous avons eu un été caniculaire mais honnêtement, c’était supportable cette année. Nous avons pu sortir le premier lot relativement “à la fraîche”. Pour les deuxième et troisième lots, cela se réchauffe, les pistes sont plus profondes et il faut lever le pied. Finalement, il y a toute une catégorie de chevaux avec lesquels nous pouvons le faire durant l’été, ceux qui ne vont ni à Deauville ni à Vichy par exemple. Et c’est la saison pour leur permettre de souffler. Nous finissons actuellement l’année mais nous avons des courses à La Soie le 3 janvier, à Vivaux le 4, et le meeting de Cagnes qui va commencer, il ne faut pas se relâcher. De plus, en été, il y a toute une logistique à mettre en place si les chevaux ne sont pas basés sur place : rouler de nuit pour éviter la chaleur mais aussi dans l’espoir d’éviter les embouteillages sur l’autoroute avec les juillettistes et aoûtiens. Les pistes sont plus légères, il fait plus chaud, les chevaux peuvent prendre plus dur. Cette année, monsieur Seroul n’a pas souhaité envoyer des chevaux sur place pour le meeting de Deauville et nous avons eu un mois d’août un peu en dessous côté victoires. Mais, en contrepartie, nous avons eu un excellent mois de septembre avec la reprise à Paris. Et, en levant le pied, des pouliches comme Belle et Grise (Kendargent), Ritournelle ou Amelielympique (Olympic Glory) ont pu être amenées sur leurs objectifs black types de l’automne avec réussite. En ayant couru l’été, peut-être auraient-elles été fatiguées ?

Quand on pense Marseille, on pense aussi à la famille Chehboub. En 2023, Kamel et Pauline Chehboub sont sur tous les fronts – aux courses et à l’élevage, en devenant notamment copropriétaires d’Ace Impact, désormais étalon dans leur haras de Beaumont, jusqu’aux plus hautes instances de France Galop. Gousserie Racing est à la lutte pour être tête de liste des propriétaires en 2023. Quel est votre regard sur leur parcours ?

Il est exceptionnel. Ils sont dynamiques, terre à terre, pragmatiques, accessibles et ils imposent le respect. Peu de gens auraient osé se lancer dans une telle aventure, comme avoir une antenne à Chantilly, investir dans un haras en Normandie, acheter pour une somme certaine un gagnant de Jockey Club, certes invaincu, dans l’espoir d’avoir un partant dans l’Arc… et finalement s’imposer ! Et ensuite faire en sorte que ce cheval reste en France pour être proposé aux éleveurs. Ils sont visionnaires et ont foi en l’avenir.

De votre côté, une installation ou une antenne à Chantilly, par exemple, serait-elle dans les plans ?

Je suis quelqu’un de fidèle et tant que j’ai la confiance de monsieur Seroul, je ne vois pas pourquoi changer. Ensemble, nous avons gagné nos premiers Grs1. Je suis dévoué corps et âme à son écurie et, tant que cela dure, je suis très bien ainsi. Nous avons pu mettre en place une bonne organisation de deux écuries, chacune avec cinquante éléments, cela se gère bien. Avoir une centaine de victoires et atteindre le cap des trois millions d’euros tous les ans me convient très bien. Tant qu’il y a ce dynamisme à Marseille, tant que je peux y amener des chevaux au top, je m’en contente largement. Nous avons pu y entraîner des chevaux de Groupe 1 : Skalleti, Marianafoot et, cette année, Facteur Cheval. Je partage tout cela avec ceux qui travaillent avec moi au quotidien et je n’ai pas envie de m’éparpiller ni de changer toute ma façon de vivre. Cela n’empêche évidemment pas de se remettre en question quand on se lève le matin. Il ne faut pas penser que tout est acquis. Parfois, certains peuvent être mécontents, penser que l’on a négligé certaines choses… Mais j’ai la chance de travailler avec des gens fidèles depuis plusieurs années et qui savent, je crois, que nous faisons du mieux que nous pouvons. Cela n’empêche pas quelques mésaventures, nous travaillons avec du vivant.

Le Sud-Est va être à l’honneur côté plat dès le mois de janvier avec le meeting de Cagnes-sur-Mer. Il a souffert ces dernières années et a été remodelé pour 2024. Que pensez-vous des évolutions annoncées ?

Beaucoup de courses sur P.S.F. ont été transférées sur le gazon, comme le Policeman ou la Californie. À l’époque, il n’y avait pas Deauville, Chantilly ou même Pau. Nous avons pu voir ces dernières années des maidens avec cinq ou six partants, qui étaient sexés et ne le sont désormais plus. Du point de vue de l’optimisation du programme et des partants, ce qui a été fait est intéressant. Il y a eu du travail fait en amont, avec aussi la Riviera qui pourra servir en tremplin pour le Qatar et l’Arabie saoudite. Cela aussi est très intéressant et je crois que cela va payer et porter ses fruits.

En parlant international, avez-vous un programme avec Facteur Cheval ? On pense à une course comme la Dubai Turf, sur 1.800m, qui paraît être une belle option ?

C’est une possibilité, avec une course de rentrée soit sur le gazon à Cagnes, soit lors de la journée des Meydan Trials à Chantilly sur la fibrée, même si je préférerais idéalement le garder sur le gazon. Les 1.800m de la Dubai Turf semblent être un bon compromis. Il faudra une rentrée car, dans ce type de course, il faut aligner un cheval en pleine possession de ses moyens. Nous aimerions qu’il décroche sa victoire de prestige, après avoir été battu par des éléments comme Paddington ou Big Rock. Mais l’année est longue et il ne faut pas le “fusiller” dès le mois de mars. On sait aussi qu’il est encore mieux sur pistes souples. Nous en avons parlé longuement avec Barry Irwin, qui donne souvent carte blanche, et nous ferons au mieux pour le cheval. Avec des chevaux comme Facteur Cheval, bouillants et remplis d’énergie, l’hiver est souvent long ! Mais il a pris de la maturité, il est allé deux fois en Angleterre, on l’a vu exemplaire en dernier lieu à Ascot, où il y avait du monde, où le rond de présentation est assez impressionnant, et il avait très bien voyagé. Il n’a jamais pris l’avion, c’est une inconnue. Dubaï est une option.

À part éventuellement Facteur Cheval, avez-vous d’autres chevaux pour voyager durant l’hiver ?

Non, nous ne ferons pas dans l’exotisme cette année. L’an dernier, nous avions notamment envoyé Romagna Mia (Mastercraftsman) au Qatar, où elle avait bien couru après un parcours loin d’être idéal, mais elle n’avait pas d’options en France à cette période. Il y a beaucoup d’argent lors de ces meetings, ils sont très attractifs mais il faut les chevaux remplissant les conditions pour.

Comment va Skalleti ? L’été très sec en Europe n’a pas joué en sa faveur mais nous ne l’avons pas revu depuis que la pluie a fait sa réapparition.

Il était très bien et, au moment où il fallait appuyer sur la touche “engagements”, il a eu un contretemps. Désormais, il va très bien physiquement comme mentalement, et nous pourrions le revoir au mois de mars si cela se poursuit et s’il montre qu’il a toujours l’envie. Si ce n’est pas le cas, sa carrière se terminerait donc sur sa troisième place de Gr1 en Allemagne.

De façon générale, comment se présente 2024 pour l’écurie Reynier ?

Nous avons eu des 2ans tardifs cette année. Nous les avons attendus et respectés, cela devrait payer pour le début de leur année de 3ans. Et nous avons eu des 3ans compétitifs en 2023 qui devraient être de bons 4ans. Je touche du bois mais nous devrions faire un bon début d’année.

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