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jeudi 22 mai 2025
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LE PARI HIPPIQUE A-T-IL UN AVENIR ?

LES COURSES EN 2024

La Conférence ne pouvait pas commencer sans un discours du président de l’Asian Racing Federation (A.R.F.), Winfried Engelbrecht-Bresges, également président-directeur général du Hong Kong Jockey Club et président de la Fédération internationale des autorités hippiques. Si l’on en croit ses proches, il adore cet exercice. En environ 45 minutes – timing respecté –, Winfried Engelbrecht-Bresges a analysé les différents aspects marqueurs de la santé des courses, et présenté quelques défis à relever.

Dans cet état des lieux, commençons par les naissances : elles sont dans l’ensemble plutôt stables dans les principaux pays de courses et d’élevage de l’Asian Racing Federation, ainsi qu’en Europe. Les États-Unis, on le sait, ne sont pas dans le même cas et font face à un vrai défi depuis de nombreuses années.

Passons aux résultats des ventes côté Asie, avec une mention très bien pour l’Afrique du Sud. Pas un hasard : les levées des restrictions sanitaires, fruit d’un très long travail, sont un grand espoir pour le développement du secteur économique des courses dans le pays. La tendance globale des principales ventes en Asie indique un haut du marché fort, un marché intermédiaire qui a tendance à stagner, voire à baisser, et un bas du marché en souffrance. La France est donc loin d’être un cas isolé…

Côté allocations, l’Asian Racing Federation se porte bien, si ce n’est très bien, caracolant loin devant l’Europe et les États-Unis. Qui dit allocations dit enjeux et sur ce point, cela se complique en Asie depuis la pandémie de Covid 19… à part au Japon, qui fait figure d’exception. Au-delà des chiffres « purs et durs », on note aussi une baisse de la place qu’occupe l’hippisme sur le marché des paris « sportifs » au sens large du terme (incluant l’hippisme). En 2020, les courses représentaient 43 % de ce marché global ; ce n’est plus que 34 % en 2023. C’est une tendance inquiétante, au centre de cette première journée de débats : comment créer, attirer et garder les parieurs et, plus largement, les fans ?

Une autre donnée pour illustrer ce même phénomène est le nombre de spectateurs. Bonne nouvelle : les grands meetings se portent bien, très bien même, retrouvant les niveaux pré-Covid si ce n’est plus. En revanche, les chiffres de la fréquentation moyenne sur une année/saison à Hongkong ou au Japon – où l’on a parfois tendance à penser, depuis l’Europe, que tout va bien, ce qui n’est pas totalement le cas – montrent que nous sommes loin de la situation de 2019 (avant Covid). « Les attentes des clients ont évolué », souligne Winfried Engelbrecht-Bresges.

Des challenges immédiats à relever

Winfried Engelbrecht-Bresges expose plusieurs problématiques urgentes pour le monde des courses :

– La fragmentation du secteur. Comment réussir à unifier un sport qui se gère de façon fragmentée, sur la scène internationale évidemment, mais aussi parfois sur la scène nationale (l’Australie est elle-même fractionnée au niveau des États, par exemple). En allant plus loin, la situation se complique par exemple quand, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, il faut réussir à faire s’accorder une multitude d’acteurs : propriétaires, éleveurs, entraîneurs, jockeys, hippodromes, autorités de paris, etc. Un vrai casse-tête : il faut résoudre les problèmes localement mais aussi garder en tête, pour le développement du sport, qu’il faut agir sur le plan international.

– L’acceptation par la société civile. Tous les pays hippiques ne sont pas touchés de la même manière par cette question que l’on appelle la « licence sociale » : pour exister, il faut l’accord et l’acceptation du public. Cela passe par le bien-être équin – en course comme après la carrière – mais aussi par l’humain. L’un va rarement sans l’autre. Cela passe aussi par le fait de répondre aux attentes du public sur les différents sujets de société, comme le changement climatique ou la gestion de l’eau. Il n’y a pas que l’herbe de nos hippodromes qui doit être verte ; notre sport doit l’être aussi.

La lutte contre les paris illégaux. C’est un sujet important quand on sait que le marché illégal de paris augmente vite, bien plus vite que le marché légal. On parle de 1,7 trillions de dollars par an. Le marché illégal n’a aucune régulation et ne rend rien au sport hippique. Le marché légal, au contraire, a tendance à être en surégulation. Là encore, ce n’est pas la Grande-Bretagne qui vous dira le contraire, en cette semaine où les vérifications de solvabilité sont mises en place…

– Faire face à une base de clients vieillissante. Le sujet touche l’ensemble des juridictions hippiques.

En quelques mots : il faut accepter le changement, réviser nos classiques sans tabou et collaborer davantage.

TOTE, TAXES, TECHNOLOGIE, MARCHÉ ILLÉGAL

Le pari finance les courses. Et leurs opérateurs font face à de nombreux défis, le premier étant le développement du marché illégal. Cela a été au cœur des discussions, avec en fil directeur une autre question : comment rendre le pari mutuel, le plus vertueux pour la filière, plus attractif ?

En Australie, Tote (pari mutuel) et bookmakers (cotes fixes) se côtoient. Peter V’Landys, président-directeur général de New South Wales, penche du côté du premier système, plus vertueux : « Il faut promouvoir le Tote. On voit qu’il y a une vraie fixation sur les cotes fixes mais il faut encourager à se diriger vers le pari mutuel. En ce sens, le world pool est un très bon moyen. Il nous faut trouver une stratégie pour remettre le mutuel au cœur d’un marché obnubilé par la cote fixe. »

Sur le world pool, ce n’est pas Winfried Engelbrecht-Bresges qui dira le contraire puisqu’il s’agit de son bébé : « Le world pool est un moyen important pour créer un programme de courses plus intéressant, dans un monde où de nombreuses grandes épreuves se succèdent mais où il manque parfois un lien. Le world pool est passionnant, il permet de confronter les opinions de différents pays. Un cheval peut être favori à un endroit et pas à un autre. Il permet aussi un marché stable. Il faut réfléchir au futur. Par exemple, on constate que la jeune génération ne veut pas forcément parier seule. Elle veut réfléchir en groupe et parier en groupe. Nous réfléchissons à cela pour l’élaboration d’un futur produit, ainsi qu’à l’utilisation de l’intelligence artificielle. » Le Hong Kong Jockey Club réfléchit en effet à la création d’une sorte de Chat GPT hippique.

Une histoire de Cendrillon

Michael Fitzsimons est le directeur exécutif des produits de pari du Hong Kong Jockey Club. Un sacré programme quand on sait la masse d’enjeux que cela représente. Jeudi matin, il est monté sur scène et nous a raconté l’histoire de Cendrillon, maltraitée, oubliée, avant de tomber sur une bonne fée qui l’emmène au bal. Puis tout se termine à minuit avant qu’un soulier de verre ne lui permette de vivre son célèbre « ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Pour Michael Fitzsimons, les courses sont Cendrillon à la sortie du bal, quand sonnent les douze coups de minuit. Une bonne fée nous a apporté un moment de bonheur : c’est Winfried Engelbrecht-Bresges qui lance en 2007 l’idée du world pool (nous vous laissons imaginer le président des courses de Hongkong en fée !). Mais il faut désormais aller plus loin.

Michael Fitzsimons analyse : « Il y a 25 ans, notre secteur ne se portait pas bien, les paris à cote fixe avaient pris le dessus, et la régulation autour des paris s’est renforcée. En 2007, Winfried Engelbrecht-Bresges a lancé l’idée du world pool et en 2019, le système a été activé pour la première fois à Royal Ascot. Les années récentes ont été bonnes, avec une bonne réponse des clients mais désormais, nous sommes aux douze coups de minuit. C’est par exemple la fin des courses à Singapour. C’est aussi moins d’engagement de la clientèle. Nous sommes réunis ici pour trouver notre happy ending pour toujours. »

L’effet du world pool sur les courses britanniques

Au Royaume-Uni, les bookmakers et les cotes fixes sont les rois. Il faut être réaliste : il sera difficile, très difficile de convaincre les parieurs britanniques de passer au pari mutuel. Pourtant, comme le souligne Michael Fitzsimons, le mutuel (le Tote) est beaucoup plus vertueux pour le secteur : « Le world pool rapporte dix fois plus au secteur que les cotes fixes sur les meetings britanniques où il a été mis en place. Plus de retour signifie plus d’allocations. » Et ce n’est pas Nick Smith, le patron d’Ascot, qui dit le contraire : « Grâce au world pool, nous avons pu augmenter les allocations à Royal Ascot. Nous avons beaucoup de mal à implanter, en Grande-Bretagne, la culture du pari mutuel. Le world pool peut nous permettre de trouver plus de parts de marché. Les opérateurs fonctionnant avec les cotes fixes savent cependant se mobiliser et proposer nombre d’opérations pour attirer les clients. Le world pool a été un vrai succès, les enjeux ont progressé de 415 %. Cette année, on constate une baisse mais elle a touché l’ensemble des enjeux de Royal Ascot, qui a fait face à l’Euro de football. Ce que l’on note cependant, c’est que cinq des sept meilleurs scores du world pool ont été réalisés sur des courses de Royal Ascot, preuve que le produit courses britanniques est demandé. Cela demande des ajustements. Par exemple, la réunion des King George VI n’était pas forcément attractive pour le world pool, notamment sur le nombre de partants dans les courses entourant le Gr1. Nous avons donc déplacé des épreuves entre le vendredi et le samedi pour offrir le produit le plus attractif possible et allons réajuster encore l’an prochain. »

N’oublions pas la World Tote Association

La World Tote Association a été créée en 2019 et comprend 21 membres, dont le PMU. Alex Frost, coprésident de l’association, a analysé : « Le pari mutuel peut-il sauver les courses ? Oui, si cela est fait de la bonne façon. L’objectif avec la World Tote Association est de donner une plateforme aux grandes organisations de pari mutuel, pour réfléchir ensemble, explorer des pistes. La collaboration est la clé. Il faut oublier la façon de penser d’avant et être tourné entièrement vers le client. Les anciens temps, quand les betting pools n’avaient pas de concurrents, sont derrière nous. Il faut innover immédiatement ! Tous les membres de la World Tote Association partagent leur savoir et leurs datas. J’invite par ailleurs tout le monde à aller consulter le rapport WoTA que nous avons publié, qui analyse le pari mutuel et la taxation du « pari responsable ». Notre conclusion est que le pari mutuel, s’il est placé sur la même ligne que d’autres types de paris, devient vulnérable. Comme l’a dit Peter V’Landys, il doit être considéré à part, notamment sur le sujet de la taxation – surtout quand on pense que les paris illégaux échappent à toute forme de taxation et sont donc beaucoup plus attractifs pour les potentiels clients. C’est un vrai danger. L’argent, les liquidités sont essentielles pour le pari mutuel afin qu’il soit compétitif. »

Limiter les fluctuations

La cote fixe est rassurante pour le client. Pas de fluctuation de prix et pas la frustration de jouer un cheval à une cote pour la voir s’effondrer à l’ouverture des stalles, quand toutes les masses jouées juste avant la course tombent. Un problème de perception qu’a bien souligné Michael Fitzsimons.

Les masses développées par le world pool sont un point positif mais est-ce l’alpha et l’omega ? Dans une session très « pro-world pool », Jason Scott, président-directeur général de Racing Queensland (Australie), a eu un discours plus tempéré : « Le world pool est fantastique pour les grands meetings. Mais le reste du temps ? Prenez l’Australie, avec quatre réunions par jour… Peut-on parler d’une solution miracle ? » Alex Frost donne son sentiment, lorsqu’on lui demande si, de façon générale, il y a trop de courses : « Il y a certainement trop de courses et les grands événements peuvent être noyés dans la masse. En ce sens, le world pool est parfait pour justement mettre en valeur les grandes épreuves. Mais supprimer les moins bonnes courses n’est pas la solution. »

De la responsabilité et de la diplomatie

Le sujet en lance un autre : le marché illégal et les problèmes d’intégrité. Ce ne sont pas les grandes courses qui sont menacées mais les plus petites, moins richement dotées. Nous en avons eu un exemple il y a quelques mois dans une petite course en Irlande. Un cheval arrêté et une masse d’argent en « lay » (jouer perdant) jouée depuis le Moyen-Orient… Tous les intervenants s’accordent et s’inquiètent sur la croissance exponentielle du marché des paris illégaux et de tout ce qu’il entraîne, du non-financement des courses puisque ce marché échappe par essence aux taxes, jusqu’aux problèmes d’intégrité des courses (et du sport en général) ainsi que du financement du crime organisé…

Le marché légal, lui, est taxé et régulé. Le marché illégal ne subit aucune de ces contraintes. La surrégulation et surtaxation ont été des problèmes récurrents évoqués lors de la conférence. Du côté de la surrégulation, l’exemple le plus frappant actuellement est la Grande-Bretagne, en bras de fer avec le gouvernement sur les vérifications de solvabilité (affordability checks). Un parieur doit prouver qu’il a les moyens de pratiquer son hobby, ce qui implique de fournir des documents privés aux opérateurs de paris (les bookmakers). Évidemment – et on les comprend –, les parieurs ne sont pas enchantés par le sujet. Joe Saumarez Smith analyse : « Les discussions ont été parfois difficiles avec le gouvernement car nous faisons face à un manque de nuance. Nous n’avons eu de cesse d’expliquer que les affordability checks allaient avoir un impact négatif massif sur notre secteur. Les parieurs ne veulent pas fournir de détails financiers privés. Cela va décourager les gens : qui a envie qu’une tierce personne regarde dans ses finances ? De plus, il y a le danger que les parieurs se tournent vers le marché illégal, qui ne paye aucune taxe, sur lequel il n’y a aucune traçabilité et aucune régulation. Le problème est inquiétant. » À trop vouloir les protéger, on peut faire du mal aux paris légaux.

L’Australien Peter V’Landus renchérit : « Il faut construire une relation avec le gouvernement. Mais il faut souligner que le problème de l’addiction au pari est en grande partie causé par les machines à sous ou autres jeux de ce type. Les paris hippiques et sportifs ne représentent que 12 % des cas problématiques. Alors pourquoi sommes-nous les plus attaqués par les gouvernements ? Les casinos en ligne sont moins régulés que nous. De plus, moins de 1 % de la population présente ces problèmes d’addiction. Il faut protéger les joueurs, mais il ne faut pas aller non plus aller trop loin en pénalisant la grande majorité d’entre eux. »

Les grands risques

Martin Purbrick, président du conseil de l’A.R.F. sur la lutte contre le pari illégal et relié au crime financier, fait partie des nombreux intervenants à avoir livré une présentation passionnante : « Il y a trois grands risques auxquels il faut prêter attention. L’innovation : elle est très présente sur le marché illégal et attire beaucoup de clients. La régulation excessive et, dans ce cas, une partie du problème est le régulateur en lui-même. Nous allons évidemment tous suivre les développements liés aux affordability checks au Royaume-Uni mais nous savons déjà que cela ne va pas apporter de protection aux parieurs. Ils partiront vers le marché illégal. Dans la réglementation, une partie du problème est le régulateur en lui-même et cela ne concerne pas que le Royaume-Uni. Dans toutes les juridictions, les régulateurs de paris… ne comprennent pas forcément le pari. Nous avons des exécutifs qui ne viennent pas de ce milieu. Ils voient les opérateurs légaux et responsables mais ne voient pas le marché illégal. Les totes et les opérateurs doivent avoir un meilleur engagement avec leurs régulateurs, même s’ils ne sont pas toujours réceptifs. Il faut les éduquer sur le sujet. Et il faut aller au-delà des régulateurs jusqu’aux gouvernements, même s’ils peuvent aussi avoir leur propre agenda politique. Le troisième point est la taxation excessive, qui peut devenir un problème sur le long terme et emmener les clients sur le marché illégal à la recherche d’un meilleur rendement. »

Le marché illégal et ses conséquences

D’autres intervenants sont revenus sur les conséquences du marché illégal du pari. C’est le cas de James Porteous, du Hong Kong Jockey Club, et responsable de la recherche au « Conseil de l’A.R.F. sur la lutte contre le pari illégal et relié au crime financier. » « Le pari illégal est quelque chose d’extrêmement complexe. Il finance le crime organisé, les plateformes sont liées à lui. Il faut savoir que ces groupes sont derrière la pandémie de cyberfraudes que nous vivons actuellement et ils apprennent de leur plateforme de paris illégaux pour développer ce nouveau business. Plus de 10.000 personnes en Asie sont contraintes et forcées, contre leur volonté, de travailler pour des casinos online. Derrière ce système, il y a des victimes. La technologie transforme notre secteur du pari pour le meilleur… mais c’est aussi le cas pour nos compétiteurs du marché illégal, lesquels n’ont aucune considération pour l’intégrité. Il est plus facile que jamais de devenir un parieur illégal et vous ne le savez pas forcément. Tout vient à vous dans votre smartphone, estimez-vous bien chanceux si vous évitez les spams de recrutement ! Ces opérateurs illégaux utilisent parfaitement les réseaux sociaux, font appel à des influenceurs, sont présents sur TikTok, Twitch ou Discord où ils s’adressent directement aux générations Z et Alpha. Les cryptomonnaies ont été pour eux un boost important : bouger l’argent entre les frontières est facile, sans aucun traçage. » Le problème est vaste, la solution n’est pas simple… Mais tout le monde le soulignera : ensemble, on est plus fort.

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