Guillaume de Saint-Seine : « Je suis candidat à la présidence de France Galop »
… et j’ai élargi le constat que je me faisais déjà sur les courses et que nous faisons tous, c’est-à -dire la baisse du nombre de chevaux à l’entraînement, la baisse du nombre de propriétaires ayant un certain nombre de chevaux à l’entraînement, et la baisse du nombre de parieurs – nous sommes passés de 12 % à 6 % du taux de pénétration du pari hippique dans la population française entre 2012 et 2022. Je me suis rendu compte, pendant la commission de gouvernance, qu’il y avait, notamment en changeant la façon de travailler, sans doute une voie possible de redressement. Je me suis forgé une conviction très forte : en ayant une nouvelle approche des sujets, un nouvel élan est possible pour le galop.
Donc vous n’êtes pas d’accord avec ceux qui disent que tout a déjà été essayé ?
Par énergie personnelle et par construction, j’ai toujours refusé le fatalisme. Je ne peux pas accepter l’idée que tout a été fait. Je pense aussi que nous sommes allés au bout du bout, en termes d’économies, sur les charges de France Galop. Il est temps de consacrer des moyens à notre redéveloppement. Un exemple : aujourd’hui, on ne célèbre pas assez les propriétaires, et en particulier les nouveaux propriétaires. Pour eux, je proposerai notamment de créer une grande journée des propriétaires et des bénévoles, en plat comme en obstacle, avec des courses réservées aux représentants de propriétaires ayant pris leurs couleurs dans l’année.
Vous parlez de courses sur invitations qui n’existent pas aujourd’hui dans le programme français. Cela veut-il dire que vous pensez que certains éléments de fond doivent évoluer dans le “produit courses” ?
Nous sommes dans un sport de spécialistes et tout ce qui peut être fait pour simplifier l’accessibilité et le parcours client (propriétaires et parieurs) doit l’être. Quand on regarde un programme de courses pour la première fois, on ne comprend rien. Nous avons besoin de choses simples et lisibles. Je me souviens d’un éditorial de JDG dans lequel vous proposiez de courir “à jours fixes” pendant certaines périodes de l’année : le jeudi soir à Longchamp, le vendredi soir à Vincennes et le samedi soir à Auteuil par exemple. Proposer des rendez-vous fixes facilitera le retour du public sur nos hippodromes, les meetings hors de Paris en sont l’illustration. Mon approche est celle d’un commerçant qui n’aurait pas de clients dans son magasin et qui ne reste pas à se dire : pourquoi les clients ne viennent-ils pas ? Nous devons nous demander comment ramener le public sur nos hippodromes avec, par exemple, un vrai CRM qui n’a jamais été construit et qui nous manque à l’heure de la data et des réseaux sociaux. Je pense qu’il faudra prendre exemple sur nos hippodromes dans les régions qui “inventent” des choses pour leur public. C’est aussi clairement une réflexion qui devra être menée avec LeTROT et ses dirigeants qui ont souvent été plus innovants que nous.
Autour de nous, la concurrence est de plus en plus rude, avec les autres sports, avec…
… avec la Française des Jeux d’abord et avant tout. Il y a peu, en 2012, nous étions au coude à coude autour de 12 milliards d’enjeux. Aujourd’hui, nous sommes revenus à un peu moins de 10 et notre concurrent est passé à 22 ! Ce que je constate aussi, c’est que notre période de stagnation a exacerbé les tensions. Entre le trot et le galop, le plat et l’obstacle, Paris et la province, petits et gros. Il faut sortir de cette tension entre les acteurs et faire autre chose que de “déshabiller Pierre pour habiller Paul” si vous me passez l’expression. C’est donc un nouvel élan qu’il nous faut afin que tous les acteurs y trouvent leur compte.
« Nous sommes dans un sport de spécialistes et tout ce qui peut être fait pour simplifier l’accessibilité et le parcours client (propriétaires et parieurs) doit l’être. »
Quel est votre projet ?
J’ai bien entendu beaucoup travaillé sur mes lignes directrices d’action. En début de mandature, je réunirai les représentants des associations, des membres délégués et associés pour, avec l’équipe que j’entends constituer, fixer une stratégie et des actions à horizons fixés. En d’autres mots : un plan. Bien entendu, les équipes de France Galop seront associées à la définition de cette stratégie, dans le cadre d’ateliers, et il leur reviendra de l’appliquer, sous l’autorité du conseil d’administration.
Avez-vous déjà une idée des contours de ce plan ?
Il faudra analyser les mesures à prendre en fonction de deux axes – l’axe propriétaires et l’axe parieurs – et deux horizons de temps – court terme et long terme (2030). Je n’oublie évidemment pas les autres participants à la préparation de nos chevaux, éleveurs, entraîneurs, jockeys et tous les professionnels associés, mais au début de notre filière, il faut des investisseurs : propriétaires et parieurs. À court terme, qu’est-ce qui est favorable aux propriétaires et qu’est-ce qui est favorable aux parieurs ? Dans un horizon de douze à dix-huit mois, sur quoi investit-on, combien et comment ? Et puis, il y a des mesures à plus long terme, et qui nourriront aussi l’élargissement du bassin des propriétaires, des chevaux à l’entraînement et des parieurs. Souvenez-vous de ce que disait Richard Viel, à son arrivée à la présidence du PMU : notre informatique a mal vieilli. Il est vrai qu’en quarante ans, l’architecture clients serveurs a beaucoup changé, avec une informatique décentralisée. Je pense pouvoir dresser le même constat aujourd’hui en ce qui concerne France Galop. L’ergonomie du site a été revue et a gagné en lisibilité ; mais à l’ère de la data, on ne peut pas facilement obtenir des chiffres précis pour évaluer telle ou telle mesure. Sur ce sujet, c’est trois à quatre ans de travail. En revanche, célébrer les propriétaires ou travailler sur une refonte du Quinté, ce sont des mesures urgentes et qui auront un effet bénéfique rapide. Autre exemple, aller au-devant des pouvoirs publics pour obtenir un agrément provisoire pour les nouveaux propriétaires, préalable à l’enquête tout à fait justifiée, c’est une chose que l’on peut obtenir assez vite.
Pour revenir à la commission de réforme de la gouvernance, la montagne a-t-elle accouché d’une souris ?
Je regrette évidemment que toutes les propositions qui ont été élaborées dans un excellent climat de travail n’aient pas été retenues mais nous avons obtenu de vrais résultats, comme la limitation du nombre de mandats à trois ou la création de deux commissions mixtes élus/membres associés/salariés sur les finances et sur le marketing. Tout cela est dans le marbre à présent.
Et sur l’articulation cooptés/sociopros ?
Au dos de ma carte France Galop, il est écrit : “Propriétaire, associé, porteur de parts, éleveur…” et s’il existait une mention “Porteur de parts d’étalons”, je l’aurais aussi ! (Rires) Je suis donc aussi socioprofessionnel à plusieurs titres. Mais je suis également membre associé depuis 2015. Vous comprenez donc que je ne vais pas les opposer. D’ailleurs, quand vous regardez la liste des membres associés, nous sommes tous bien identifiés comme propriétaire ou éleveur. Les membres associés sont pour moi un peu des sénateurs du galop, là où les sociopros seraient les députés : l’ensemble forme le Parlement qu’est le comité. Ils assurent une permanence dans le temps. La limitation de mandats récemment décidée sera l’occasion pour les membres associés d’élargir leur collège et de préparer les rotations. Mais l’essentiel n’est pas là … ne nous trompons pas de débat.
Pour vous, France Galop est-elle une association ? Une entreprise ? Une coopérative agricole ?
Je la qualifie d’organisation. France Galop aujourd’hui doit réussir à faire cohabiter son activité régalienne et son activité économique. Ce n’est pas le sujet numéro 1 du moment mais ça peut être un sujet de moyen/long terme. On pourrait imaginer une double direction, avec un directeur en charge du régalien pour la partie “Fédération” et un autre en charge du développement pour la partie “Ligue” – si j’emprunte cette métaphore au football ou au rugby. Nous avons besoin d’être parfaits sur les questions de programme, de Code, etc. et aussi d’être plus agiles et plus efficaces sur la partie commerciale qui comprend l’accueil des propriétaires et des sociopros. Et puisque vous me parlez des directeurs, j’aimerais répondre à une rumeur qui voudrait que, si je suis élu, je rappellerai Thierry Delègue au poste de directeur général. C’est une fake news ! Et je n’aurai pas non plus de “cabinet noir”, tout sera sur la table. Cela doit être extrêmement clair pour tout le monde. Comme tout le monde le sait, Thierry Delègue est un ami proche et il me conseille régulièrement dans l’achat de chevaux et pour mon élevage ; nous sommes souvent associés et cela n’a aucune raison de changer quand je serai président de France Galop.
« France Galop aujourd’hui doit réussir à faire cohabiter son activité régalienne et son activité économique. »
Envisagez-vous de faire évoluer les équipes ?
Partons du projet et faisons adhérer les équipes à ce projet. Il y a beaucoup de cadres très compétents chez France Galop. S’ils sont en accord avec le projet, je serai très heureux de travailler avec eux.
Donc personne n’a de cible dans le dos chez les salariés ?
Bien sûr que non !
Comment appréhendez-vous le duel qui vous attend avec Édouard de Rothschild ?
On ne peut pas demander simplement à la communauté du galop la confiance. Je pense que le galop français a aujourd’hui besoin d’un nouvel élan. Je ne pense pas qu’après quatre mandats, on puisse incarner cette page nouvelle qui doit s’ouvrir. Et j’espère bien sûr que le débat qui s’ouvre portera sur les idées.
Si vous êtes élu le 15 décembre prochain, aurez-vous le temps disponible pour assumer la fonction ?
Je travaille dans un grand groupe financier coopératif et mutualiste, où je m’occupe de l’interface entre la banque et de grands clients, et j’anime une équipe de banquiers seniors. Je n’ai pas plus de fonctions significatives de management par rapport à celles que j’ai eues dans le passé. Je ne suis donc pas retenu par un agenda interne contraignant. Je serai disponible autant que nécessaire dans un mode de fonctionnement qui inclura une équipe et notamment des vice-présidents investis de responsabilités. Je souhaite constituer un conseil d’administration qui travaillera avec les équipes de France Galop notamment par le biais des commissions. Mon rôle sera de présider et d’animer les travaux du conseil, de veiller avec les équipes de la direction générale, de participer à l’application du plan stratégique et de trancher quand ce sera nécessaire. Je consacrerai donc tout le temps nécessaire à la présidence de France Galop.
Dernière question : quand pourra-t-on en savoir plus sur votre programme ?
Aujourd’hui, je vous ai fait part de ma candidature. J’ai bien entendu des idées sur les lignes directrices d’action mais je souhaite les partager et poursuivre mes contacts en étant à l’écoute de tous, notamment des listes socioprofessionnelles qui se présenteront devant les électeurs. Je compte donc porter mes thèmes d’actions à partir du mois d’octobre. Et j’espère que ceux qui seront élus auront à cœur de soutenir mon projet. En parallèle, je continuerai à échanger avec mes amis et collègues membres associés pour travailler ensuite tous ensemble.