Une baisse (et des explications)

Si l’on ne prend pas en compte les deux éditions 2020 et 2021, impactées par le Covid, c’est la première fois depuis 2017 que le book 1 de Tattersalls October n’a pas franchi le cap des 100 millions de Gns. Après 3 sessions et, en comptabilisant les 9 yearlings vendus à l’amiable, le chiffre d’affaires s’élève à 96,47 millions (116,99 M€) pour 400 vendus au prix moyen de 241.187 Gns (292 498 €). La baisse, sur l’édition record établie en 2022, se situe à 25 % pour le chiffre d’affaires et à 18 % pour le prix moyen. Quant au taux de vendus, il est passé de 87 à 83 %. La différence entre les deux ventes se chiffre – avec les “amiables” – à 30,81 millions de Gns. Après concertation avec l’épicier du coin, nous avons trouvé l’explication : il manque 10,45 millions (impayés) provenant des 16 yearlings achetés (mais pas payés) par Saleh Al Homaizi. Godolphin a investi 12,03 millions pour 20 sujets, alors que l’an dernier, il en avait acheté 35 pour 25,35 millions. Quant à l’association Coolmore – White Birch, elle a dépensé 6,34 millions de moins. Si l’on ajoute un effet boule de neige, nous retrouvons bien les quelque trente millions de Gns manquants… Le nombre de yearlings vendus lors des 3 vacations boutiques (Arqana août, Goffs Orby book 1 et Tattersalls October book 1) est égal à l’unité près à celui de 2022 (1.082 yearlings), même si la baisse de la vente anglaise a fait reculer le chiffre d’affaires du segment de 10 % à 227,6 millions d’euros. En 2021, il se chiffrait à 185,45 millions.

Cette analyse reste toutefois peut-être un peu trop simpliste. Le président de Tattersalls, Edmond Mahony, est comme à l’accoutumée plus nuancé dans ses explications : « Le book 1 de l’an dernier avait produit des chiffres exceptionnels qui resteront dans le livre des records. Il n’est pas surprenant que la vente de cette année n’ait pas été à la hauteur des retours extraordinaires de 2022. Nous avons vendu plus de yearlings millionnaires que dans toutes les autres ventes européennes réunies et 40 lots ont trouvé preneurs à plus de 500.000 Gns ! »

C’est vrai, il faut voir dans le book 1 de 2022 un record qui sera difficile à battre… sauf si de nouveaux investisseurs arrivent sur le marché. Un autre angle d’analyse à envisager est l’effet du stallion power. L’an dernier, les yearlings des étalons qui avaient officié en 2020 à 100.000 € ou plus ont produit un chiffre d’affaires de 80,48 millions (97,59 M€) pour 179 vendus. Ces yearlings ont contribué, à hauteur de 63,5 %, au total de la vente. Le “CA” des étalons haut de gamme a baissé pour atteindre 54,03 millions (65,52 M€), soit 56 % du total. Il faut dire que cette année, 6 Frankel, 8 Dubawi et 13 Siyouni de moins sont passés sur le ring. Ce segment a baissé de 32,9 % sur le chiffre d’affaires et de 24 % sur le prix moyen. Cette année, Wootton Bassett (Iffraaj) est entré dans cette catégorie, remplaçant au passage Invincible Spirit (Green Desert). Ce nouveau venu a eu 31 yearlings vendus sur 37 présentés pour un chiffre d’affaires de 9,61 millions (11,64 M€). Soit un cumul (8,4 millions) supérieur aux 15 lots par Invincible Spirit en 2022, mais aussi des 14 de Galileo en 2022. Cette année, Galielo avait une pouliche et elle a été vendue 325.000 Gns à l’amiable.

Les ventes c’est aussi parfois un peu le pays des rêves. Après une première session avec un prix moyen en hausse, les autres ont surfé sur une vague baissière. Des yearlings de grande origine n’ont pas atteint leur prix de réserve ou se sont mal vendus. Il y a plusieurs cas. Mais on retiendra surtout le demi-frère par Lope de Vega (Shamardal) de Too Darn Hot (Dubawi), champion des 2ans et étalon prometteur, qui a été racheté à 400.000 Gns, tout comme la sœur d’un gagnant de Gr1 comme Luxembourg (Camelot) à 250.000 Gns. On a cité ces deux yearlings mais on pourrait en trouver des dizaines d’autres… Sara Cumani (Fittocks Stud) qui a bien vendu certains yearlings et très mal vendu d’autres a déclaré ce vendredi au micro de Nick Luck : « Par moments, nous avons tous eu très peur. Mais l’an dernier, il faut avouer que le marché nous avait gâtés car c’était un peu fou. Cette année, nous sommes revenus à la normalité. Enfin, à quelque chose d’un peu en dessous de la normalité. Beaucoup de vendeurs ont souffert. Il fallait des chevaux irréprochables sur tous les points. Si c’est le cas, vous vendez bien. La moindre case non cochée vous met en difficulté. Et vu les prix de saillie, c’est problématique. Le sujet de discussion du moment, c’est que beaucoup d’entraîneurs n’ont pas beaucoup de “mandats” pour le book 2. Il est devenu très difficile de vendre un yearling avec un profil de tenue. Tout le monde rêve de gagner l’Arc ou les belles courses australiennes. Mais personne ne veut acheter ces yearlings. Nous avions un Sea the Stars splendide, mais avec un pedigree pour le Derby. Eh bien, nous l’avons ramené à la maison. Les gens l’ont trouvé trop grand et trop orienté “tenue”. S’il gagne quelques courses à 3ans, nous n’aurons pas de mal à le vendre…​​​​​​ » Certains éleveurs ont néanmoins tirés leur épingle du jeu. Dont plusieurs français qui n’étaient pas forcément visibles, à l’image de l’écurie des Charmes en association avec Ballylinch Stud (avec des juments achetées par Meridian International). Ainsi, l’entité de Lucien Urano a vendu une Lope de Vega (lot 45) pour 400.000 Gns et le propre frère d’Aunt Pearl (lot 482) pour 500.000 Gns. L’association anglo-irlandaise avait d’ailleurs vendu une Wootton Bassett pour 410.000 € chez Arqana.

La présence de jeunes sires parmi les pères de millionnaires est une bonne nouvelle. Blue Point (Shamardal) galope vers le titre de Champion First Crop Sire. Avec la mère d’un super sprinter comme Battaash (Dark Angel), son produit a été vendu 1,5 million (1,81 M€). Ce yearling a été acheté par Godolphin qui a également payé 1,05 million (1,27 M€) pour l’un des premiers yearling de Ghaiyyath (Dubawi), demi-frère de Victoria Road (Saxon Warrior).