jeudi 9 mai 2024
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L’élevage de Bozouls se réoriente au galop

L’élevage de Bozouls se réoriente au galop

Très connu en endurance, l’élevage de Bozouls a également “sorti” des chevaux de plat au fil des ans. Mais Marcel Mezy a décidé de donner une orientation plus “course” à son élevage. Sarah Vidal, chargée des relations publiques et communication chez Mezagri, et Pauline Munoz, en charge de l’élevage, nous ont expliqué pourquoi.

Le 23 octobre 2023, en s’imposant dans le Prix Chéri Bibi (Gr3 PA) sur l’hippodrome de Toulouse, Kanti de Bozouls (No Risk Al Maury) a mis en lumière les efforts de réorientation entrepris ces dernières années par Marcel Mezy et son équipe. Et Pauline Munoz explique : « Nous avons changé beaucoup de choses au niveau des croisements, tout en sachant que monsieur Mezy a toujours eu de bonnes souches maternelles. Nous nous sommes recentrés sur ces dernières. Nous avons aussi changé l’alimentation car le climat dans l’Aveyron est froid, dur, tout en restant sur la rusticité du pur-sang arabe. Les résultats de ces changements sont arrivés plus vite que prévu… ces belles souches maternelles fleurissent d’elles-mêmes. » Pauline Munoz poursuit : « Kanti de Bozouls symbolise une nouvelle ambition. Cela fait trois ans qu’on y travaille. » Même s’il ne porte pas les couleurs de Michel Mezy, ayant été acheté bien avant qu’il ne débute (victorieusement), Kanti de Bozouls est un produit de Mesk de Bozouls (Dahess), dont la souche maternelle remonte à Méduse (Giaur), une jument fondatrice de l’élevage de Marcel Mezy : « Méduse, c’est l’amour de Marcel. C’est certainement la toute première jument pur-sang arabe qu’il ait achetée. Elle venait de chez la mère de Gilles Flottes. » Sarah Vidal réagit : « Il dit souvent que la première fois qu’il l’a vue, il a eu l’impression qu’elle volait, qu’elle était très aérienne. »

Il avait encore 600 chevaux récemment

Si la victoire de Kanti de Bozouls, « un cheval de Gr1 PA », a mis en lumière le fruit d’un travail entrepris il y a quelque temps, la troisième place de Jindor de Bozouls (Al Mourtajez) dans le French Arabian Breeders’ Challenge pour Poulains (Gr2 PA) l’an passé était un signe précurseur des succès à venir. Mais effectuons un petit retour en arrière. En 2021, l’élevage de Bozouls a organisé une grande vente à Rodez. Une étape nécessaire, comme l’explique Pauline Munoz : « Marcel est un grand affectif avec ses chevaux. Il en a beaucoup, en fait naître beaucoup [surtout pour l’endurance, ndlr]. À un moment, l’élevage s’est retrouvé avec un peu plus de 600 chevaux. Et quand on dit que 80 % des chevaux ne font pas l’affaire… » Sarah Vidal réagit : « L’objectif était de baisser les effectifs et de réorienter l’élevage vers le plat. Nous voulions également améliorer la qualité. Il fallait activer tous les leviers. Cette vente en faisait partie. » Une réduction d’effectif nécessaire, même si, comme Pauline Munoz le précise « il y a encore du tri à faire car nous avons pas mal de bonnes juments, mais vieillissantes. Nous avons la mère de Jindor de Bozouls, Udjidor de Bozouls (Dormane), une gagnante de Gr1 PA qui a 23 ans et qui n’a malheureusement pas pris cette année alors que nous étions allés à Ebraz (Amer). Nous avons également Jidwicha de Bozouls (Darweesh), 14ans, qui a bien produit, notamment Ichan de Bozouls (Mahabb), lauréat de quatre courses et placé de L PA, mais aussi, plus récemment, la 3ans Kiouma de Bouzouls et son jeune frère, Lwich de Bozouls, qui sont tous deux par No Risk Al Maury (Kesberoy). Enfin, Mesk de Bozouls (Dahess), la mère de Kanti, et c’était quand même une surprise. Certes, elle avait fait Ikef de Bozouls, un propre frère de Kanti qui était magnifique, mais dont on attendait un peu plus, même s’il a ensuite pas mal fait à Doha. »

Rajeunir la jumenterie

Après sélection, « nous avons une grosse vingtaine de juments. Certaines sortent, d’autres rentrent. Du sang neuf arrive avec la petite Jamaika de Bozouls. Elle a été le premier produit de l’étalon Aim South (Burning Sand) à gagner en France. Malgré sa taille, j’espère qu’elle va bien produire. La 5ans Iroka de Bozouls (Mahabb) arrive et je pense que Kavala de Bozouls (Af Al Buraq), qui avait débuté victorieusement chez Philippe Sogorb, devrait les rejoindre. » Pour bonifier cette sélection de juments, encore faut-il faire les bons choix de croisement, avec des étalons adéquats, et Pauline Munoz analyse : « Pour Kanti de Bozouls, nous avions choisi No Risk Al Maury car Marcel aime le sang français. Il lui plaisait beaucoup, et puis c’était un cheval issu de l’élevage de madame Koch. Bien que les produits de cet étalon soient très beaux visuellement, ils étaient un peu décevants chez nous, et nous nous posions la question d’arrêter de l’utiliser. Puis est arrivé Kanti de Bozouls. Fin de la théorie (rires). Il y a des surprises dans l’élevage. À l’avenir, nous allons être bien équipés avec des produits par Azadi (Darike), Ebraz (Amer), Yazeed (Munjiz) et aussi par un étalon que tout le monde boude, Sir Bani Yas (Amer). Il avait quand même battu Al Mourtajez en course, dans le Derby des 4ans. Sur les treize produits de cet étalon qui ont couru, il a trois gagnants différents. C’est un ratio énorme et personne ne semble l’utiliser à son plein potentiel. Il est vrai que son physique petit et râblé ne l’aide sans doute pas. Même Marcel était dubitatif quand il a vu ce cheval tout dodu. À le regarder, il fait moins cheval de course que les autres, mais sa production parle ! Madame Bernard, qui est l’un de nos entraîneurs et qui a eu Sir Bani Yas sous sa responsabilité, nous a dit qu’il avait tout pour lui, gentil, courageux, sans gros pépins physiques. Bref, on regarde ce qui se fait. » Plusieurs professionnels travaillent avec l’élevage, que ce soit « Éric Dell’Ova pour le pré-entraînement, Élisabeth Bernard qui est un peu une historique et Philippe Sogorb. Nous avions beaucoup de chevaux en Pologne mais nous allons arrêter. C’était bien pour ceux qui étaient d’une valeur en dessous de ce qu’il faut pour courir en France. Mais il n’y a quasiment pas de retours, que ce soit pour les ventes ou pour l’élevage… Notre cheval de bataille est de rehausser la qualité, ici en France. »

De meilleurs sols pour de meilleurs chevaux

Fils de paysans, Marcel Mezy est homme proche de la terre. Alors que tout jeune il gardait un troupeau et qu’il était assis sur un sol très dur et sec, il avait constaté que sous les arbres, le sol était plus souple. Adulte, de manière empirique et en autodidacte, il invente un compost révolutionnaire 100 % naturel – le Bacteriosol qui enrichit les sols et supprime les intrants chimiques – qu’il commercialise, entres autres produits, via sa société Mezagri, sous le label Technologies Marcel Mezy. Sarah Vidal détaille : « Ici [dans l’Aveyron, ndlr], nous avons un terroir très difficile et Marcel est un passionné des sols. C’est sa foi, toute une philosophie. L’élevage et les micro-organismes sont étroitement liés et font sens dans la vision de Marcel. Les chevaux évoluent sur des sols plus souples et plus structurés, tout en étant enrichis (protéines, etc.). Les chevaux doivent évoluer dans de bonnes conditions et notre approche correspond aux besoins environnementaux d’aujourd’hui. Cela colle parfaitement avec notre vision des choses et en ce sens, Marcel a été un précurseur. En enrichissant les sols, il enrichit son élevage et ses rêves. »

Le soutien à la filière

Le 25 juin dernier à Dax, l’élevage de Bozouls a sponsorisé pour la première fois le Prix Akbar, où Ichan de Bozouls et Jamaika de Bozouls ont pris respectivement les deuxième et quatrième places. Une volonté nouvelle « de soutenir la filière » confirme Sarah Vidal. « Marcel Mezy est l’un des rares propriétaires et éleveurs français. Contribuer à la filière du pur-sang arabe compte beaucoup pour lui. C’était aussi un moyen de sensibiliser les hippodromes à l’utilisation de ses technologies, que ce soit pour les pistes d’entraînement ou celles de course. En effet, le Bacteriosol permet une utilisation plus réduite de l’eau, tout en gardant une certaine humidité et souplesse au sol. On a pu constater lors de la dernière Assemblée générale de l’Afac que le sujet de l’utilisation de l’eau pour l’entretien des pistes devenait sensible, comme sur l’ensemble du territoire. Ce produit totalement naturel s’inscrit complètement dans les problématiques d’environnement et de réchauffement climatique. Ce serait un rêve qu’il soit utilisé sur toutes les pistes de galop. » En attendant, « on pense répéter le sponsoring l’année prochaine avec un plus gros soutien, mais sur une course de 3ans à Toulouse car nous pensons avoir de bons chevaux à venir dans cette génération. Neuf 2ans sont rentrés à l’entraînement pour nous. Je pense notamment à Leska de Bozouls (Al Mourtajez), une fille de Mesk, qui est parfaite de modèle et de caractère. On essaie de faire des choix cohérents avec les forces de notre élevage et notre vision de celui-ci. » Pour conclure, « nous voyons que cela bouge à l’Afac avec monsieur di Francesco, Axelle Nègre de Watrigant… alors nous essayons nous aussi d’apporter notre pierre à l’édifice. Nous sentons que notre filière a le vent en poupe. Nous ne détrônerons jamais le pur-sang anglais, mais s’organiser, grandir, est stimulant. »

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