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vendredi 23 mai 2025
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Échouer dans la Poule… et passer à la postérité

Échouer dans la Poule… et passer à la postérité

La longue histoire des Poules d’Essai est très mouvementée. Il faut dire que le parcours des 1.600m de Longchamp fait beaucoup de malheureux, qui plus est lorsqu’il y a beaucoup de partants. Et cela a des conséquences bien visibles. La première, c’est que nos Guinées ont souvent été mises en sursis par les membres du Pattern pour cause de rating insuffisant à plusieurs reprises durant l’histoire. La seconde, c’est qu’un futur bon étalon… a de temps en temps été battu sur le mile de Longchamp. Parfois par un gagnant qui s’est révélé bon reproducteur… mais parfois aussi par un futur étalon sans éclat qui avait bénéficié des particularités de ce parcours. Dimanche à Longchamp, la victoire de l’impressionnant Henri Matisse (Wootton Bassett) ne souffre d’aucune contestation et sa carrière ne se résume pas à la Poule qui était la confirmation de ses performances à 2ans. Personne ne serait surpris qu’il continue à briller au meilleur niveau. Et celle de Zarigana (RS) (Siyouni), aussi cruelle fut-elle pour l’entourage de Shes Perfect (Sioux Nation), revient à la pouliche ayant signé les 200m les plus rapides parmi les 29 partants des deux classiques de dimanche. On peut le dire et l’écrire : Zarigana a fini extrêmement vite. Et ce alors même que Mickaël Barzalona avait perdu sa cravache. Pour les battus, la défaite peut être amère, mais l’idée qu’on peut échouer dans la Poule mais passer à la postérité (au haras) peut être réconfortante. D’ailleurs, les deux géniteurs d’Henri Matisse avaient échoué dans cette course avant de connaître la gloire au haras… Tout comme le père de Zarigana !

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Henri Matisse, fils d’un échec dans la Poule

Les deux géniteurs d’Henri Matisse ont donc pris part sans succès au classique de Longchamp. Son père Wootton Bassett (Iffraaj) avait hérité du numéro 12 dans un lot de 14 partants. Il est allé devant et a fini péniblement cinquième. On peut affirmer sans grand risque que les quatre chevaux qui l’ont précédé n’ont pas été des réussites en plat au haras… Car seul Tin Horse (Sakhee) a effectivement sailli, mais c’est plus en obstacle qu’en plat qu’il a su faire parler de lui. Les trois autres sont partis pour Hongkong, pour les États-Unis ou ont été castrés. Wootton Bassett, après une saison à 2ans où rien ne lui avait été épargné – cinq victoires de juin à octobre, dont le « Lagardère » en allant devant –, n’a ensuite été que l’ombre de lui-même après la Poule. Peut-être était-il plus un bon cheval « tout court » qu’un vrai précoce ? Nous ne le saurons jamais. En tout cas, Henri Matisse est son deuxième gagnant classique en France après Almanzor (Wootton Bassett). Après la saison ratée de Wootton Bassett à 3ans, un étalonnier français (Nicolas de Chambure) a pris le risque de lui donner sa chance. Et une décennie plus tard, il est l’un des étalons les plus en vue d’Europe (300.000 € chez Coolmore en 2025) et le plus cher de l’histoire de l’élevage australien (385.000 AUD). La pression est énorme sur les épaules de Wootton Bassett, car à ces tarifs, le marché ne pardonne rien. Ses trois partants dans les 2.000 Guinées (Gr1) n’ont pas fait l’arrivée et il n’était pas représenté au départ des 1.000 Guinées (Gr1). Deux grandes questions se posaient ce printemps dans le camp des sceptiques. Sa génération extraordinaire de 2ans 2024 allait-elle confirmer à 3ans ? Les femelles seront-elles capables de faire aussi bien que les mâles ? Les performances d’Henri Matisse et de Camille Pissarro ont pour partie répondu à la première question et nous pouvons certainement être optimistes si l’on se souvient du parcours de ses générations françaises (Almanzor, Al Riffa, Audarya…) Concernant la seconde question, l’étalon a donné à ce jour 74 mâles (20 % de ses partants) et 32 pouliches black types (10 % de ses partants). Mais cette réussite des poulains ne doit pas masquer le fait qu’il aurait été dommage de ne pas lever le doigt aux ventes – pour des raisons statistiques – lors du passage sur le ring d’Audarya (Prix Jean Romanet & Breeders’ Cup Filly and Mare Turf, Grs1), d’Incarville (Prix Saint-Alary, Gr1) et Zellie (Prix Marcel Boussac, Gr1)… Il fut une époque où les mâles de Siyouni (Pivotal) se vendaient moins bien que les pouliches !

D’autres échecs retentissants… passés à la postérité !

La mère d’Henri Matisse, Immortal Verse (Pivotal), avait couru une Poule à 16 partantes. Et après un parcours pas évident, elle avait terminé (malheureuse) 11e sans pouvoir défendre ses chances. La suite de l’histoire, on la connaît. Immortal Verse est devenue une championne en piste et Henri Matisse est son deuxième gagnant de Gr1 au haras. Zarigana est la petite-fille de Zarkava (RS) (Zamindar), une pouliche comme nous en avons rarement vu et qui aurait certainement pu gagner la Poule avec le 30 à la corde si on inventait des stalles à 30 places. Mais son père Siyouni, favori de son édition, avait été malheureux, terminant neuvième de Lope de Vega (Shamardal). Si Lope de Vega est devenu le grand étalon que l’on connaît tous, il est déjà arrivé que le favori battu réussisse mieux au haras après avoir échoué sur un parcours aussi particulier que celui de la Poule. C’est le cas de Wootton Bassett. Même si la Poule a donné de grands sires (Kingmambo, Linamix, Kendor, Blushing Groom, Shamardal…), il y a aussi eu beaucoup de bons étalons battus dans la Poule… et souvent par un sire qui n’a pas brillé dans sa seconde carrière. Ainsi Danehill Dancer (Danehill) a échoué dans l’édition d’Ashkalani (Priolo), alors que Dansili (Danehill) avait été nettement battu par Soviet Star (Nureyev) ! À peu près partout dans le monde, actuellement les Guinées « sortent » plus d’étalons que le Derby. L’exception étant la France où le Prix du Jockey Club (Gr1) a sacré plus de bons reproducteurs que la Poule ces dernières années.

Un croisement… spécial ?

Dimanche soir, après la Poule d’Essai des Poulains, deux choses ont forcément sauté aux yeux des passionnés de pedigree. La première, c’est qu’Henri Matisse et Camille Pissarro sont issus du même croisement : Wootton Bassett sur une mère par Pivotal (Polar Falcon). Avons-nous découvert une martingale ? À ce stade, c’est bien difficile à dire. Mais en attendant d’avoir un échantillon plus large qui permettrait d’en avoir le cœur net, c’est un croisement prometteur qui va certainement donner des idées à beaucoup de monde. Un total de 10 produits par Wootton Bassett et des filles de Pivotal ont couru. Seulement trois ont gagné, mais à cette date de la saison, c’est assez logique car il reste beaucoup de maidens à courir. Et bien sûr deux sont gagnants de Gr1, avec Camille Pissarro (Prix Jean-Luc Lagardère) et Henri Matisse (Poule d’Essai des Poulains et Breeders’ Cup Juvenile Turf). Si on regarde le pedigree d’Henri Matisse en particulier, on remarque qu’il a trois fois la célèbre Spécial (Forli) dans les cinq premières générations de son pedigree, cette jument étant la mère de Nureyev (Northern Dancer) et la deuxième mère de Sadler’s Wells (Northern Dancer). Il y a de très grands fans des inbreedings sur les poulinières de légende et celui sur Spécial est un grand classique. Kirsten Rausing l’a tenté assez régulièrement, et avec succès. C’est ainsi qu’elle a obtenu Madame Chiang (trois fois Spécial), lauréate des British Champions Fillies & Mares Stakes (Gr1). En France, Dario Hinojosa a suivi la même route pour obtenir les gagnants de Gr1 Recoletos (trois fois Spécial) et Huetor (quatre fois Spécial !) Sur le papier, c’est donc extrêmement séduisant. Mais il faut tout de même raison garder car dès que l’on dépasse une distance de trois ou quatre générations pour deux ancêtres communs dans un pedigree… la probabilité statistique d’avoir un effet réel devient faible. Dans le monde, 29.266 chevaux ayant au moins deux fois Spécial dans leur pedigree ont couru. Et 16.621 (56,8 %) ont gagné, les mâles faisant mieux que les femelles (61,2 % contre 51,9 %). Un total de 2.033 est black type (6,94 %), avec là encore un léger avantage pour les mâles (7,18 % contre 6,67 %). Pour utiliser d’autres critères, l’average earning index d’un tel inbreeding est d’1,2. C’est donc mieux que la moyenne de la population, mais on est loin de la baguette magique.

Vous avez dit saturation ?

La génétique est un sujet complexe et en constante évolution au fur et à mesure que la science progresse. Parfois, les scientifiques nous permettent de nous rendre compte que nous faisions fausse route pendant des années. Mais parfois, aussi, nous comprenons que nos aïeux avaient compris pas mal de choses de manière empirique, avec les moyens du bord… Par exemple, la consanguinité rapprochée est culturellement déconseillée dans nos sociétés depuis les temps bibliques. Et des siècles plus tard, la science nous a permis de comprendre pourquoi ! Dans les ouvrages publiés lors des décennies précédentes, on trouve régulièrement la notion de saturation. C’est-à-dire que lorsqu’un courant de sang devient omniprésent, cela ralentit la réussite de ses descendants au haras. Les explications à ce phénomène proposées il y a un siècle étaient un peu ésotériques. Mais aujourd’hui, on sait que sur le plan statistique, à l’échelle d’un nombre important de croisements, la multiplication des inbreedings proches fait diminuer le nombre de chevaux capables d’aller aux courses, augmenter le nombre d’avortement et n’offre aucune garantie d’obtenir un meilleur cheval. Pour autant, il y a toujours des adeptes de l’inbreeding et on a récemment vu en Irlande le premier black type avec deux fois Dubawi dans son pedigree avec le 2ans Power Blue (Space Blues et une mère par Worthadd). À ce jour, quatre chevaux avec cet inbreeding ont couru. Le fait marquant de ce printemps en Europe, c’est donc la réussite d’étalons n’ayant ni Sadler’s Wells ni Danehill dans leur pedigree. Au classement européen, trois des quatre premiers correspondent à ce profil, il s’agit de Sea the Stars (1er), Lope de Vega (3e) et Wootton Bassett (4e). Sans oublier Justify (Scat Daddy), dont l’impressionnant Ruling Court (2.000 Guinées) est le deuxième gagnant classique après City of Troy (Derby). Le fait d’être outcross leur ouvre énormément d’opportunités, alors que Night of Thunder (Dubawi sur Galileo) et Siyouni (petit-fils de Danehill), deuxième et cinquième au classement, et eux aussi grands étalons, ont des courants de sang en commun avec énormément de juments. Cela n’a pas empêché Zarigana (inbred sur Danehill) de gagner la Poule, mais à l’échelle d’une population entière, cela fait sens.

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