jeudi 9 mai 2024
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Nils-Petter Gill, un Norvégien qui rêve classique… français

Nils-Petter Gill, un Norvégien qui rêve classique… français

Nils-Petter Gill est l’un des propriétaires les plus connus en Scandinavie. Et le Norvégien a un espoir classique en France cette année : Mondo Man, détenu en association avec Serge Stempniak, un homme du Nord, et entraîné par les Suédois d’origine mais Français d’adoption Pia et Joakim Brandt.

Par Anne-Louise Échevin

ale@jourdegalop.com

Rendez-vous à Chantilly

Nils-Petter Gill était présent dimanche, à Longchamp, pour assister à la performance du poulain dans le Prix La Force (Gr3). Mondo Man restait sur une bonne troisième place dans le Prix Maurice Caillault (L), et avant cette Listed, Nils-Petter Gill avait expliqué à nos confrères scandinaves que son poulain avait comme option le Derby français… ou suédois ! En se classant deuxième de La Force, il a gagné son ticket pour Chantilly et le propriétaire sera bien présent : « J’ai hâte de venir le premier dimanche de juin ! Je ne parle pas français mais j’adore la France, j’ai d’ailleurs une maison du côté de Caen. Et je viens très souvent aux ventes Arqana, surtout au mois d’octobre, en achetant ou non… Deauville est la seule vente où je parviens à faire venir ma femme (rires) ! À Newmarket, croyez-moi, c’est non ! Je me suis également déjà rendu à Osarus, c’est très “sympa”. Et j’aime énormément avoir des chevaux à l’entraînement en France. Aller à Chantilly est toujours une très bonne expérience, en prenant un hôtel non loin des pistes pour, le matin, voir et entendre passer les chevaux. C’est quelque chose que je vis aussi en Norvège, ma maison n’est pas loin du poteau d’arrivée de l’hippodrome d’Ovrevoll. J’aime cet animal, c’est une vraie passion. »

L’association “Gill-Stempniak” a été créée via Pia Brandt : « J’ai pris une part de Mondo Man sur ses conseils. Elle m’a dit qu’elle avait acheté ce poulain, engagé dans le Derby suédois. J’en ai pris une part, le prix était raisonnable, il me plaisait physiquement. Je n’avais jamais rencontré Serge Stempniak avant dimanche. Cela a tout de suite collé, nous avons le même sens de l’humour. Il y aura de l’opposition à Chantilly, bien entendu, mais je crois que nous avons le droit d’y aller avec une chance. C’est un vrai défi… Avoir des chevaux de course en France en est un, mais j’aime les défis et, parfois, cela marche. Nous en avons un bel exemple avec Serge Stempniak et toute l’aventure Ace Impact. C’est vraiment une belle histoire. »

Son père n’a jamais gagné le Derby norvégien… et il l’a vengé !

Nils-Petter Gill a remporté, comme il l’indique, « beaucoup de grandes épreuves en Scandinavie ». Ses chevaux courent sous le nom de Stall Bonne Nuit, « au souvenir d’une écurie que j’avais visitée il y a longtemps, cela m’avait amusé… et j’aime beaucoup dormir », et de Stall Bright Side of Life, « en référence aux Monty Pythons, qui me font bien rire ! »

Logiquement, le Derby de Norvège lui tenait à cœur… Il est norvégien, bien entendu, et il y avait un air de revanche familial autour de cette épreuve. « Mon père était propriétaire et rêvait de la gagner. Il n’y est jamais parvenu… Alors, à mon tour, j’ai acheté des chevaux de course, dans l’idée de remporter cette épreuve. Résultat… Je l’ai gagnée sept fois ! » Il a même réussi un exploit rare : remporter, la même année, deux Derby de Norvège. C’était en 2016 : Our Last Summer (Zamindar) s’est imposé dans le Derby de galop, celui d’Ovrevoll et, un peu moins d’un mois plus tard, El Diablo BR (Muscle Hill), dont il était copropriétaire, s’est imposé dans le Norsk Trav Derby, celui du trot norvégien.

Sa méthode pour acheter des chevaux en France

Les acheteurs scandinaves sont bien connus en France du côté d’Arqana, tout comme en Grande-Bretagne ou en Irlande. Nils-Petter Gill ne manque pas d’humour et explique comment, au début des années 2000, il établissait une première sélection pour trouver des chevaux dans nos ventes françaises : « C’était assez simple… Je sélectionnais les chevaux qui n’avaient pas droit aux primes. Pour les acheteurs français, c’est logiquement quelque chose d’important et, quand un cheval n’avait pas droit à ce système, il attirait moins l’attention et devenait tout de suite moins cher. » Les chevaux achetés en France connaissent une belle réussite en Scandinavie. Le plus célèbre est celui qui a été surnommé le Frankel des Fjords, Square de Luynes (Manduro). Son histoire continue d’amuser Nils-Petter Gill : « Cette année-là, nous avions acheté trois chevaux à Arqana avec des associés. Square de Luynes en faisait partie et il est devenu un champion en Scandinavie. L’ironie de l’histoire est qu’il n’a pas couru sous ma copropriété… mais sous celle de mon épouse ! Elle n’a donc pas arrêté de me battre en course, c’était un peu embêtant (rires). »

De Démocrate, le cheval le plus connu du catalogue Arqana, à Silver Step

En France, Nils-Petter Gill a remporté son premier Groupe suite au succès de Démocrate (Dalakhani) dans le Prix Hocquart (Gr2). « J’étais copropriétaire du cheval avec Lady O’Reilly et la famille Moussac. En 2008, le poulain a remporté le Prix Hocquart, et suite à ce succès, nous l’avons vendu pour une somme très importante [au cheikh Mohammed Al Maktoum, ndlr]. Il a couru le Jockey Club ensuite, sans réussite, puis a été exporté. Démocrate est peut-être le cheval le plus célèbre d’Arqana ! Lorsque vous ouvrez le catalogue et tournez quelques pages, vous tombez sur une vous expliquant comment lire une page de catalogue. Et, l’exemple utilisé, c’est Démocrate ! »

Toujours en France, et sous l’entraînement de Pia Brandt, Nils-Petter Gill a pu compter sur son élève Silver Step (Silver Frost), gagnante du Premio Elena e Sergio Cumani (Gr3) et du Prix de la Pépinière (L). Elle a été son tout premier partant sous la responsabilité de la Suédoise et cela avait débuté par une victoire, le 2 novembre 2015, à Chantilly : « J’avais acheté la mère de Silver Step à Arqana [yearling, en 2004, pour 52.000 €, ndlr]. Elle a d’abord couru en Norvège puis a rejoint les boxes de Mikel Delzangles. Silver Step a donc été une belle aventure pour nous. Nous l’avons finalement vendue et elle a été exportée aux États-Unis. Actuellement, je n’ai plus de chevaux à l’élevage en France mais qui sait, peut-être que je recommencerais dans le futur. Être propriétaire présente des défis, mais que dire de l’élevage… C’est tellement dur. J’ai trois poulinières en Scandinavie, avec aussi trois yearlings et trois foals. À l’entraînement, entre la Suède et la Norvège, j’ai trois chevaux. » Nils-Petter Gill a réduit son nombre de chevaux mais il y a une bonne raison. Il est aussi copropriétaire… d’un hippodrome !

Klampenborg, un achat pas vraiment raisonnable !

Klampenborg est l’hippodrome de galop de Copenhague et le seul “100 % galop” du Danemark. En 2013, Nils-Petter Gill est devenu l’un des copropriétaires du site, avec des investisseurs danois, Schibsted Wibecke, Einar Nagell-Erichsen. En 2018, ils ont été rejoints dans l’aventure par un autre propriétaire norvégien, actif au trot comme au galop : Kolbjorn Opsahl Selmer – qui a notamment eu sous ses couleurs le trotteur Looking Superb (Orlando Vici), bien connu en France et deuxième notamment du Prix d’Amérique. Nils-Petter Gill analyse : « Très honnêtement, on vous dira qu’acheter des chevaux de course n’est déjà pas très raisonnable… Mais alors que dire d’un hippodrome ! Nous nous sommes lancés dans l’aventure et ce n’est pas simple à gérer. Klampenborg ne court qu’au galop, et en Scandinavie, c’est un vrai défi par rapport à la météo. Pensez que la semaine dernière encore, il a neigé à Oslo. C’est pour cela que nous courons aussi beaucoup sur le dirt dans la région. Le problème avec une piste comme celle de Klampenborg, c’est qu’elle n’accueille que 20 journées de course dans l’année. Il n’est pas possible de capitaliser uniquement sur cela pour faire vivre le site. Nous avons un atout : l’hippodrome est accessible et est situé dans les beaux quartiers de Copenhague. Il est donc possible d’y organiser des événements hors compétition : anniversaires, fêtes d’entreprise, etc. Lorsqu’il y a des courses, nous avons mis en place des animations afin de faire venir les gens. C’est une fête et cela marche, nous avons du public qui se déplace et, surtout, beaucoup de jeunes gens. Dans le même style, j’ai beaucoup aimé être présent à Longchamp le 14 juillet dernier et voir la belle fête que cela a été. Je trouve cela très bien et nous essayons de reproduire cela. »

Et l’obstacle ?

En Scandinavie, les courses d’obstacle sont rares. C’est la Suède qui en organise le plus, avec en point d’orgue le Grand National suédois. Pour autant, l’obstacle suédois représente moins de 30 courses par an. Le 1er février 2024, ATG – qui diffuse et est le principal opérateur de paris sur les courses suédoises – a annoncé que, dès 2024, plus aucun pari ne serait proposé sur l’obstacle en Suède et, par conséquent, que les courses de la discipline ne seraient plus diffusées. La raison ? ATG juge l’obstacle trop dangereux et évoque donc des problématiques de bien-être animal. L’obstacle suédois est déjà tout petit et la décision d’ATG inquiète les quelques acteurs des courses encore impliqués – tout en posant de multiples questions sur les perceptions de bien-être (courir les 2ans, l’utilisation de certains artifices, etc).

Nils-Petter Gils a eu des partants en obstacle, dont le “FR” Omoto Sando (Trempolino), gagnant du Champion Hurdle suédois : « En effet, il y a une menace et une inquiétude sur l’obstacle en Suède. Si on me parlait d’investir sur des chevaux uniquement pour courir dans cette spécialité, je le déconseillerais. Mais, comme évoqué plus haut, je crois que c’est une erreur de ne se reposer que sur les paris afin de faire vivre un hippodrome et des courses. Tout récemment, j’ai ainsi déjeuné avec le responsable de l’hippodrome de Goodwood, qui me parlait de tout ce qui était fait sur le site en dehors des courses, pour faire rentrer de l’argent. Comme des expositions de voitures anciennes, par exemple. Cela permet de rentabiliser le lieu et de pouvoir ensuite injecter davantage d’argent dans les allocations. C’est loin d’être facile, évidemment, et c’est ce que nous tentons de faire avec Klampenborg. Je pense qu’il faudrait que tout le monde essaye… »

Obstacle en Suède : les explications d’ATG

ATG est l’opérateur historique de paris en Suède. Il a longtemps bénéficié d’un monopole sur le pari hippique, avant l’ouverture du marché du pari suédois à la concurrence en 2019. ATG appartient à 9,99 % à Svensk Galopp (avec un membre au Comité), le reste appartenant à Svensk Travsport (le trot suédois, avec quatre membres au Comité). La société est régulée par un contrat avec l’État, lequel a droit de regard sur le Comité désigné par le président d’ATG. L’annonce d’ATG est passée relativement inaperçue. L’obstacle, en Suède, est un tout “petit” sport mais cette décision doit être prise en compte. Sur les questions de bien-être (ou de perception du bien-être) – et notamment toutes les questions touchant, par exemple, à l’utilisation de la cravache –, la Scandinavie a montré être en “avance” sur le reste de l’Europe.

Nous avons contacté ATG suite à cette annonce et Victoria Orrsveden, business operations manager, nous a expliqué : « ATG est une entreprise privée appartenant à la Swedish Horse Racing Authority et à la Swedish Trotting Association. Une décision telle que celle-là n’a pas été prise par les deux propriétaires, mais par la direction d’ATG. […] Le bien-être des chevaux est l’une des questions de durabilité les plus importantes et nous prenons cela très au sérieux. Selon les clients d’ATG, le bien-être est l’un des aspects les plus importants pris en compte lors de paris sur les courses de chevaux. Je comprends parfaitement que certains acteurs des courses soient déçus de notre décision, mais nous avons longuement pesé le pour et le contre et, selon nous, le risque de blessures plus élevé dans les courses d’obstacle suédoises – comme illustré par les données – et un bien-être équin de bon niveau ne peuvent pas être associés. »

La décision d’ATG fait peser une menace certaine sur l’obstacle en Suède – qui ne sera plus financé par l’opérateur principal de paris – et, potentiellement, sur les courses de façon plus générale – que se passera-t-il si on décide que l’accidentologie est plus importante, par exemple, chez les pur-sang que chez les trotteurs ? Victoria Orrsveden nous a indiqué : « Je comprends sincèrement que les acteurs des courses d’obstacle soient inquiets et frustrés par notre décision. Cependant, sur la globalité, l’obstacle ne représente qu’une petite partie des enjeux d’ATG et ATG n’a pas l’intention d’arrêter les paris sur les courses de plat. Si, dans le futur et en parlant seulement en hypothèse, le risque d’accidents en plat augmentait de façon drastique, alors nous nous pencherons sur le sujet. Sur ce point, nous tenons à clarifier le fait qu’ATG a décidé de ne plus proposer de paris sur aucune course d’obstacle mais n’a aucun pouvoir de décision sur le sport lui-même. Si nous adoptons une vision globale, le bien-être équin est un sujet essentiel pour le futur de tous les sports avec les chevaux en Suède et donc pour ATG. De plus en plus de personnes se posent la question de savoir s’il est justifiable, éthiquement parlant, de tenir des compétitions avec des chevaux. En Suède comme à l’international, la “licence sociale permettant d’opérer” [soit l’acceptation de la société, ndlr] est absolument essentielle pour l’existence de tous les sports équestres. Et nous savons, par les études que nous avons menées, que le bien-être est la problématique la plus importante pour les clients d’ATG et tout particulièrement chez les plus jeunes. Nous devons donc assurer le futur le plus solide possible pour remplir notre mission : donner à nos propriétaires, la Swedish Horseracing Authority et la Swedish Trotting Association, le plus de financement possible. Pour cela, toutes les inquiétudes autour du bien-être des chevaux doivent être prises en compte. »

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