vendredi 3 mai 2024
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Alain Chopard : « Mon rêve, ce n’est pas l’Arc, c’est le Morny »

Alain Chopard : « Mon rêve, ce n’est pas l’Arc, c’est le Morny »

Actuel tête de liste des éleveurs, Alain Chopard fait feu de tout bois. L’homme du haras des Faunes s’est distingué dans les premières courses de 2ans avec les produits de Gutaifan et les premières courses de 3ans à Auteuil avec Born to Sea, ses deux étalons fer de lance pour 2024.

Par Salomé Lellouche

ll@jourdegalop.com

Jour de Galop. – Être à l’origine d’un trio gagnant dans une course d’inédits pour 2ans, comme celui du 23 mars à La Teste, ce n’est pas quelque chose qui arrive très souvent…

Alain Chopard. – Oui c’est certain. C’était une très belle journée à La Teste. Ce qui fait la différence aujourd’hui, à mon sens, c’est qu’avec Gutaifan (Dark Angel) j’ai désormais la chance d’avoir retrouvé un étalon comparable à Indian Rocket (Indian Ridge)…

Justement, Gutaifan a brillé dès la première course de 2ans dans le Prix du Premier Pas (Inédits) avec Cylenechope. Comment est-il arrivé chez vous ?

Il est arrivé par l’intermédiaire de Marc-Antoine Berghgracht. Le papier me plaisait énormément parce qu’il croisait très bien avec mes juments. J’ai beaucoup de sang de Green Desert (Danzig), et avec Gutaifan, c’était plutôt complémentaire. C’est un très beau cheval et c’était surtout un vrai 2ans. J’ai eu 35 produits la première année. Et ce qui est remarquable, c’est que le poulain qui a mis le plus de temps à se lever l’a fait en 35 minutes. En moyenne, au bout de 15 minutes, ils étaient debout. Je n’ai jamais rêvé de gagner l’Arc de Triomphe. Mon rêve à moi, c’est d’avoir un cheval capable de gagner le Morny. Nous l’avons couru plusieurs, fois, mais nous ne l’avons jamais gagné. Ça va peut-être arriver avec un Gutaifan.

Born to Sea a des 3ans prometteurs à Auteuil, et surtout Tulipa Chope qui est engagée dans les classiques…

Je pense que cette année, c’est l’année de Born to Sea (Invincible Spirit) ! Si tout va bien, Tulipa Chope devrait courir la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1). La première année, quand il est arrivé chez nous, l’étalon avait beaucoup sailli, mais la qualité n’était pas au rendez-vous. Et je n’ai pas eu de chance avec mes juments : beaucoup n’ont pas été à terme. Toutefois, la deuxième année a été très bonne. Il y a eu beaucoup de grosses maisons d’obstacle qui lui ont envoyé des juments. Et ce sont les 3ans de cette année. Si l’étalon ne sort pas cette année, il faudra que je fasse une croix dessus. Mais je pense que ça va bien aller car deux de ses produits, Mambonumberfive et Shika du Berlais, ont terminé troisièmes des très bons Prix Auricula et Rush à Auteuil.

La petite sœur de Tupila Chope, Winne Chope, est par Gutaifan. Avez-vous des espoirs avec elle ?

Nous allons voir cela d’ici un mois (rires) ! Pour le moment, à l’entraînement, elle a l’air d’aller vraiment très bien. Cela fait rêver… Elle était engagée à La Teste, dans le Prix de la Sorec justement, mais son entraîneur a préféré lui laisser plus de temps car elle a du modèle. C’est une très belle pouliche, à l’image de son père. Et puis Tulipa Chope a gagné sur 1.200m à 2ans car elle était bonne. Mais ce n’était pas une pure précoce. Elle l’a montré en gagnant son Gr3 sur 1.600m au mois d’octobre.

Vous êtes tête de liste chez les éleveurs. 2024 sera-t-elle la meilleure année de votre élevage ?

Ça fait quelques années qu’on “bricole” sans forcément avoir les résultats souhaités. Mais nous avons fait quelques changements, notamment avec nos étalons, et je pense que cela va beaucoup jouer. Nous avons énormément de bons bruits sur nos 2ans issus de la première production française de Gutaifan. Comme il a été tête de liste en Angleterre avec sa toute première production, cela peut tout à fait se répéter. Ce serait logique. 

Cela fait aussi plus de dix ans que vous figurez dans le top 10. Est-ce un objectif ?

C’est un objectif effectivement. Je suis toujours entre la 6e et la 10e place au classement des éleveurs depuis 2010. J’espère être dans le top 5 à partir de maintenant car j’ai augmenté mon nombre de juments. Auparavant, j’avais toujours entre 25 et 35 juments. Cela fait deux années que j’ai cinquante poulinières. Il y a aussi 37 poulains de 2ans. Ce sont donc mes trois plus grosses années.

Comment faites-vous pour maintenir ces résultats ?

On pourrait penser que c’est le nombre uniquement. Mais en fait, j’ai beaucoup moins de juments que certains. Il faut savoir que près de 95 % des produits de mon élevage vont aux courses. Et ça, je ne l’explique pas forcément. Dans l’élevage, il y a trois facteurs importants : un tiers le père, un tiers la mère et un tiers les conditions d’élevage. Et d’après ce que je vois, mes méthodes ont l’air de plutôt bien fonctionner. En plus, je mets très peu d’argent dans les poulinières. J’ai beaucoup de juments que l’on m’a données ou qui valent peu d’argent. Cela étant, il y a toujours un travail de sélection. Parfois, on commet des erreurs, mais on peut rectifier d’année en année avec l’expérience.

Cela vous arrive-t-il d’aller à des étalons qui ne sont pas en station chez vous ?

Presque jamais ! Pour Sweet Chop, le Van Beethoven (Scat Daddy) qui a gagné le Prix de la Sorec, j’avais acheté la mère, Sweet to Remember (Siyouni), pleine, sur Auctav. La jument était bien née et j’aimais bien son papier ainsi que Van Beethoven. Par chance, son premier produit, Sweet Chop, galope un peu. Sa yearling 2024 est par Muhaarar (Oasis Dream). En général, à l’extérieur, je vais seulement à Goken (Kendargent). J’ai notamment eu Liva Chope (Goken) qui a gagné le Prix du Bois (Gr3).

Votre réussite ces dernières années, c’est aussi Muhaarar. 

J’adorais les performances de ce cheval. J’ai eu quelques critiques quand je l’ai rentré. Mais finalement, j’avais raison : un an après son arrivée, toute sa production s’est mise à gagner de bonnes courses. C’est peut-être un coup de chance, mais moi, je croyais vraiment en lui. Muhaarar donne des produits moins précoces mais la qualité sera certainement au rendez-vous. Lors de son passage chez moi, je lui ai mis une quinzaine de juments par an. Avec eux, il est certain que le rêve est permis.

Qu’est-ce qui est le plus important dans la sélection de vos poulinières ?

C’est la précocité et l’âge. J’ai de moins en moins de vieilles juments. J’ai donc plus de jeunes juments et beaucoup de premiers produits. D’ailleurs, les trois premiers du Prix Sorec à La Teste sont des premiers produits.

À partir de cela, j’ai adapté mon panel d’étalon. C’est très dur de trouver des étalons “vites” et précoces, car dès qu’ils ont quelques bonnes performances, cela vaut très cher. J’ai eu un petit peu de chance avec l’acquisition d’Indian Rocket, puis celle de Gutaifan. Mais j’en ai eu d’autres qui étaient très mauvais, comme Amadeus Wolf (Mozart). Pendant trois ans, je lui ai mis des bonnes juments et pendant trois ans, il n’y a pas eu de résultats. Cela fait très mal.

Vous êtes éleveur mais aussi propriétaire. Comment choisissez-vous vos entraîneurs ?

Je travaille avec beaucoup d’entraîneurs différents et cela se passe bien avec tous. L’important pour moi, c’est le résultat. Moi, j’aime voir les gens heureux. Donc c’est pour ça que je dis toujours qu’il est important que la pyramide soit large. Le jour où il n’y aura plus de petits entraîneurs, de petits propriétaires et de petits éleveurs, la pyramide s’effondrera. Quand on voit un jeune entraîneur qui réussit, cela fait plaisir et il est important de pouvoir soutenir les nouvelles générations. J’aime aussi quand les chevaux que je vends restent chez le même entraîneur. Par exemple, j’avais Gailo Chop (Deportivo) chez Antoine de Watrigant. Et ma seule condition pour qu’il soit vendu, c’était que le cheval reste chez lui. Et le cheval a gagné de belles courses.

Que vous a appris votre expérience en tant qu’entraîneur ?

Que désormais, je préfère payer des pensions (rires) ! J’ai voulu essayer d’entraîner car à cette époque-là, je trouvais que les entraîneurs étaient chers. J’avais fait mon stage chez Jean-Claude Rouget. Donc j’ai essayé mais plusieurs choses n’allaient pas. Nous avons quand même gagné sur 1.600m, mais la piste d’entraînement n’était pas assez bonne. Et puis c’était compliqué avec le personnel. J’ai néanmoins gardé la piste. On pourra la refaire dans quelques années si mes enfants le veulent. Bon, on a de la marge (rires) ! Pour l’instant, elles en sont aux courses de poney. Mais les installations sont là.

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